« Le commerce équitable est à la croisée des chemins »

Terra Eco. L’arrivée de la grande distribution sur le marché des produits équitables ne rend-t-elle pas la démarche confuse pour les consommateurs ?

Sylvain Allemand. Ce fut d’abord une bonne nouvelle. Cela a contribué à la diversification de ce marché. Seulement, certaines grandes enseignes n’ont pas vraiment joué le jeu. Aujourd’hui, le commerce équitable se trouve à la croisée des chemins. Et il est certain que cela peut paraître confus pour les consommateurs. Mais je vois deux notes positives à cette situation. D’abord, cela va permettre au commerce équitable d’évoluer. Ensuite, cette situation pousse les acteurs traditionnels à innover pour toujours avoir une longueur d’avance sur la grande distribution.

Le commerce équitable a-t-elle besoin d’une normalisation ?

Les pouvoirs publics français se sont saisis de la question au début des années 2000. Ils ont mené des travaux pilotés par l’Afnor dans le but de produire, avec les principaux acteurs, un système normalisé. Mais, ces derniers n’ayant pas réussi à s’entendre, ces travaux ont débouché, en 2006, sur un accord a minima. Mais la situation n’est pas désespérée. FLO [Fairtrade Labelling Organizations International, l’organisation de certification de la filière], même s’il est critiquable, a le mérite d’exister et de fédérer tous les organismes de certification. Pour paraphraser Churchill, on pourrait dire que FLO est au commerce équitable ce que la démocratie est aux systèmes politiques : le pire des régimes mais nous n’en avons pas trouvé de meilleur.

Comment, selon vous, le commerce équitable va-t-il évoluer ?

Les contradictions du commerce équitable ne préjugent pas de sa mort. Je ne sais pas quel chemin il va prendre, mais je suis optimiste. Bien sûr, il ne concerne qu’un million et demi de paysans sur les 3 milliards que compte la planète. Mais, même si demain il reste une petite goutte dans la grande masse du commerce mondial, il aura contaminé bien des secteurs dont on était à mille lieux de penser qu’ils pourraient l’être. Regardez le tourisme. Bien sûr, c’est encore très modeste, mais de nouvelles formes de voyages, plus respectueuses de l’environnement et de l’homme naissent.

« Entre valeurs et croissance : le commerce équitable en question », aux Editions Les Carnets de l’Info.