Vers la COP21 et autres histoires |
Par Pierre Lefevre |
17-12-2014
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Baisse du prix du pétrole : une mauvaise nouvelle pour le climat |
Voir également www.lefevre.international
Lima vient de s’achever sans susciter aucun enthousiasme ni véritable espoir pour la COP 21 à Paris fin 2015. Tout reste encore à faire et la chute du prix du pétrole depuis cet été ne donne pas le meilleur signal qui soit pour entreprendre l’impérative transition énergétique. La baisse du prix est spectaculaire puisqu’il a dégringolé de prés de 30 % ces 4 derniers mois pour atteindre son plus bas niveau depuis 4 ans. C’est tout d’abord une offre abondante et une demande faible qui expliquent une telle diminution. L’économie mondiale manque de dynamisme, avec en particulier une croissance quasi nulle pour la France et l’Europe ; Les pays émergents notamment la Chine connaissent eux-aussi un ralentissement ; et les perspectives économiques ne permettent pas d’espérer une reprise au moins en 2015 selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
Face à ce marché peu consommateur, l’offre est, elle, pléthorique. Première raison : le développement des pétroles de schiste aux Etats-Unis a été très intensif ces dernières années et devrait se poursuivre. L’an dernier, la production américaine s’est littéralement envolée avec une progression de 15 %. Par ailleurs, l’organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et son véritable patron l’Arabie saoudite n’ont pas décidé de réagir à cette évolution du marché en réduisant la production comme cela s’est déjà fait dans le passé. Elle reste donc très supérieure au marché. Certains analystes jugent que le pari de l’Arabie saoudite est peut-être de laisser aller les prix pour casser les investissements dans les pétroles de schistes et les gisements en eaux profondes. Il faut en effet un baril à 90 dollars pour qu’une exploitation de pétrole non conventionnelle soit rentable. Les gisements actuellement exploités continueront de l’être. En revanche, les compagnies auront beaucoup plus de difficulté à trouver de nouveaux investisseurs pour les futurs gisements.
La baisse des prix du pétrole devrait donc être plutôt une bonne nouvelle pour l’environnement. La consommation de pétrole et donc les émissions de gaz à effet de serre baissent ainsi mécaniquement et l’exploitation des gisements de gaz de schistes et de pétrole off-shore qui ont des impacts environnementaux forts devraient être fortement freinés. Pourquoi alors ne pas se réjouir ? Tout d’abord parce que nous sommes dans une économie fortement basée sur le carbone et que la diminution des émissions de gaz à effet de serre liée à la baisse de l’activité mondiale n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques. Et l’on ne saurait se réjouir d’un déclin de l’économie qui affecte en premier les populations les plus fragiles tant dans les pays du Nord que du Sud. C’est 11 millions de chômeurs de plus dans les pays de l’OCDE pour les 7 dernières années.
Par ailleurs, cette instabilité du prix du pétrole peut retarder les investissements pour une économie à bas carbone, notamment dans les énergies renouvelables ou l’efficacité énergétique. Cela ne compromet pas la rentabilité de ces investissements qui s’évalue sur le long terme mais peut influer sur les politiques gouvernementales et les stratégies des fonds d’investissement qui réagissent, eux, à court terme. Cela n’en rend que plus nécessaires des engagements chiffrés des Etats l’année prochaine à Paris. Ce serait un signal politique très fort qui s’inscrirait sur le long terme et orienterait ainsi durablement les investissements.
Le prix du pétrole remontera à terme. C’est certain. Il suffit qu’à la prochaine réunion de l’OPEP, les pays membres qui souffrent d’un manque à gagner important parviennent à infléchir la position de l’Arabie Saoudite pour que les robinets pétroliers se ferment et fassent mécaniquement remonter le prix du baril. Les Etats ne doivent donc pas avoir une vision court-termiste avec un prix du pétrole conjoncturellement bas. La réduction de notre dépendance au pétrole est un travail de longue haleine. Les Etats doivent sans tarder mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires pour passer à une économie bas carbone. La COP21 peut rendre cela possible et permettre de réussir la transition en relançant l’économie. C’est une stratégie gagnant-gagnant. Il reste encore un an pour lever les blocages de Lima et parvenir à un engagement des Etats permettant une baisse globale de 10 à 70 % d’ici 2050. Et cela quel que soit le prix du pétrole. C’est très court mais la réussite de la COP21 n’est pas une option.
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