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30-04-2008

Le Gers récolte enfin du blé

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Dans le département le plus agricole de France, l’explosion des prix mondiaux des céréales et du lait est un soulagement pour les agriculteurs. Eux qui sont souvent obligés de cumuler deux métiers pour conserver leurs exploitations.
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Par ici, la campagne ondule. Des vagues douces, brunes, châtain, vert fluo quand le soleil descend. Tout là-bas, au sud, les Pyrénées hérissent une ligne grise. Entre Toulouse et les Landes, le Gers [1] vit doucement. Par ici, les agriculteurs n’ont pas honte de se dire paysans. Ils ont beau être de moins en moins nombreux dans les fermes en pierre jaune, ceux qui restent sont fiers de leur métier. Et avec des prix agricoles en plein boom, 2007 fut une année faste. « On ne peut pas se plaindre, on vit bien. » Thierry Ciapa, petite quarantaine, yeux bleus et teint hâlé, fait tourner une exploitation de 80 vaches laitières avec sa femme et son frère. Si le prix du lait grimpe, celui des céréales explose (+ 46 % pour la tonne de blé tendre, + 85 % pour le blé dur). Et les bénéfices de la famille enflent. « Mais nous n’avons pas de projet pharaonique, nous allons en profiter pour investir dans du matériel qui améliorera notre confort de travail, explique-t-il. Le plus important, c’est de rester autonomes, pas de faire du rendement à tout crin. »

Bon père de famille ou courtier sur le Net ?

Gérard Daries, vaste bonhomme de 45 ans, cultive du blé, du maïs, du tournesol – les trois grandes céréales du coin –, un peu d’ail et, pour la première fois, du colza. En contrat avec Monsanto, précise-t-il. Donc, à un prix fixé à l’avance et non modifiable en fonction du cours. « C’est une sécurité pour le producteur, mais je risque d’y perdre », soupire le gaillard. En 2007, ceux qui n’ont pas pu attendre la hausse des prix en stockant leurs céréales pour vendre au plus haut ont vu l’aubaine leur passer sous le nez. Manque de trésorie, de silos, ou bien peur de voir les prix rechuter, beaucoup s’en sont mordu les doigts. « Moi, je gère en père de famille, s’excuse presque Gérard Daries. Je me fixe un prix et quand je suis content, je vends. » Pour profiter de la culbute des cours, il faut être, explique-t-on, « un peu assis ». C’est-à-dire être en mesure d’attendre l’automne pour céder sa récolte.

C’est le cas de Christophe Dabadie, avec qui, en bon voisin, Gérard Daries partage le matériel. Lui a gardé son blé dur et l’a vendu à 400 euros par tonne. Le maïs a bondi à 500 euros et le tournesol a atteint des pics à 600 euros la tonne en décembre. Son bénéfice a doublé. « ça a été une année choc : on ne s’y attendait pas. Les rendements n’étaient pourtant pas au mieux à cause du manque d’eau. On va voir comment ça évolue, même si l’année 2008 s’annonce bonne. On nous propose déjà des contrats à des prix très intéressants sur le tournesol. » L’homme préfère suivre les courbes mondiales sur le Net, écouter les courtiers et se faire son idée du marché. Après des années de vaches maigres et de soutien européen – subventions et système des prix garantis –, l’horizon se profile désormais plus gras. La tonne de lait valait 384 euros cet hiver, 8 % de plus qu’en 2006 (lire aussi Terra Economica, avril 2008). Et les quotas laitiers pourraient s’évaporer en 2013. En outre, la jachère – imposée en 1992 par la politique agricole commune sur 15 % des terres en culture – n’est plus obligatoire, même si les primes continuent d’être versées à ceux qui laissent des friches. Signe que le prix du marché est redevenu suffisant pour faire vivre ces hommes.

5 000 euros pour un hectare

Encore faut-il posséder une surface suffisante. Depuis une quinzaine d’années, les exploitations se sont agrandies au fur et à mesure des départs : elles sont passées de 46 à 65 hectares en moyenne. Mais pour nourrir une famille, il faut bien une centaine d’hectares, et le prix de la terre ne cesse de grimper lui aussi. L’hectare affiche aujourd’hui 5 000 euros au compteur, mais il peut atteindre jusqu’à 8 000 euros en Lomagne, la partie la plus fertile à l’est du Gers. Pour faire bouillir la marmite, les épouses partent travailler à l’extérieur et l’exploitant doit parfois jongler avec un deuxième métier.

A l’heure actuelle, la moitié des 10 000 chefs d’exploitation du département le sont à temps partiel. Les paysans gersois se réjouissent donc, avec retenue cependant. « Les cours des céréales montent, mais tout le reste suit : le gasoil, les engrais, les traitements  », constate-on de ferme en ferme. Pour le moment, le compte est bon, mais ensuite ? Il se murmure qu’après quelques bonnes années, la chute pourrait être raide. Les producteurs de viande font déjà les frais de ces prix qui donnent bonne mine à leurs collègues, céréaliculteurs et éleveurs laitiers. Les industriels ne passent plus de contrat avec les éleveurs. Le prix du lait en poudre pour nourrir les bêtes a pris 40 %. Du coup, mieux vaut aller acheter la viande ailleurs. En Argentine par exemple. Pas l’idéal en termes de développement durable. —


Chinois et Indiens bousculent nos assiettes

En 2007, la conjoncture agricole s’est retournée comme une crêpe. Après une époque de montagnes de blé et de beurre invendues, nous voilà presque en pénurie de blé, de tournesol et de lait. La consommation mondiale progresse, les Chinois et les Indiens changent de régime alimentaire : la demande de pain, d’huile, de viande et de laitages explose. Dans les rayons, c’est donc la valse des étiquettes : globalement, la hausse des cours agricoles a atteint 12 % en un an. En France, les prix en magasin ont, eux, gonflé de 11,5 % à 18,2 %, selon le ministère de l’Economie.

La part des matières premières agricoles dans un produit consommable varie. Il est, par exemple, presque négligeable pour une baguette : le blé représente entre 4 % et 8 % de son prix. Mais pour un yaourt, le lait pèse pour 30 % du prix. Et de 40 % à 60 % pour un fromage. Quant aux pâtes, le blé dur compte pour la moitié de leur tarif. Le coût des salaires et surtout de l’énergie – notamment du gasoil qui concentre 15 % des charges d’une exploitation –, la part des emballages (plastique, carton) et celle des transports ont un impact au moins aussi important que celui des produits agricoles.

Enfin, entre le coût de revient et l’étiquette, à l’autre bout de la chaîne, le prix du produit subit bien des aléas. Exemple : la viande. Nourris aux céréales et à la poudre de lait, vaches, veaux et cochons reviennent cher aux éleveurs cette année. Trop chers, ils se vendent mal... et les prix à l’achat chutent. Le producteur est perdant. Mais au rayon boucherie, le steak et la côte de porc ne baissent pas. Le consommateur paie donc indirectemment la hausse du prix des aliments pour le bétail.

[1] Le titre de « département le plus agricole de France » lui revient, avec 19 % de sa population active dans le secteur primaire (4,3 % en moyenne en France).

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