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9-03-2012
Mots clés
Société
Santé
France

Dépassements d’honoraires : un courtier exploite le filon dentaire

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Dépassements d'honoraires : un courtier exploite le filon dentaire
(Frédéric bachelier, le premier courtier dentaire de France. Photo: A. Bogaert - TerraEco)
 
Les dépassements d’honoraires des dentistes freinent l'accès aux soins. Un prothésiste parisien a inventé un nouveau métier : courtier dentaire. Il négocie les devis à la baisse, et s'assure du boulot au passage.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Quand son principal client est parti acheter ses prothèses en Asie plutôt que dans son atelier du 15e arrondissement de Paris, Frédéric Bachelier a montré les canines. Et a décidé de sauver son emploi de prothésiste en créant un nouveau métier : courtier dentaire. En négociant des devis dentaires ultra-compétitifs, il a décidé de faire retrouver le sourire aux patients, freinés dans leur accès aux soins par les tarifs souvent exorbitants des dentistes.

C’est justement parce que la profession a conscience des abus que les représentants nationaux des chirurgiens-dentistes sont entrés ce vendredi matin (et ce jusque mi-avril) en négociations conventionnelles avec l’assurance maladie et les complémentaires santé.

Le but ? Résoudre une bien délicate équation : relever, dans un contexte de crise, les tarifs appliqués aux soins les plus courants (détartrage, traitement des caries, dévitalisation, extraction d’une dent, etc.) pour,in fine, alléger la facture des Français et donc lutter contre le renoncement aux soins, faute de moyens.

Ce raisonnement n’est contradictoire qu’en apparence. Les tarifs des soins dits conservateurs et chirurgicaux (listés ci-dessus), que l’assurance maladie prend en charge à 70% pour les patients, n’ont pas été revalorisés depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, même l’assurance maladie reconnaît que les tarifs payés par la Sécu aux dentistes sont éloignés des coûts réels. « Nous travaillons avec des honoraires contraints qui ne sont plus compatibles avec nos plateaux techniques ni avec les exigences d’une qualité optimale », explique ici Roland L’Herron, le président de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD).

Des dépassements d’honoraires durs à avaler

Pour compenser cette sous-valorisation des soins, les dentistes pratiquent des dépassements d’honoraires, qui progressent de 5% par an. Et c’est essentiellement sur les prothèses qu’ils font leur beurre. En effet, depuis 1986, les tarifs des bridges, implants et dentiers ont été libérés pour permettre aux dentistes d’augmenter leurs revenus sans creuser le trou de la Sécu.

Résultat : les couronnes sont remboursées à hauteur de 75 euros par la Sécu quand leur prix médian s’élève à 516 euros (et la différence n’est que très partiellement remboursée par les mutuelles, pour ceux qui en ont…). Les implants dentaires, eux, ne sont pas du tout pris en charge et leur prix médian est de 2048 euros l’unité.

Obligés de renoncer aux soins faute de moyens

De nombreux Français ne peuvent payer ces sommes parfois extravagantes pour retrouver une bouche pleine de dents. Obligés d’arbitrer leur budget entre les dépenses liées au loyer, à l’alimentation et à la santé, c’est ce dernier pôle qu’ils sacrifient en priorité. Et les soins dentaires passent à la trappe en premier.

Selon la cinquième édition du Baromètre Cercle Santé-Europ Assistance mené par l’Institut CSA et publié fin septembre 2011, 29% des Français ont renoncé aux soins pendant les douze mois qui ont précédé l’enquête, dont la moitié aux soins dentaires. Et c’est bien le prix des prothèses qui est le frein principal à l’accès aux soins.

Si, dans le cadre des négociations conventionnelles en cours, un accord était trouvé pour revaloriser les soins de base, alors les chirurgiens-dentistes pourraient – disent leurs syndicats – se montrer plus raisonnables dans leurs dépassements d’honoraires. Et les patients grinceraient un peu moins des dents...

