Un nouveau pesticide controversé

Tic tac, tic tac... Le compte à rebours a commencé pour les mouches à miel. C’est ce que suggère l’illustration d’une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy parue dans l’édition du quotidien Le Monde datée du 17 janvier. A l’origine de cette missive, la coalition des associations MDRGF [1], Terre d’abeilles et la chaîne de magasins Jardin Bio qui n’a pas hésité à utiliser les grands moyens pour cesser ce qu’ils considèrent comme un "massacre". Une pleine page de publicité, ni plus ni moins, dans laquelle le collectif interpelle le chef de l’Etat en ces termes : "Monsieur le Président, vous venez de prendre une décision qui vous honore en refusant les OGM pesticides sur notre territoire. Alors pourquoi autoriser le pesticide Cruiser ?"

Référence à la décision prise par le gouvernement le 8 janvier, sur un avis favorable de l’Afssa [2], d’autoriser l’utilisation du pesticide Cruiser de la société Syngenta. Cet insecticide a été développé pour traiter les semences de maïs contre le taupin, un petit insecte qui a la mauvaise habitude de s’attaquer aux racines du maïs. Problème : le Cruiser est apparenté à deux insecticides incriminés dans la surmortalité des abeilles : le Gaucho et le Regent. Lesquels ont été interdits en 2004 par le Conseil d’Etat.

Photo : "Arrêtons le massacre" peut-on lire en gros caractères au milieu de la page de publicité de Terre d’abeilles, MDRGF et Jardin Bio. (Crédit : extrait de l’édition du Monde du 17 janvier)

"L’expertise de l’Afssa sur laquelle s’appuierait la décision gouvernementale comporte un certain nombre de biais" estime le MDRGF par la voix de son président François Veillerette. Le co-auteur du livre Pesticides, révélations sur un scandale français [3], affirme que quelques nanogrammes de Thiamethoxan (la matière active du Cruiser) suffisent à tuer une abeille. "Un certain nombre de scientifiques ne sont pas d’accord avec les conclusions de cette expertise." a-t-il affirmé à Planète Terra. Deux d’entre eux, mandatés par Terre d’abeilles, ont par ailleurs été reçus par l’Afssa ce mercredi 16 janvier pour faire valoir leurs arguments.

Pas folle la guêpe

L’Afssa a pourtant émis une série de recommandations pour limiter l’exposition des abeilles. L’autorisation du Cruiser est pour le moment limitée à un an au terme duquel une nouvelle évaluation aura lieu. Les semis devront être effectués avant le 15 mai pour réduire la période de floraison et donc le risque pour les petites ouvrières. Et du fait de la persistance de la molécule dans le sol, aucune plante attrayante pour les abeilles ne pourra être semée dans la même parcelle l’année suivante. Mais ces "mesures de précaution maximales" annoncées par le ministère de l’Agriculture laisse François Veillerette "dubitatif" quant aux moyens de les mettre en oeuvre.

Selon la société Syngenta qui produit le Cruiser, le Thiamethoxan ne serait toxique pour les abeilles "qu’à forte dose". Aucun risque en conditions réelles, où il est utilisé à très faibles concentrations. Le 9 janvier, Laurent Péron le directeur de la communication de Syngenta France affirmait au quotidien Le Monde que des essais sous tunnel et en plein champ n’avaient montré aucun effet significatif. Quatre-vingt pays dans le monde autorisent l’utilisation du Cruiser.