Commerce équitable  : à tous les coûts, on gagne ?

Dans le rayon confiserie d’un Carrefour Market. La consommatrice responsable que je suis hésite devant une tablette équitable estampillée Carrefour Agir Solidaire, vendue 1,66 euro, alors que sa voisine de marque nationale spécialisée équitable affiche, elle, 2,70 euros. L’éthique à bas prix vaut-elle le coût ? En tout cas, les deux produits sont garantis Fairtrade Labelling Organizations International (FLO), l’organisation de certification de cette filière. Donc, dans les deux cas, les petits producteurs touchent bien un prix garanti et une prime de développement.

Mais alors, d’où vient un tel écart de prix ? « De toute la partie de la chaîne qui n’est pas certifiée équitable, c’est-à-dire tout ce qui se trouve après les coopératives de producteurs », répond Hubert Dubois, auteur et réalisateur de Equitable : à tout prix ?, un documentaire diffusé sur France 5, en mai. Le Caddie toujours vide, je décide de remonter la filière du carré équitable vendu sous marque de distributeur (MDD).

Volumes

« Fabriqué par EMB 42218A », indique, en petits caractères, le dos de la plaquette. Derrière ce code se cache Natrazahor, un industriel du circuit conventionnel qui alimente « la quasi-totalité des distributeurs français ». Mais le chocolatier stéphanois se présente aussi comme le « précurseur de l’équitable », quoique cette partie représente « une part infime » de sa production : « moins de 5 % », concède-t-il. Cependant, le fait de transformer d’énormes quantités de chocolat conventionnel, à côté de l’équitable, lui permet de substantielles économies d’échelle.

Puisqu’elle commande d’importants volumes, à la fois équitable et classique, la grande distribution possède des arguments de poids au moment de parler chiffres avec le transformateur. Alors, forcément, à côté, les PME spécialisées en produits équitables font figure de poids plume. « Ce sont les lancements et les arrêts de ligne de fabrication qui sont onéreux. Or, comme nous faisons de petites quantités, la transformation nous coûte plus cher », remarque Stéphane Le Borgne, président d’Artisans du monde, mouvement pionnier du commerce équitable, dont les produits sont uniquement vendus en magasins spécialisés.

La loi du plus fort

En poussant cette fois mon Caddie dans deux enseignes distinctes, je trouve la même tablette équitable fabriquée par Natrazahor, mais à deux prix différents. L’écart s’est joué cette fois lors de la négociation, là où le plus fort l’emporte. Une règle qui paraît bien éloignée des idéaux du commerce équitable. Alors plaquette en main, je m’interroge : je sais que le producteur touche un prix garanti, mais qu’en est-il du transformateur et quelle marge touche le distributeur ?

« La direction de la communication de Carrefour n’a pas d’éléments à communiquer sur le sujet », me répond-on. Ne me reste plus qu’à traîner mon Caddie jusqu’à une autre enseigne. Puis une autre, puis une autre… Mais impossible d’obtenir la structure du prix d’un produit équitable MDD. « Si on le faisait pour les produits équitables, pourquoi ne le ferait-on pas pour les autres produits ? », se défend Monoprix, seul distributeur à avoir « trouvé le temps » de me parler. « Cela fait partie des coulisses, argue l’enseigne, et le consommateur n’a pas besoin de la connaître pour nous accorder toute sa confiance. » C’est pourtant mon cas. Résultat : je reste indécise et mon Caddie désespérément vide.

SUR LE MÊME THÈME

- Commerce équitable : guerre de positions dans les rayons

 « Le commerce équitable est à la croisée des chemins »

Photo : Marta Nascimento - Rea