A quelques minutes à pied de la gare de Beauvais (Oise), quelque 8 millions de brosses à dents sortent chaque année d’un bâtiment de 4 000 m2 . Elles sont les ultimes survivantes à être conçues dans l’Hexagone, quand la plupart de celles qui peuplent nos rayons viennent d’Asie, et pour une infime part d’Allemagne et d’Italie.
Le long du couloir d’entrée de La Brosserie Française, les portes vitrées laissent voir l’intérieur de cette usine vieille de cent soixante-dix ans. C’est ici que les manches en plastique, moulés dans une entreprise de l’Orne associée à la Brosserie, arrivent pour y subir les étapes suivantes de fabrication. Une dizaine d’employés, blouse bleue et charlotte blanche, s’affairent autour des machines. Marilyne Degrootte, employée depuis trente-six ans, récupère au bout d’un tapis roulant des dizaines de brosses violettes qui viennent de se faire « empoiler » à la vitesse de l’éclair. Elles sont ensuite empaquetées puis stockées dans l’entrepôt qui jouxte la salle de fabrication, en attente de leur départ : vers les grandes surfaces sous la marque Bioseptyl ou vers les pharmacies sous une autre marque.
Une autre partie de ces brosses, issues d’une gamme spécifique, sont glissées dans des enveloppes, sans emballages, prêtes à partir chez leurs futurs propriétaires. La plateforme de vente en ligne Biospetyl a été créée en 2012, quand Olivier Remoissonnet, le directeur actuel, rachète avec deux associés l’entreprise placée en liquidation. Il recentre alors l’ensemble des activités – délocalisées en Asie – sur l’Hexagone et investit tous ses efforts dans la vente sur Internet, mieux adaptée aux demandes des clients. « On a fait des changements profonds au niveau de la logistique pour faire partir des enveloppes au lieu de palettes complètes », explique le directeur. « Ça nous permet d’être plus proches des clients, via notre propre plateforme de vente en ligne. »
Et depuis juin 2014, les clients peuvent même s’abonner, avec des formules un, deux ou trois mois ! L’idée est née d’un constat : les Français sont bons derniers en Europe quand il s’agit de penser à remplacer l’alliée de leurs gencives. « Ils la changent tous les cinq à six mois alors que les dentistes recommandent une fréquence de trois mois, explique Olivier Remoissonnet. On s’est demandés comment, à notre niveau, on pouvait améliorer la santé bucco-dentaire en apportant un service. » Le principe séduit : d’ici à la fin de l’année, l’entreprise devrait atteindre les 10 000 abonnés.
Mais qui dit changements plus fréquents… dit plus de déchets. La Brosserie Française a donc mis en place en août dernier un système de recyclage des brosses usagées. « Quand la nouvelle brosse arrive, plutôt que de jeter l’ancienne à la poubelle, il suffit de la glisser dans l’enveloppe déjà affranchie et étiquetée à l’adresse du site de Beauvais », explique le chef d’entreprise. Les manches composés d’une seule matière repartent ensuite dans l’entreprise d’injection de plastique de l’Orne pour devenir des protège-têtes, tandis que les « bimatières » voyagent jusqu’à une autre entreprise et finissent en bitume sur les routes ! Les têtes des brosses, pour l’instant, ne se recyclent pas.
Parmi les 25 modèles proposés à la vente à l’unité ou à l’abonnement, la « Belle Brosse » est la dernière née. Et elle peut se targuer d’être la plus sobre et la plus « bio » de toutes. Elle se compose à 80% d’amidon de maïs et à 20% de plastique biodégradable issu de pétrole. Pas de bois ou de bambou pour le manche ou de soies naturelles pour les filaments, comme on peut trouver sur certaines brosses réputées écoresponsables : « Ces matières sont plus propices à la prolifération des bactéries que le plastique ou le nylon », explique Olivier Remoissonnet. D’ici à quelques mois, l’entreprise espère sortir une brosse dont le plastique sera à 100% d’origine végétale et issu de filières certifiées non OGM. Une brosse à dents à tête interchangeable pourrait même voir le jour. « Tout ce qu’on peut déjà faire aujourd’hui, on le fait. On n’attend pas d’avoir le modèle parfait pour le sortir, commente le directeur. On avance petits pas à petits pas. »
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