Partout, elle fait la pluie et le beau temps. Avant et après le journal télévisé, pour les amateurs de sports d’hiver, les pilotes d’avion et même les traders à l’affût des moindres fluctuations des cours des matières premières agricoles. Par ces temps capricieux, où les inondations succèdent aux sécheresses, les prédictions de Météo France gagnent en audience et en valeur ajoutée.
Mais qui se cache derrière Madame soleil ? Un réseau informatisé tentaculaire : 1 800 stations terrestres mesurant en temps réel les conditions atmosphériques, 24 radars pluviométriques sans compter les dispositifs maritimes. Entretenue et développée à raison de 12 millions d’euros par an, cette technologie quadrille tout le territoire, DOM-TOM compris, et jusqu’en terre Adélie.
Une redevance de 9 millions d’euros versée à Eumetsat, organisation européenne des satellites météo, permet en outre à Météo France de recevoir des images du déplacement des masses d’air toutes les 5 à 15 minutes. Un supercalculateur basé sur le site de Toulouse analyse, archive ces tonnes de données et transmet ses résultats aux prévisionnistes, qui les transforment en pictogrammes indiquant les brumes matinales, les orages ou les grêles à venir.
L’effet « canicule 2003 »
Si les progrès scientifiques ont permis à Météo France de gagner en précision – un jour de fiabilité supplémentaire en dix ans –, le changement climatique a complexifié et élargi ses activités. A commencer par sa mission de service public pour laquelle l’établissement – sous tutelle du ministère de l’Environnement – reçoit 192 millions d’euros de subventions, soit 58 % de son budget.Depuis les 15 000 morts de la canicule de 2003, Météo France travaille en effet en étroite collaboration avec l’Institut de veille sanitaire. Les deux organismes ont élaboré un indicateur « biométéorologique », chargé de mettre en état d’alerte le corps médical. Feux de forêt, avalanches ou crues soudaines…
Pour la sécurité civile, la veille permanente assurée par Météo France s’est doublée, en 2007, d’un réseau intranet de crise reliant les prévisionnistes météo, les préfectures, les services de secours et les collectivités locales. Enfin, sensibilisation au développement durable oblige, Météo France arrive dans les classes via un partenariat avec l’Education nationale : le site Internet met à disposition des cours sur les modifications du climat.
Nuages et foudre « à la demande »
Non lucratives, ces activités ont néanmoins permis à Météo France de peaufiner une nouvelle stratégie commerciale centrée sur la gestion des risques et les activités de conseil. « Notre priorité est d’améliorer nos prévisions à courte échéance, surtout en cas de danger, et de transformer cette maison de sciences en une maison d’explication, au plus proche des attentes des clients », déclarait ainsi, le 3 juin, Pierre-Etienne Bisch, son pédégé, qui vient d’engager une vaste restructuration de l’établissement (lire ci-dessous).Avec 725 000 visiteurs quotidiens sur son site et 25 millions d’appels en 2007, la météo « à la demande » voit ses ventes bondir de 10 % par an. Mieux encore, Météo France a développé une foule de services pour les professionnels : « Un skippeur en pleine mer peut bénéficier d’un guidage sur mesure, un restaurateur prévoir quand l’orage arrivera sur sa terrasse ou encore un grutier recevoir la force du vent en direct sur son mobile », détaille le pédégé.
Pour des secteurs plus stratégiques, Météo France a lancé des filiales : Météorage alerte ainsi EDF des risques de foudre et lui permet d’ajuster sa production en fonction des températures attendues, tandis que Predict Services aide les communes à gérer les possibles inondations.
Enfin, dernière née, Metnext élabore des indices pour les acteurs de l’assurance et de la finance depuis 2007. Résultat : les bénéfices commerciaux de l’établissement ont doublé depuis 1994 pour atteindre 15 % des recettes. Dernier pôle dopé par le changement climatique : la recherche. En effet, 80 des 250 chercheurs de la maison travaillent sur cette thématique et apportent tous les quatre ans leur contribution au Groupement intergouvernemental des experts du climat (Giec), quand ils ne partent pas en mission scientifique internationale.
« Sans objectif commercial, ces études à échelle planétaire nous donnent une expertise et une pluridisciplinarité que nous pouvons ensuite décliner régionalement », explique Alain Ratier, le directeur général. Météo France peut ainsi étudier l’avenir de l’enneigement d’une station de ski ou encore mesurer l’impact de l’urbanisation sur le réchauffement et indiquer à une commune comment en limiter les effets.
La classe internationale
Pour réduire les coûts de conception des « modèles », ces logiciels de prédiction fort coûteux, Météo France s’associe à des laboratoires européens. Près de 90 de ses scientifiques préparent ainsi depuis quinze ans l’arrivée d’Arome. Fruit du travail commun d’une quinzaine de pays, il offrira une résolution très fine et permettra de cartographier l’atmosphère à 2,5 km près (contre une échelle de 10 km actuellement). Ces collaborations assoient le prestige de Météo France, qui se classe parmi les meilleurs services de prévision mondiaux, au coude à coude avec son homologue britannique.Cette réputation fait le succès de sa filiale, Météo France International, sur un marché hyperconcurrentiel. Son chiffre d’affaires a dépassé l’an dernier 7 millions d’euros et elle vient de décrocher un contrat en Inde. Preuve que Météo France est passée maître dans l’art délicat de concilier intérêt général et bonnes affaires.
Avis de tempête sociale
Le 15 mai puis le 5 juin, deux mouvements de grève très suivis ont perturbé les services de Météo France. En cause, une restructuration qui conduirait à fermer, à partir de 2011, la moitié des 92 centres départementaux de l’établissement. Le non-remplacement de la moitié des départs en retraite permettrait de supprimer 130 postes en trois ans et 500 à l’horizon 2017.
En 2005, un rapport de la Cour des comptes avait épinglé les effectifs de Météo France : 3 700 salariés contre 1 800 pour le Met Office, son confrère britannique. Selon la direction, c’est l’automatisation du réseau d’observation qui va permettre ce resserrage territorial et la redéfinition du travail des agents vers des activités de conseil.
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