Quinze têtes pensantes du progrès humain

ENVIRONNEMENT

L’énergie du désert pour alimenter la planète en électricité.


Et si l’électricité venait du ciel ? (DR)

Sous le sable brûlant du désert, se cache une richesse imprévue. Ni puits de pétrole enfoui, ni gisement d’uranium.Juste le soleil tapant sur les dunes. Dans les déserts les plus chauds, ses rayons produisent chaque année par kilomètre carré une énergie équivalente à celle fournie par 1,5 million de barils de pétrole. C’est la théorie du docteur Gerhard Knies, un physicien allemand devenu en 2003 coordinateur de TREC (Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation), une organisation lancée sur la piste de l’énergie solaire. Au creuset de son action, les technologies solaires à concentration (CSP).

Leur principe est simple : il s’agit d’utiliser l’effet de loupe pour chauffer de l’eau et produire de la vapeur. Celle-ci va ensuite entraîner une turbine et produire de l’électricité. Atout de cette technologie : son taux de rendement très important. Ainsi, "en couvrant seulement 0,5 % de la surface des déserts les plus chauds d’Europe, on pourrait subvenir aux besoins en électricité du monde entier", assure Gerhard Knies. Lancé il y a presque trente ans, notamment en Californie, l’exploitation de la CSP s’est arrêtée net au début des années 1980 avec la baisse des prix des énergies fossiles. Mais aujourd’hui, la donne a changé. "Certes au départ, l’acquisition du matériel est assez coûteux, explique Gerhard Knies. Mais si la technologie est aussi utilisée pour dessaler l’eau de mer et climatiser les habitations, l’opération devient rentable au bout de 10 à 15 ans." Et si elle est basée sur une ressource inépuisable, la CSP possède un autre atout : elle ne rejette aucune pollution !

Et aussi

En Inde : Une association incite enfants et adultes à se transformer en "enquêteurs de l’environnement", puis à conduire leurs études en les publiant dans les médias.

En Turquie : Une fondation se bat pour que les femmes des banlieues pauvres d’Istanbul prennent conscience de leurs droits civiques et s’affirment par le travail.

SANTE

En Inde, un chirurgien a lutté toute sa vie en faveur des soins pour tous.

Le Dr Venkataswamy était une star. Le roi de la lutte contre la cécité. Un chirurgien avec des mains en or... A l’hôpital public de Madurai, devenu l’un des meilleurs terrasseurs de la cataracte en Asie, il se battait pour obtenir le financement de camps mobiles afin d’atteindre les populations pauvres recluses dans les campagnes. A sa retraite, en 1976, le combat rebondit. Au lieu de faire la sieste à l’ombre des arbres, il déploie son énergie et flirte avec ses rêves de médecine pour tous.

Il monte l’hôpital Aravind Eye et élabore, avec David Green, un californien partenaire de l’hôpital, un double concept inédit : tarification en fonction des revenus (ceux qui peuvent payer finançant les soins gratuits des plus pauvres) et rationalisation des opérations pour que les chirurgiens en pratiquent beaucoup plus. Bingo. La structure vite rentable s’agrandit et les patients affluent. Mais un obstacle de taille surgit. Les multinationales productrices des lentilles intraoculaires nécessaires dans l’opération de la cataracte décident de ne plus les fournir gratuitement à Aravind Eye. Or elles coûtent 150 dollars pièce ! C’est là qu’intervient à nouveau David Green qui monte un projet pour fabriquer les lentilles. Aurolab voit le jour. Et produit une lentille aussi efficace à... 5 dollars, qui depuis s’exporte dans le monde entier.

Plus de 3 millions de personnes en ont déjà profité. Le 7 juillet dernier le Dr V. décède. Mais David Green, qui fut il y a quelques années sélectionné par Ashoka, travaille aujourd’hui au développement d’appareils auditifs à bas coût. Il prévoit aussi d’installer des camps auditifs hors des métropoles près des camps ophtalmiques du Dr V. Enfin, inspiré par son mentor, il continue son combat pour rendre les technologies médicales et les produits pharmaceutiques accessibles au plus grand nombre à moindre coût, notamment les trithérapies.

Le site d’Aurolab

Et aussi

Dans le monde : Le projet de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) de droit à la sécurité sociale pour tous.

En Suisse : L’initiative d’un collectif international pour sensibiliser l’opinion sur les maladies des pauvres, oubliées par les grandes firmes pharmaceutiques :

En Afrique du Sud : Le projet Cell Life veut utiliser le SMS pour les malades du VIH, en les assistant jour après jour dans leur traitement.

En Afrique : L’association Ahila milite pour améliorer l’accès à l’information scientifique.

DEVELOPPEMENT

Une Brésilienne milite pour réduire la réhospitalisation des enfants malades.


