Ressource finie ou infinie…
Il s’agit là d’une question fondamentale dans les choix qui déterminent la vision de la France sur la question énergétique. Si la source d’énergie choisie dispose d’un stock fini de matière première ou si la ressource extraite est puisée plus vite que la période nécessaire à son renouvellement, alors l’humain fait un mauvais calcul économique. La rareté se paye un jour ou l’autre et d’autant plus quand il est question d’importer la quasi-totalité des minerais de régions instables. Miser les deux tiers de la mosaïque énergétique global sur les hydrocarbures ou continuer de penser qu’une production électrique d’origine majoritairement nucléaire constitue une force nationale, est un pari perdu d’avance. Alors que préserver les gisements pétroliers devient une urgence, notamment dans la fabrication des matières plastiques indispensable à notre civilisation, nous préférons débattre de la légitimité du réchauffement climatique. La France devrait bâtir un plan long terme ambitieux dont l’objectif serait de n’utiliser les ressources terrestres qu’au rythme de leur renouvellement. Sans quoi, la politique du pays reste fondée sur le pillage de la planète avec le risque futur de payer très cher l’énergie dont nous avons besoin. Les Etats-Unis ont choisi cette direction en bâtissant déraisonnablement leur autonomie énergétique d’ici trois années sur l’exploitation du gaz de schiste. Quelles orientations décident la France et l’Europe ? Les moyens déployés pour l’énergie renouvelable et les mesures de réduction de la consommation sont-ils suffisamment audacieux ? Sûrement pas, il existe encore trop de réticences basées sur des idéologies qui opposent les uns aux autres et ralentissent le processus. La réduction de notre dépendance vis à vis de stock de matières premières, dans lesquels nous puisons plus vite que la vitesse à laquelle ils se renouvellent, devrait être au cœur du débat plus que les questions écologiques qui divisent. Car respectueuse de l’environnement ou pas, une ressource rare devient vite inabordable.
L’énergie renouvelable coûte trop chère…
On oppose souvent le coût de l’énergie renouvelable, dont les ressources sont infinies, au coût des énergies plus traditionnelles. Tout d’abord il est important de préciser que certaines données communiquées sont fausses. Par exemple, l’énergie nucléaire a un coût qui dépasse les 9ct d’Euros le kwh lorsque l’on prend en compte l’ensemble des postes de dépense, contrairement au 3cts d’Euros le kwh qui nous a été annoncé pendant ces dernières années, tandis que l’énergie photovoltaïque passe en-dessous de la barre des 10cts d’Euros le kwh. Deuxièmement, il est nécessaire d’augmenter progressivement le prix des hydrocarbures pour prendre en compte la limitation des stocks et la période nécessaire à leur reconstitution. L’Etat français et l’Europe ont refusé de mettre en place la taxe carbone qui aurait permis justement d’ajuster le prix des énergies carbonées. Enfin, notre nation n’a pas augmenté le coût de l’essence à la pompe alors qu’il y aurait plusieurs méthodes de calcul à imaginer pour ne pas défavoriser les plus démunis ou les professionnels, argument principal qui a enterré toute initiative. Par exemple, il pourrait être mis en place un système de cartes individuelles qui s’incrémenteraient en fonction des pleins d’essence effectués chaque mois et dont le seuil maximum, s’il est atteint, déclencherait une augmentation du coût d’achat. Ce seuil pourrait être ajusté en fonction des professions, des rémunérations et des régions, puis réévalué chaque année pour pousser les consommateurs, et les constructeurs, à mettre en place des alternatives. Par ailleurs, la vitesse sur l’autoroute peut encore être réduite et bien d’autres mesures peuvent être imaginées. Malheureusement nos institutions traînent. Cette semaine, le Conseil Constitutionnel, saisi par les députés et sénateurs UMP, a censuré la loi créant des tarifs progressifs de l’énergie, notamment parce que les dispositions relatives au bonus-malus sont contraires au principe d’égalité dans les immeubles collectifs pourvus d’installations communes de chauffage. Par ailleurs les professionnels étaient absents du dispositif. L’application du texte ne devait intervenir qu’en 2015, allons-nous retarder la mise en place d’une nouvelle solution ? Mesurons-nous l’urgence écologique et la priorité économique ? A l’heure où la France souhaite se différencier, pousser un projet plus ambitieux sur l’énergie renouvelable et la sobriété énergétique est forcément bénéfique à terme, tant pour l’indépendance énergétique du pays que pour l’innovation et le positionnement de ses entreprises. La facture de gaz et de pétrole a dépassé les 60 milliards d’Euros l’année dernière tandis qu’un scénario de sobriété énergétique présentée par Négawatt premettrait de réduire de 65% la demande d’énergie primaire à horizon 2050, qu’attendons-nous !
Il est impossible de stocker l’énergie verte…
Après l’argument opposant le prix de l’énergie renouvelable à celui des hydrocarbures ou de l’énergie nucléaire, il est souvent citer la question du stockage. « On ne sait pas stocker l’énergie renouvelable ! » a-t-on entendu dans les différents débats sur la transition énergétique. « Le raccordement coûte cher ! ». Dans un monde où la distribution de l’énergie est principalement centralisée, cet argument est recevable. Or notre futur doit se construire sur une autre alternative : « l’auto-consommation ». Il s’agit de produire l’énergie dont nous avons besoin au plus proche du lieu de consommation, en toute autonomie, et toutes les solutions techniques, dont les moyens de stockage, existeront d’ici trois années. Cette information est confirmée par plusieurs entités du CEA, pourtant actionnaire à 68% d’AREVA. Bien entendu la production centralisée restera indispensable pour certains secteurs industriels ou les grandes villes. Pour les autres zones géographiques, l’Etat doit donc préparer une transition énergétique qui inclut des mesures pour le déploiement d’un nouveau modèle permettant à chacun de devenir autonome en énergie grâce à une production locale. Quel avenir alors pour l’opérateur qui revend son énergie ? A lui d’inventer des nouveaux modèles économiques ! Il peut imaginer la vente de service pour l’installation et la maintenance des systèmes installés ou prendre en charge l’investissement initial facturé sous-forme de bail de location aux clients finaux. L’avenir de notre pays doit se construire autant sur l’innovation technologique que sur l’invention de nouveaux modèles économiques.
Bâtir notre indépendance énergétique en accélérant notre baisse de consommation et en augmentant la part du renouvelable, à l’instar de l’importation de matières premières aux cours fluctuant et stocks finis, est une évidence. Le débat doit se centrer sur comment y arriver et dans quel délai. Orienter les dépenses de l’Etat sur ce programme politique est la clé pour bâtir la société de demain. Si les gouvernements successifs hésitent trop sur cette priorité énergétique, ils mettent en péril à terme les autres postes du budget de l’Etat puisque si nous achetons l’énergie trop chère, nos entreprises, nos emplois et le pouvoir d’achat seront de plus en plus menacés.
LD
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