Du low cost au devis qui bat toute concurrence

En attendant cet improbable accord (un mois pour trouver une position commune sur un si vaste sujet est trop court, disent les intéressés), plusieurs initiatives se lancent à travers l’Hexagone, censées éviter le renoncement aux soins. A Lyon, des cabinets dentaires low cost ouvrent leurs portes sur fond de polémique (lire l’article du Monde dans l’édition du 10 mars et laréaction du CNSD).

Un prothésiste parisien, Frédéric Bachelier, a eu une autre idée. Depuis fin janvier, il est le premier courtier dentaire de France. Il a même déposé son concept à l’Institut national de la propriété intellectuelle avant, espère-t-il, de le franchiser.

Si des patients qui tirent la langue face à un devis à quatre ou cinq chiffres pour des implants le contactent, le prothésiste se charge alors de leur trouver dans son réseau de dentistes partenaires (et parisiens), un praticien moins cher.

Après concertation avec ce dentiste, Frédéric Bachelier présente une contre-offre compétitive, pouvant représenter pour le patient une baisse allant jusqu’à 40% du prix initialement demandé. Si le marché est conclu, le prothésiste, à qui revient alors la réalisation de l’implant, prélève également au passage 25% de la somme économisée par le client.

Un moyen de sauver son job

Une démarche qui se veut philanthrope. « Les gens sont de plus en plus édentés. Beaucoup me disent : ‘ça fait 15 ans qu’on va plus chez le dentiste, c’est devenu trop cher’. Moi je les aide à revenir petit à petit vers le système de soins », dit-il, masque sur la bouche et moule de gencive à la main. D’après un rapport de la Cour des comptes, paru en 2010, « 45 % des ouvriers non qualifiés déclarent au moins une dent manquante, contre 29 % des cadres ».

Mais le but premier de Frédéric Bachelier était ailleurs. « Ce qui m’a d’abord motivé, c’est de voir que malgré mes 28 ans d’expérience, je perdais progressivement mes clients. Les chirurgiens-dentistes se tournent de plus en plus vers l’Asie pour faire faire des prothèses pas cher et, comme ça, augmenter leurs marges », explique-t-il. Une prothèse made in Vietnam ou China coûte au dentiste entre 40 et 50 euros contre une centaine d’euros pour celles fabriquées en France. Et elles sont vendues au patient entre 600 et 900 euros pièce.

Une prothèse fabriquée en Asie et complètement inadaptée à la morphologie dentaire du patient pour qui elle a été commandée. Crédit : A.Bogaert - TerraEco

C’est parce qu’il a perdu en septembre dernier son plus gros client, attiré par le Vietnam, que le prothésiste a aujourd’hui une dent contre les dentistes, du moins ceux « qui gagnent tellement d’argent ». Et qu’il a réfléchi au moyen de préserver son emploi, alors même que la population des prothésistes a chuté en quelques années. Ils étaient 6500 il y a quatre ans, ils ne sont plus aujourd’hui que 3900.

Un charity business d’un nouveau genre

Brigitte hésite encore à utiliser les services de Frédéric Bachelier. A 53 ans, elle n’a plus aucune « vraie » dent. « Parce que je suis bénéficiaire de la CMU et que j’ai peu de moyens, si j’ai un problème de dent, on ne cherche pas à me la soigner, on me l’arrache directement », explique-t-elle. Ne tiennent encore que six fausses dents en haut, et autant en bas.

Elle ne peut payer les 8000 euros que lui demande son dentiste pour trois implants. Avant que l’un de ses deux fils, inscrit dans une école pour devenir prothésiste dentaire, ne puisse lui venir en aide, elle s’est tournée vers le courtier dentaire, et attend son devis. « Mais je voudrais bien savoir combien je vais devoir payer pour avoir le contact d’un dentiste de sa part, et puis combien il va me prendre au final, dit-elle. C’est bien sympa de sa part de se battre pour que tout le monde ait accès à des soins appropriés, mais si c’est pour en faire un business… »

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