Demande à FredO |
Par Frédéric Chomé |
12-12-2015
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Encourager l’investissement local bas carbone et décarboner la finance |
A l’échelle d’un ménage, les avoirs financiers (épargne, assurances, placements) représentent plus de 20 fois les émissions cumulées de la consommation d’énergie du logement et des transports d’une famille ! Si l’on souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre à titre individuel, c’est probablement par là qu’il faut commencer.
Pourquoi tant de GES ? Simplement par la volonté d’obtenir un intérêt de la part de ses placements financiers. Pour « fabriquer » cet intérêt on investit dans l’économie, qui émet des émissions des GES. Et malheureusement, les banquiers, gestionnaires de fonds d’investissement et nos dirigeants n’ont pas de conscience environnementale très marquée. C’est bien par la finance et le portefeuille des individus que l’on obtiendra des changements significatifs.
En Belgique, les ménages détiennent des actifs financiers à concurrence de plus de 100.000 euros par personne (un peu moins en France). Chaque € placé génère des intérêts, donc finance l’économie mondiale. Selon le type d’investissement, l’empreinte carbone de celui-ci est élevé ou plus faible. En moyenne mondiale, on considère qu’un euro placé génère 0,85 kg deCO2e par an pour produire ses intérêts. 100 000 € génèrent donc 85 t CO2e par an, soit 10 fois l’empreinte carbone d’un belge moyen pour son habitat et ses transports. Le graphe ci dessous présente ce ratio par zone du monde :
(a) source : http://www.statistiques.developpeme...
Réallouer massivement les financements vers l’économie bas carbone est crucial et facile à faire. Chacun à son niveau peut y réfléchir mais réglementer serait encore plus efficient. En effet, des changements dans la réorientation des placements vers une économie locale, verte , durable et qui réduit les émissions de CO2 en valeur absolue permet d’obtenir des résultats bien plus significatifs à l’échelle nationale que l’isolation de l’ensemble des logements (qu’il faut faire aussi et que l’on pourrait financer par ce biais), avec des coûts de mise en œuvre insignifiants et des temps de déploiement quasi immédiats.
Au delà de ce que chacun d’entre nous peut faire à titre individuel, il convient également d’imposer aux gestionnaires de fonds d’investissement d’investir 5% de leur encours dans des initiatives, locales, durables et qui réduisent les émissions de GES en valeur absolue et financent l’économie réelle. Par ce biais, les émissions nationales peuvent être réduites de plusieurs dizaines de pourcents.
Toute réforme d’envergure passe donc par un contrôle strict du poids carbone des investissements et de la finance. On entend beaucoup parler de "Sortir ses investissements du fossile", mais ce n’est pas suffisant. Nous plaidons pour que les investisseurs soient contraints d’investir 5% (puis +1% par an) de leur portefeuille dans les fonds de private equity (pas de titres en bourse) qui financent les entreprises qui construisent les solutions de demain, celles qui réduisent les émissions de GES (en balance nette, entre les émissions liées à leurs activités et les réductions d’émissions induites par leurs produits et services).
En échange de ces investissements à risque réalisé sur le territoire national, les investisseurs bénéficient d’une politique fiscale attrayante sur la taxation des plus values éventuelles, d’une garantie des capitaux placés et d’un rendement minimal annuel garanti (par exemple 3%) par les pouvoirs publics. Ces derniers s’y retrouvent complètement, puisque par cette politique ils favorisent des investissements durables dans le temps, de nouvelles activités créatrices d’emplois dans leurs territoires. De plus pour chaque euro investi dans les entreprises actives sur le territoire national, les pouvoirs publics regagnent en moyenne 10 € par an de retombées directes et indirectes (salaires, TVA, fiscalité, consommation).
Les investisseurs institutionnels et familiaux recherchent à tout prix des solutions pour placer leurs capitaux sans risque et avec une rentabilité minimale. En créant les conditions qui leur permette d’investir dans nos Territoires, dans des entreprises durables qui sont les acteurs de la transition bas carbone et créateurs de résilience pour nos habitants, l’Etat joue pleinement son rôle d’accélérateur social et de redistribution.
Ce plan est un impératif pour sortir une partie des flux financiers du monde virtuel de la bourse et les réinjecter dans l’économie réelle, les PME, l’ESS ; etc. C’est à dire pour favoriser la résilience des Territoires pour l’innovation et l’emploi. Chaque Million d’€ que l’on réinvestit dans l’économie décarbonée induit une économie de Gaz à effet de serre de l’ordre de 4 à 5 MtCO2e en valeur absolue selon les projets financés. C’est énorme et facile à faire !
De nombreuses coopératives, société innovatrices existent déjà et de plus nombreuses encore restent à créer. Avec l’argent citoyen, privé et public, finançons la transition de nos sociétés, créons des emplois durables dans le temps et résilients par rapport aux perturbations futures. C’est sans doute la meilleure voie vers le bonheur !
Il ne reste plus qu’à commencer, chacun à son échelle, tout en militant pour que des mesures soient prises à l’encontre des investisseurs institutionnels. La Caisse des Dépôts, la Banque de France et les établissements de placement doivent être en pointe sur ce projet dans les tout prochains mois pour donner la direction à suivre.
Directeur de Factor X, un bureau de conseil en stratégie climatique et développement durable qui a notamment travaillé sur le bilan carbone des JO 2012 de Londres. |
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