Namie, Odaka, Date, Iitate, Kawamata : autant de territoires vérolés de la préfecture de Fukushima (Japon). C’est là que deux photographes du collectif Trois8, Carlos Ayesta et Guillaume Bression, sont venus poser regards et appareils. L’idée : figurer les frontières – ténues, voire invisibles – entre les zones interdites car contaminées et les autres, privilégiées car potentiellement vierges.
Baptisé Mauvais rêves, le travail des deux photoreporters rappelle en poésie noire combien les angoisses parviennent à se glisser dans les recoins du quotidien d’habitants touchés par le sinistre. Les bulles de vie pure et l’étanchéité d’emballages censés protéger des radiations semblent ainsi d’irréels et dérisoires barrages contre le danger. Les conséquences de l’accident de Fukushima Daiichi, encore invisibles pour certaines, ont, depuis le 11 mars 2011, pénétré le sous-sol, les champs de blé et les rivières tout autour de la centrale et sans doute au-delà. Conçue avec l’aide des habitants des lieux, la série est un témoignage de ces infiltrations minuscules. « En quelque sorte, oui, l’accident nucléaire a contaminé non seulement la région mais aussi l’esprit des habitants, résume Carlos Ayesta. Pour s’afficher aujourd’hui comme une cicatrice plus ou moins discrète à l’âme. » — D.S.
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