Vera Cordeiro, fondatrice (Photo Ashoka)

Vera Cordeiro, diplômée de l’université de Rio de Janeiro en 1975, aurait pu exercer la médecine sans se poser de questions. Mais cette mère de famille avait une obsession : changer les choses. Pédiatre, elle fonde en 1991 l’association Renascer. La mission est ambitieuse : éviter les réhospitalisations en série des enfants des milieux les plus défavorisés. "Sous sa forme courante - c’est-à-dire sans prise en compte de la pauvreté et des conditions de la famille - le traitement hospitalier est inefficace pour ces enfants". Le programme Renascer va donc bien au-delà du volet sanitaire.

Il soutient les familles - souvent monoparentales - dans les domaines de la nutrition, le conseil psychologique, la formation professionnelle, l’assistance légale et l’amélioration de l’habitat. Le but : combattre le cycle infernal : misère, maladie, hospitalisation, réadmission et décès.

L’expérience entamée à l’hôpital da Lagoa à Rio a été dupliquée dans plus d’une quinzaine d’établissements et pourrait être étendue au plan national. Car Vera Cordeiro affiche ses statistiques comme autant de victoires. Grâce au programme Renascer, les réadmissions pédiatriques ont par exemple diminué de 60 % dans les hôpitaux concernés. Dans celui de Lagoa, plus de 8 000 enfants et 2 300 familles en ont bénéficié.

Récompensée à une vingtaine de reprises, Vera Cordeiro est soutenue depuis 1993 par Ashoka, qui lui a notamment permis un partenariat avec le cabinet de conseil McKinsey sur la stratégie de développement de Renascer. Avec 37 salariés et 140 bénévoles, l’ONG a su se professionnaliser afin, explique Vera Cordeiro, "d’avoir l’impact le plus fort possible". Selon cette femme de 56 ans, "un entrepreneur social est avant tout un visionnaire". Au total, les différents programmes de Renascer ont déjà concerné plus de 20 000 personnes.

Le site de Renascer

Et aussi

En Inde : L’association Planet Read lutte contre l’illettrisme en sous-titrant gratuitement les vidéos des célèbres films de Bollywood, et des programmes TV.

Aux Etats-Unis : Un système de micro-crédits destiné aux jeunes de l’assistance publique.

En Afrique du Sud : Grâce à un ours en peluche, une femme pousse les auteurs de viols sur mineurs devant la justice.

ECONOMIE

Une banque britannique s’est lancée dans le "prêt social" en surfant sur la vague Internet.


La banque Zopa compte 110 000 membres dans le monde (DR)

"Je me suis tournée vers Zopa pour y trouver des gens pouvant comprendre ma situation, sans me classer dans la catégorie des paresseux vivant en HLM et ne pouvant pas garder un travail plus de dix minutes". Pour Pete, c’en est fini des banques classiques. Il fait partie des milliers de personnes ayant choisi Zopa pour contracter un emprunt. Zopa, c’est un peu le peer-to-peer du financement. Le site Internet met en relation des individus à la recherche d’un prêt avec d’autres ayant envie de savoir à quoi sert leur argent. Les arguments financiers utilisés sont clairs : 5 % d’intérêt pour ceux qui empruntent et 11,59 % pour ceux qui prêtent. Zopa - pour Zone of Possible Agreement, zone d’accord possible - est née en mars 2005 en Grande-Bretagne. Ses fondateurs viennent tous du même sérail : une célèbre banque en ligne britannique.

"Ils ont travaillé avec des chercheurs pour comprendre les changements à l’œuvre chez les consommateurs", raconte Jonny Rosemont, responsable de la communication. Ils ont ainsi identifié une partie croissante de la population préfèrant faire confiance à ses pairs plutôt qu’aux institutions. Zopa fait du "prêt social". Rien de nouveau selon eux : "La pratique a toujours existé au sein des familles ou des groupes d’amis. Mais Internet permet de l’élargir au monde entier". Tout le monde y gagne, y compris Zopa qui récupère une commission de 1 % au passage. Pour rassurer les membres, la solvabilité des emprunteurs et des prêteurs est tout de même passée au crible par un expert. Et ça marche. Zopa compte plus de 110 000 membres et prévoit de s’installer à San Francisco. Quant à la France, elle devra patienter. Le prêt personnel y est encore illégal.

Le site de Zopa

Et aussi

Au Bangladesh : Ce projet vient en aide aux mères de familles modestes contraintes de choisir entre travailler et laisser leurs enfants seuls sans protection à la maison.

Au Pérou : Albina Ruiz a mis en place un modèle de gestion des déchets dans les quartiers pauvres, en aidant les habitants à créer des micro-entreprises de collecte et de traitement des déchets.