Les gaz d’échappement des moteurs diesel sont désormais classés parmi les agents « cancérogènes pour l’homme », par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), l’Agence pour le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’exposition aux émissions des moteurs gazole est associée à « un risque accru de cancer du poumon et de la vessie », ont conclu les experts ce mardi 12 juin.
Réputé moins nocif pour le climat que le moteur à essence, puisqu’il génère moins de CO2 au kilomètre, le diesel émet en revanche des particules fines. Ces particules seraient en France à l’origine de quelque 42 000 morts prématurées chaque année, selon le ministère de l’Ecologie. Avec la nouvelle classification du Circ, les gaz émis par les moteurs diesel sont désormais reconnus aussi dangereux que le tabac, l’amiante ou le « gaz moutarde » utilisé comme arme chimique pendant la Grande guerre.
Des risques connus depuis trente ans
Le docteur Patrice Halimi, secrétaire général de l’Association santé environnement France explique les effets de ces particules. « Plus elles sont petites, plus elles pénètrent profondément. Le diesel émettant plus de particules fines que les moteurs essence, il est plus nocif pour la santé. » Ces poussières s’infiltrent en effet dans les plus petites ramifications des poumons, puis dans les vaisseaux sanguins. « A court terme, elles provoquent des allergies et des irritations après une exposition à la pollution atmosphérique ; puis, à long terme, des problèmes cardiaques, des cancers », poursuit le chirurgien.
Il y a trente ans, les effets négatifs de ces gaz d’échappement étaient déjà connus. En 1980, une étude belge évoquait le risque accru d’infarctus. En 1989, c’était au tour d’une étude danoise de noter qu’une exposition chronique provoquait notamment des dommages sur le cerveau. Aujourd’hui, c’est le risque cancérogène qui devient avéré.
« Etant donné les impacts pour la santé des particules diesel, l’exposition à ce mélange chimique doit être réduite dans le monde entier », déclare le docteur Christopher Portier qui a dirigé le groupe de travail. Problème : près de 60% du parc automobile français roule aujourd’hui au diesel, contre seulement 23% pour le parc allemand.
La France fait-elle des efforts pour améliorer la situation ? « Pas du tout », répond, catégorique, Sébastien Vray, président de l’association Respire qui milite pour une meilleure qualité de l’air. « Le plus bel exemple, c’est quand la France s’est fait épingler par la Commission européenne » en mai 2011. La concentration de particules en suspension (PM10) ne doit pas aller au-delà du seuil réglementaire de 50 µg/m³. Et cette valeur ne doit pas être dépassée plus de 35 jours par an. Or, à l’époque, la France était dans le rouge.
Des solutions perverses
Ce n’est pas tout. Dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’Etat a lancé en décembre 2007 un système de bonus-malus vert qui comporte des « effets pervers », selon Sébastien Vray. « Pour lutter contre les émissions de CO2, le gouvernement voulait récompenser l’achat de voitures moins polluantes. Donc, celles équipées d’un moteur diesel. » Depuis, le nombre de voitures qui roulent au gazole continue d’augmenter. Et le nuage de particules fines ne désépaissit pas.
Pourtant, il y a bien ces filtres à particules installés sur les voitures et censés bloquer les émissions néfastes. Ceux-là sont devenus obligatoires sur les véhicules neufs depuis le 1er janvier 2011. « Mais ils sont souvent inefficaces », tranche Sébastien Vray. « En réalité, le filtre est utile à partir d’une certaine température. Or en ville, où les concentrations en particules sont les plus fortes, les trajets des automobilistes sont très courts. Il faut quelques minutes, soit un parcours de plus de trente kilomètres, avant que le pot catalytique ne se mette réellement en marche. » Et le problème ne s’arrête pas là. « Ces filtres n’empêchent pas le dioxyde d’azote (NO2), gaz très irritant, responsable de maladies respiratoires et cardio-vasculaires, de s’échapper » poursuit le défenseur de l’air pur.
Vive la voiture à essence ?
Pour le médecin Patrice Halimi, « les résultats du Circ sont loin d’être une surprise et ils arrivent trop tard, puisque la France compte déjà les morts ! » Mais si on retourne le problème dans l’autre sens, « le fait que cela soit reconnu est peut-être le point zéro d’une discussion globale pour une sortie du diesel en France. Cela me semble absolument obligatoire », estime-t-il.Alors, vive la voiture à essence ? Non. D’autant que le Circ a rappelé dans son rapport que les gaz d’échappement de ces moteurs-ci étaient « peut-être cancérogènes pour les humains ». Une classification inchangée depuis la précédente évaluation en 1989. Pour Respire, la solution est ailleurs. L’association voudrait voir l’Etat cesser de favoriser fiscalement le diesel, démocratiser les transports en commun et encourager la recherche dans le domaine automobile.
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