innovation politique |
Par Rodrigue Coutouly |
10-05-2013
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Nous croulons sous les déchets, comment nous en débarrasser ? |
1-Les poubelles au quotidien
Une rue étroite à sens unique, un lundi matin tôt, à Marseille, je roule derrière un camion d’éboueurs. Il s’arrête devant une résidence d’une cinquantaine de logements. Il va y rester une petite dizaine de minutes. Les trois gros conteneurs sont plein à craquer. Des sacs poubelles recouvrent le sol. Il faut vider les conteneurs puis les re-remplir. Au milieu des sacs, on trouve une glacière en bon état en apparence, des emballages cartons, des déchets verts, des pièces métalliques, ... L’ensemble est impitoyablement broyé et mélangé dans le camion-benne. Un vrai gâchis !
Chaque Français produit plus de 500 kilogrammes de déchets par an. 30% sont recyclés, alors que les Allemands, les Néerlandais ou les Belges en recyclent plus de 60% !
Pour régler ce problème, le Grenelle de l’environnement a prévu une augmentation progressive de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), -une des plus faibles d’Europe-, et l’affectation de ces augmentations aux investissements nécessaires pour les filières de recyclage.
Mais cela va-t-il modifier les pratiques des Français ? Vont-ils faire le lien entre l’augmentation de cet "impôt" et leurs propres pratiques ? Il est permis d’en douter.
Pour ma part, il y a une dizaine d’années, je sortais mon sac poubelle de 30 litres tous les jours, sans me poser de questions. Aujourd’hui, j’en sors un par semaine ! Mais cela me demande du temps, de l’organisation et ... des convictions !
Il faut trier quotidiennement le verre, le papier, les emballages, les déchets verts, dans quatre boîtes différentes : il a fallu installer un lombricomposteur sur ma terrasse avec des vers qu’il faut nourrir régulièrement. Je vais, en moyenne, au conteneur de verre tous les quinze jours et à la déchetterie tous les mois.
2-La filière économique du recyclage :
Or, les enjeux du tri des déchets et du recyclage ne sont pas uniquement écologiques : il y a un paradoxe à jeter, par exemple, une vieille poêle dans sa poubelle alors que le vol de métaux se développe. Nos déchets ont, de plus en plus, une valeur économique indéniable.
Prenons, par exemple, la filière du recyclage des vêtements. Les Français achètent chaque année 700 000 tonnes de vêtements. Or, il y a seulement 160 000 tonnes de vêtements collectés par an, qui permettent de donner du travail à 4000 personnes, sans compter le développement de la réutilisation de ces vêtements recyclés, soit re-vendues en fripe, soit transformé (par exemple en isolant pour le bâtiment).
La filière de la récupération des métaux représente 15 000 salariés (contre 40 000 en Allemagne). L’ensemble de la filière occupe plus de 35 000.
La réutilisation sur place des matériaux récupérés à d’autres avantages économiques.
Elle permet d’abord de lutter plus efficacement contre les délocalisations puisque la matière première se trouve sur place. Les pouvoirs publics ont intérêt à favoriser l’installation de filières dans une même zone industrielle : l’entreprise de recyclage est couplé à l’usine qui réutilise les matériaux récupérés
Elle permet ensuite de limiter le déficit de la balance commerciale puisqu’on limite les achats de matières premières à l’étranger. La croissance à deux chiffres des pays émergents a entraîné une explosion de la demande et donc une hausse durable des prix.
Enfin, le secteur possède encore de nombreux gisements encore inexploités : les déchets agricoles, les déchets du bâtiment sont par exemple très peu exploités.
3-Vers des politiques publiques plus dynamiques
Les pouvoirs publics en France espèrent développer le secteur grâce à des législations de plus en plus contraignantes qui imposent progressivement le recyclage dans tous les secteurs de production. Ils espèrent aussi que l’augmentation de la TGAP va inciter les particuliers à changer leurs habitudes.
Rien n’est moins sûr tant les habitudes culturelles et les pratiques quotidiennes d’une majorité de nos contemporains ne les poussent pas à diminuer leurs déchets. Ils trient encore peu. Les entreprises ont, de plus en plus, de contraintes et de coûts, les particuliers sont laissés libres de trier ou non leurs ordures.
Pour les responsabiliser, je propose une démarche qui accélèrera le processus de conversion au tri sélectif. Il s’agit de faire varier la TGAP en fonction du poids des poubelles non recyclables.
Cette démarche s’adresse aux particuliers, ou copropriétés volontaires. Ils s’abonnent alors à un système de pesage (par code barre) de leurs poubelles. Le système de pesage et de lecture des codes-barres est installé sur les camions, les codes-barres sont inscrits sur les poubelles des usagers volontaires.
A la fin de l’année, la TGAP et les taxes d’enlèvement des ordures ménagères sont calculées en fonction du poids global de ces ordures non triées. Les volontaires ont donc intérêt à multiplier les possibilités de recyclage de leurs ordures pour en diminuer le poids total.
La démarche des camions bennes équipés de systèmes de pesage et de code-barre a déjà été testé avec succès dans certaines communes de l’ouest de la France. Mais il s’agit de démarche systématique, sur des petites communes, dans un milieu rural. Cela n’est pas transposable aux grandes villes. Au contraire, la démarche volontaire permet d’installer progressivement les infrastructures, de tester la méthode, de former le personnel et de s’appuyer sur les usagers les plus convaincus pour faire avancer la démarche.
Lors d’un dîner en ville, vous discutez avec votre voisin : "comment vous payez encore 2000 euros par an pour enlever vos ordures ? Nous n’en payons plus que 500 euros, je vous explique pourquoi ... "
La taxe sur les ordures, modulable selon le principe du tri volontaire est une politique publique accélératrice. Elle permet de précipiter l’investissement d’une grande partie de la population qui rechigne à trier ses déchets. Elle va accroître de manière significative la quantité de déchets recyclés, potentiellement créateur de richesse.
Principal de collège, agrégé d’histoire-géographie, j’ai été, dans une autre vie, technicien forestier à l’Office national des forêts et j’ai travaillé en Afrique sahélienne. |
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