Ils arrivent, ils sont frais, ils sont chauds. Ce sont les pollens de printemps ! En ce début de saison, la météo des grains bat son plein. Après une semaine « rouge » pour les pollens de bouleau et de platane, les premiers pollens de graminées montrent le bout de leur nez. Alors que les allergies concerneraient jusqu’à 20% des enfants de 6 à 14 ans et plus de 30% des adultes en France, d’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), quel scénario les allergiques doivent-ils espérer pour éviter la catastrophe ?
1 – Pour commencer, un printemps tardif et un été frais
« Cette année, avec ces très beaux jours, l’herbe s’est mise à pousser à toute allure : à Lyon, la pollinisation des graminées a quinze jours d’avance », note Michel Thibaudon, directeur du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA). Dotée de plus 70 stations équipées de capteurs réparties dans les grandes villes de l’Hexagone, l’association fournit ses observations en temps réel à Météo France qui y ajoute ses prévisions et fait tourner le tout dans des modèles. A la clé, des bulletins allergopolliniques qui annoncent un facteur de risque. Forcément, quand les végétaux fleurissent et pollinisent tôt dans l’année, les allergiques ont du mouron à se faire. « Cela ne signifie pas que tout le monde va être très malade dès la fin du mois d’avril, précise Michel Thibaudon. Mais les plus sensibles peuvent commencer à ressentir des symptômes. »
Les décennies à venir ne devraient pas être plus favorables. L’impact du changement climatique sur le cycle des plantes est aujourd’hui établi pour certaines espèces. Avec la montée des températures, la saison pollinique dure plus longtemps et les quantités de pollens émises augmentent. « Le bouleau produit ainsi en moyenne 20% de pollen en plus qu’il y a vingt ans », précise Michel Thibaudon. A tel point que l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) a retenu le pollen de ce bétulacée, particulièrement allergisant, comme indicateur du changement climatique en France. Enfin, certaines espèces végétales vont s’adapter à la hausse du mercure en migrant. Et apporteront donc leur pollen sur des territoires jusque-là épargnés.
2 – Ensuite, priez pour qu’il n’y ait pas de gros pic de pollution
L’allergique qui a la malchance de rester coincé chez lui lors d’un épisode de pollution sévère peut passer un mauvais quart d’heure. Il y a un an, un rapport très détaillé de l’Anses faisait le point sur l’impact sanitaire de l’exposition aux pollens. L’institution a tranché : pollution chimique et pollen se combinent pour former des mélanges potentiellement explosifs. Une fois les muqueuses nasales, oculaires ou respiratoires bien attaquées par une pointe de CO2 ou d’ozone, pas besoin d’une grande quantité de pollen pour faire réagir un allergique. Les symptômes de bronchite, rhinite, conjonctivite et asthme arrivent rapidement. C’est en tout cas ce que suspectent les chercheurs, sans pouvoir le prouver complètement. Les équipes du RNSA ont ainsi comparé les taux de pollen dans l’air et les données fournies par SOS Médecins à Paris et à Lyon pendant un épisode de pollution élevée en mars de l’année dernière. « Le premier effet, c’est que la pollution atmosphérique abaisse le seuil de sensibilité des allergiques », explique Michel Thibaudon. Pire, la pollution atmosphérique est susceptible d’attaquer la paroi du grain de pollen et de le fragmenter. Des microparticules – les granules cytoplasmiques – de moins de 0,5 micromètre sont ainsi libérées… et sont alors capables de pénétrer plus loin dans les voies respiratoires.
