230 millisecondes : c’est le temps qu’il faut pour que des informations envoyées de Londres parviennent à Tokyo via internet. C’est le trading à haute fréquence. [1] Un record intouchable ? Pas vraiment. Grâce aux projets Arctic Link (américain), Arctic Fibre (canadien) et Russian transarctic cable system (russe), les traders londoniens n’auront prochainement plus que 170 millisecondes à attendre pour voir exploser leur taux d’adrénaline en réponse à la frénésie de leurs homologues tokyoites, distants de quelques 10 000 kilomètres à vol d’oiseau. Le principe de ces projets ? Tendre des câbles à fibre optique entre les deux capitales en prenant le chemin le plus court, autrement dit passant... par l’Arctique.
Des câbles sous-marins dans les eaux arctiques
Dès cet été, le pôle va voir débarquer un convoi de brises-glace et de bateaux adaptés aux conditions polaires, qui disposeront les premiers câbles sous-marins à fibre optique à traverser l’Océan Arctique. Les Américain et Canadien Artic Link et Arctic Fiber se fraieront une route entre les îles arctiques du Grand Nord Canadien, via le passage du Nord-Ouest, qui relie l’Atlantique au Pacifique. ROTACS, le projet russe, joue quant à lui en terrain connu : il longera les côtes russes et scandinaves. Entre les deux mégapoles qu’ils relient, les câbles étendront aussi leurs branches vers une poignée de communautés vivant près du cercle polaire. D’après les sites internet des différents projets, le coût de ces déploiements devraient coûter entre 600 millions et 1,5 milliard de dollars (450 millions et 1,1 milliard d’euros).
Le trajet du projet Artic Fibre (source : Artic Fibre)
Le trajet du projet ROTACS (source : Polarnet Project)
Les routes du Nord : plus courtes et plus sures
Comme le rappelle le site Extreme Tech dans un article sur le monde secret des câbles sous-marins, les « routes » maritimes qui permettent aujourd’hui de câbler l’Angleterre au Japon longent les côtes est-africaines, le Moyen-Orient et les côtes asiatiques. Celles-ci sont longues : 24 000 km, alors que les futures routes du Nord ne feront que 16 000 km. Corollaire de ce raccourcissement : un gain de 30 % de vitesse pour propager les informations (de 230 ms à 170 ms).
L’autre bon point aux yeux des promoteurs de ces projets : d’après le Wall Street Journal, ces mers-là, encombrées par de nombreux navires, présentent le risque qu’un bateau endommage les câbles et coupe la connexion à des milliards de personnes. Les futures routes du Nord, sur lesquelles les câbles seront immergés à quelques 50 m de profondeur, ont au contraire des airs de relatifs « no man’s land » : dans les froides eaux arctiques, couvertes par les glaces la majeure partie de l’année, les bateaux de pêche sont rares.
Les routes sous-marines mondiales (source : TeleGeography)
Une porte ouverte à l’industrialisation de l’Arctique
Ces imminents projets, qui vont certes accélérer les télécommunications entre les bourses de Londres et Tokyo, sont aussi le signe d’un autre développement : celui de l’exploitation de l’Arctique et de l’entrée de ce sanctuaire environnemental dans le grand marché mondial. Avec la fonte des glaces, le sous-sol arctique a révélé son formidable mais controversé potentiel en hydrocarbures à exploiter. La fonte des glaces toujours, a aussi permis d’envisager l’ouverture de routes maritimes sur ces eaux jusqu’alors inaviguables. La fonte des glaces, encore, permet aujourd’hui d’amener les télécommunications en Arctique. Rien de plus qu’une étape supplémentaire vers « l’industrialisation » de l’Arctique...
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