« Les sondages ne laissent passer que les opinions modérées, socialement acceptables. Les choix proposés comme réponses ne permettent d’exprimer ni la violence ni la souffrance », critique Alain Garrigou, professeur de sciences politiques. La question de la représentativité des sondages se pose d’autant plus nettement que le métier d’enquêteur est de plus en plus compliqué. Ceux qui interrogent les gens de visu – méthode dite « en face à face » – se heurtent fréquemment aux digicodes et à une méfiance qui laisse les portes des habitations désespérément closes. Quand ils n’ont pas peur eux-mêmes de se rendre sur place, dans les banlieues chaudes principalement.
Alors, il y a les adeptes du téléphone. Mais là encore, on se heurte à des trouble-fête : ceux que les sondeurs appellent les « mobile only » – joignables uniquement sur portable – et qu’ils n’appellent pas beaucoup. Ils représenteraient 17 % de la population, selon une étude – c’est-à-dire un sondage assez poussé – réalisée en juin 2006 par le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie). Ils se retrouvent principalement chez les 18-24 ans et les plus modestes. Ces derniers sont également sous-représentés dans les enquêtes par Internet, en compagnie cette fois des plus âgés.
Les sondeurs sont également obligés de faire des heures sup pour joindre les cadres sup – eux aussi – chez eux. Cela demande du temps, ce que les instituts n’ont que rarement, et de l’argent. Or la concurrence serre les prix et oblige à freiner sur les coûts. Pas étonnant qu’enquêteur soit un métier où l’on s’attarde rarement. Sans compter que le nombre de refus de répondre augmente. Selon Alain Garrigou, il faudrait même dix appels pour obtenir un entretien. Une fois qu’un petit millier de personnes a bien voulu répondre, il faut encore procéder au « redressement » : il s’agit de pondérer les données pour que le puzzle ressemble un peu à la France, avec ses bonnes proportions, de femmes, de jeunes, de vieux, de pauvres… Et tenir compte des gros mensonges et des petits oublis. Comment font les sondeurs ? Ils comparent avec les élections antérieures, mais surtout ils… Chut ! C’est un secret de fabrication.
Deux géants en France :
- TNS-SOFRES
Création : 1963Chiffre d’affaires (2006) :
1,47 milliard d’euros (dont 212 millions d’euros en France)
Bénéfice (2006) : 87,7 millions d’euros
Effectif : 14 500 collaborateurs
- IPSOS
Création : 1975Chiffre d’affaires (2006) :
857,3 millions d’euros (dont 99,1 millions d’euros en France)
Bénéfice (2006) : 39,5 millions d’euros
Effectif : 6 800 collaborateurs et 30 000 vacataires
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