Elle tourne, elle tourne, la machine à laver. Dans l’Hexagone, 80 millions de fois par semaine, en comptant qu’un foyer lance en moyenne plus de trois lessives hebdomadaires. D’un côté, des chaussettes propres qui atterrissent dans la commode. De l’autre, des hectolitres de produits chimiques qui finissent dans les stations d’épuration, puis dans la nature. Un pot pourri de tensioactifs qui détachent le linge, d’agents « séquestrants » qui piègent le calcaire, d’agents « anti-redéposition », d’enzymes… Tous potentiellement toxiques pour les milieux aquatiques.
Microcrustacés et bouillon
Le problème pour le ménager ou la ménagère écolo, c’est que ce cocktail lessivier est un casse-tête. Essayez donc de mettre votre nez d’apprenti(e) chimiste dans la recette d’un paquet de poudre. Le consommateur soucieux de l’environnement se fend donc volontiers d’un achat certifié vert. On passe sur les pièges du greenwashing, régulièrement épinglés par Terra eco (1). Pour parer à toute arnaque, le vaillant client achète son bidon avec un joli label qui rassure. Celui-ci fixe notamment des critères de biodégradabilité des matières organiques, d’exclusion de substances dangereuses, de toxicité. Tout allait donc bien au royaume de la lessive écolo…
Jusqu’à la catastrophe. En 2006, l’Institut national de la consommation balance, dans son magazine 60 Millions de consommateurs, une étude (2) réalisée avec les Agences de l’eau, portant sur l’écotoxicité des lessives. Les chercheurs ont réalisé des jus de lavage de 35 produits et en ont arrosé des microcrustacés et des micro-algues. Et, patatras, toutes les lessives se révèlent toxiques, y compris les trois portant des revendications écologiques, dont celle arborant l’« Ecolabel européen ». « Mais, à l’époque, l’Ecolabel ne se focalisait pas tant que ça sur l’écotoxicité », rappelle Mireille Raguet, de l’Agence de l’eau Seine-Normandie qui avait coordonné les opérations. Pour l’entreprise Novamex qui commercialisait alors la lessive écolabellisée sous la marque L’Arbre vert, c’est le bouillon. « Nous étions sur le marché depuis moins d’un an : tous nos efforts ont failli être réduits à néant pour une étude qui comportait des défaillances ! », se souvient Gilles Olivier, responsable Recherche et développement de l’entreprise. Il met en cause certains aspects de la méthode et des erreurs grossières d’extrapolation dans les résultats. Au-delà de la polémique, l’étude a révélé un troublant flou artistique. En matière d’impact sur l’eau, à qui faire confiance et sur quelles allégations ?
Moulinette des tests
Depuis, c’est le calme plat dans les bacs de lessive. « On a beaucoup de mal à obtenir des données scientifiques sur les impacts en station d’épuration », explique Mireille Raguet. Des informations, le consommateur aimerait, lui aussi, qu’on lui en donne. L’Association française des industries de la détergence qui a participé à une expérimentation sur l’affichage environnemental, en partenariat avec l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, affirme pourtant n’être toujours pas en mesure de noter le critère « écotoxicité » d’une lessive-test. « La méthode de mesure n’est pas opérationnelle », signale Claude Perrin, déléguée générale. Raison invoquée : chaque substance doit être passée à la Moulinette des tests environnementaux avant qu’un fabricant puisse calculer l’impact de sa recette. Pour les tenants de l’Ecolabel européen, c’est la bonne méthode. « Le label est fait pour tirer les fabricants vertueux vers le haut : en évaluant les substances, on leur permet de maîtriser les données relatives de leurs recettes et de reformuler si nécessaire », explique Emilie Machefaux, de l’Ademe, qui a suivi la révision des critères de l’Ecolabel pour les lessives.
Calculs savants
En application depuis 2011, la nouvelle version est plus sévère sur l’écotoxicité, un peu moins sur la biodégradabilité. « Mais les entreprises qui en bénéficiaient déjà ont dû faire des efforts pour le conserver ! », note Emilie Machefaux. Au-delà de l’écotoxicité, sont passés au crible les emballages, la température de lavage, ou encore les conseils d’utilisation, déterminants dans le dosage. Chez Novamex, on a décidé de ne pas attendre que le monde lessivier s’accorde pour afficher des performances globales, y compris sur l’écotoxicité. Sur le site de L’Arbre vert, on trouve les calculs savants de Gilles Olivier, qui a appliqué sa formulation chimique à deux recettes, dont l’impact final peut présenter des écarts de un à vingt. D’un côté, la recette-maison : des ingrédients d’origine végétale, une lessive fabriquée à froid, en France, et concentrée. De l’autre, la lessive « du pire », à base d’ingrédients organiques pétrochimiques, produite à 10 000 km de l’Hexagone, fabriquée avec un procédé à chaud, et non concentrée. De quoi laver la lessive verte de tout soupçon ? —
(1) Lire notamment l’article « Le Chat jette de la poudre verte aux yeux » ici
(2) A retrouver ici
Méthode pour un tambour malin
Au-delà du choix de votre lessive, quelques gestes simples seront appréciés par votre lave-linge et la planète. D’abord, ne surchargez pas – ni ne sous-chargez – le tambour. Pour le programme, les cycles courts et économiques portent bien leur nom. Enfin, si vous ne pouvez vous passer d’assouplissant, concoctez-en un avec du vinaigre blanc (et quelques gouttes d’huiles essentielles), il préviendra aussi l’entartrage de votre machine. —
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