3 – Fuyez la ville
La pelouse qui s’étend entre les deux bâtiments de votre immeuble est bien sympathique. Mais en y regardant de plus près, elle peut se révéler un poil toxique. Car elle est plantée de plusieurs dizaines de bouleaux. « C’est un arbre très utilisé par les aménageurs, car très tolérant au stress de la vie urbaine : il supporte bien la pollution, l’absence de pluie, il est parfait pour faire une cage de foot improvisée et en plus il est beau », énumère Bruno Chauvel, écologue à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui a fait partie du groupe de travail de l’Anses sur les pollens. La vague actuelle de végétalisation en ville est une bénédiction pour les citadins dotés d’une bonne immunité, tout comme pour les abeilles urbaines… mais un cauchemar pour les allergiques. « Le verdissement de la ville se fait pour l’instant au détriment de la santé des gens, note Michel Thibaudon. Il y a ainsi sept ou huit espèces particulièrement allergisantes à proscrire. Or, ce sont les plus vendues ! » Bouleaux aulnes, noisetiers, platanes, peupliers et cyprès sont de la partie, sans compter les multiples jachères fleuries qui s’installent dans les jardins urbains. Ces graminées – toutes de la famille des Poacées –, choisies pour leurs qualités esthétiques, sont classées parmi les plantes les plus allergisantes. « Implanter des végétaux en ville est un pari intéressant, mais on soumet les habitants à une quantité de pollen dont ils n’ont pas l’habitude, explique Bruno Chauvel. Pour protéger les allergiques, il faudrait planter une diversité d’espèces, ce qui est beaucoup plus coûteux. »
Rares sont les villes qui ont pris cette question à bras le corps. Le Grand Lyon a, par exemple, recensé et classé les arbres présents sur son territoire. Les essences à fort potentiel allergisant représentent 36% des espèces que les Lyonnais sont amenés à croiser dans leurs parcours urbains. Une charte de l’arbre invite désormais les aménageurs à minimiser leur utilisation et surtout à éviter de concentrer leur utilisation. La ville de Nantes teste depuis près de dix ans un pollinarium sentinelle. Dans cet espace, créé au sein du Jardin des plantes, sont concentrées vingts espèces allergisantes représentatives de l’Ouest. En surveillant ce laboratoire à ciel ouvert, les services de santé régionaux peuvent repérer les dates précises de pollinisation de chaque espèce qui précède de quelques jours les pics polliniques, et sonner ainsi l’alerte. Mais ces initiatives sont encore trop rares. Même si le dernier plan national santé-environnement (PNSE), lancé en novembre dernier, précise la nécessité de mentionner le potentiel allergisant des végétaux vendus en horticulture et appelle à former les jardiniers municipaux, il demeure pour l’instant un vœu pieux. « On commence à peine à voir apparaître une demande d’arbres non allergisants dans certains marchés publics, alors qu’ il faudrait rendre cette contrainte obligatoire », soupire Michel Thibaudon. Tout comme l’étiquetage des plantes d’ornement.
4 – Et pour finir, faites la danse de la pluie
« En réalité, c’est la réunion de plusieurs facteurs qui peut faire exploser les réactions allergiques », explique Bruno Chauvel. Dernier ingrédient du cocktail, et pas des moindres, les conditions météorologiques. La pluie permet en effet de faire tomber au sol les pollens en suspension dans l’atmosphère. Les réseaux de surveillance guettent donc avec anxiété l’arrivée des précipitations. « L’année dernière, l’été maussade a sauvé les allergiques ! », souligne Bruno Chauvel qui chapeaute l’Observatoire des ambroisies. Le pollen d’Ambrosia artemisiifolia, une plante envahissante – et très allergisante – qui s’étend depuis quelques années le long de la vallée du Rhône, est en effet émis en fin de saison. « Cette année, même avec un printemps favorable à la pousse de ce végétal, il est impossible d’en prévoir les conséquences : si l’été compte de grandes périodes de sécheresse, alors là, oui, ça peut devenir un problème de santé publique », précise-t-il. Le chercheur milite pour un « bulletin allergie », consacré aux pollens, qui viendrait compléter la météo du 20 heures ou les prévisions de Joël Collado au micro. « Nous disposons de l’un des meilleurs réseaux de surveillance en Europe, mais il faut absolument relayer l’information », plaide-t-il.
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