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14-09-2006
Mots clés
Multinationales
France

Suez / GDF : de l’eau dans le gaz

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Vous n'avez pas compris s'il faut, oui ou non, privatiser Gaz de France et autoriser sa fusion avec Suez ? Terra Economica réexplique les enjeux de cette opération et remet les points sur les "i".
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Annoncée en février dernier, la fusion entre Gaz de France et Suez devait passer comme une lettre à la Poste. Problème : hormis le Premier ministre et une partie de sa majorité parlementaire, personne ou presque n’en veut. Les syndicats sonnent la charge, l’UMP est divisée, les économistes libéraux hurlent à l’hérésie. Certains actionnaires de Suez trouvent même l’opération mal ficelée ! Au-delà des postures idéologiques, quels sont les enjeux de ce grand Meccano de l’énergie ? Décryptage.

Cette fusion a-t-elle une justification stratégique ?

"Oui", répondent ses partisans car il fallait sauver le soldat Suez, menacé par l’offre publique d’achat hostile d’Enel, l’EDF italien. Pas question pour le gouvernement français d’abandonner un fleuron de l’industrie nationale entre les mains des transalpins. Le 25 février, Dominique de Villepin présente donc à la télévision un projet de fusion de Suez avec Gaz de France. Privatisant de fait ce dernier, au nom du "patriotisme économique". De toute façon, "le rapprochement entre les deux entités était dans les cartons depuis au moins deux ans", assure la direction de Gaz de France. "Enel savait nécessairement que ces discussions existaient, abonde l’économiste Elie Cohen. Son hésitation et ses maladresses ont accéléré la conclusion du projet de rapprochement Suez-Gaz de France" (1).

Il est vrai que les deux groupes offrent des profils complémentaires. GDF cherche depuis longtemps à diversifier ses activités au-delà du gaz pour faire face à ses concurrents européens, l’allemand E. On et l’italien Eni. De son côté, Suez, géant mondial de l’eau et du traitement des déchets, veut prioritairement se développer dans le secteur de l’énergie, en s’appuyant sur sa filiale Electrabel, numéro un sur le marché de l’électricité en Belgique.

Propulsé parmi les tout premiers groupes européens, le nouvel ensemble trusterait à lui seul 20 % des achats de gaz en Europe. De quoi peser dans les négociations face aux fournisseurs russes, iraniens, et qataris, qui représentent 60 % de la production mondiale de gaz naturel. "Insuffisant", tranche Dominique Paillé, député UMP des Deux-Sèvres et porte-parole des "antis", à droite. "Loin de créer un géant du gaz, la fusion n’entraînerait qu’un grossissement de 25 % de GDF dans la distribution et guère plus dans le stockage et le transport", assène-t-il. Pas de quoi impressionner l’ogre russe Gazprom, qui pourrait avaler le petit français d’une seule bouchée. "Une fois privatisée, Gaz de France deviendra opéable", s’inquiète Yves Ledoux, cégétiste membre du conseil d’administration.

La facture du gaz va-t-elle exploser ?

C’est le seul point qui fait à peu près consensus entre les pro et les anti, quoique pour des raisons diamétralement opposées. "Le cours du gaz étant indexé sur celui du pétrole, les prix risquent de continuer à augmenter", remarque la direction de Gaz de France. Peu importe le statut de l’entreprise, tente-t-elle de rassurer, puisque les tarifs resteront réglementés après le 1er juillet 2007, date d’ouverture totale du marché domestique à la concurrence. Autrement dit, l’Etat aura toujours son mot à dire sur l’évolution des prix de l’électricité et du gaz, privatisation ou pas. Un comble !

En fait, la libéralisation du marché de l’énergie, expérimentée par les entreprises depuis le 1er juillet 2004, laisse une impression mitigée aux principaux intéressés. Les entreprises peuvent certes choisir librement leur fournisseur d’électricité ou de gaz. Mais avec le recul, ceux qui ont pris le risque de quitter EDF ou GDF s’en mordent les doigts. Les organisations patronales au grand complet (Medef et CGPME) avaient déploré en juin dernier la flambée des prix de l’électricité sur le marché libre... de près de 100 % ! Dur, dur. Au point que Laurence Parisot et Jean-François Roubaud, les patrons des patrons, ont pris leur bâton de pélerin et supplié le gouvernement d’autoriser les entreprises à faire machine arrière. Impossible aujourd’hui, mais un assouplissement est prévu à l’horizon juin 2007.

Les consommateurs particuliers d’électricité et de gaz devront en revanche réfléchir à deux fois avant d’opter pour la concurrence, car ils seront dans l’impossibilité de se rétracter, hormis en cas de déménagement. Or, la facture de gaz des consommateurs a déjà augmenté de 30 % en 18 mois et de 70 % depuis l’ouverture des marchés en 2000, malgré le bouclier des tarifs réglementés. L’UFC-Que choisir prévoit même une aggravation et accuse le gouvernement de transformer l’usager en "cobaye de la réforme", alors que "le dérapage des prix est, selon l’association de défense des consommateurs, plus que probable à moyen terme".

Que se passera-t-il quand l’Etat sera minoritaire ?

"On peut craindre que la recherche de la profitabilité maximale l’emporte sur le souci de l’intérêt général", avance le député UMP Dominique Paillé. Dans un saisissant élan d’unanimité, Yves Ledoux, (CGT), enfonce le clou. "Que diraient les deux tiers d’actionnaires privés du groupe si l’Etat imposait sa loi sur les prix ?". Sans parler du maintien du système des tarifs réglementés, suspendu au bon vouloir de la Commission européenne, qui peut parfaitement l’interdire, du jour au lendemain. Libre concurrence oblige.

Un rapprochement EDF GDF en guise d’alternative ?

Les antis, partis socialiste, UDF, CGT et une partie du groupe UMP, en pincent pour une fusion alternative entre EDF et GDF. "L’ensemble Energie de France permettrait de sauvegarder la sécurité d’approvisionnement énergétique de la France tout en conservant la maîtrise des prix", explique Dominique Paillé. Possible dans l’absolu même si cette fusion devrait être préalablement soumise à l’approbation de la direction de la concurrence de la Commission européenne. Or Bruxelles ordonnerait des cessions très importantes qui dénatureraient le projet. C’est exactement ce qui s’est produit au Portugal, où Electricité du Portugal et Gaz du Portugal ont dû renoncer à se rapprocher, en raison des exigences communautaires.

Et le réchauffement climatique dans tout ça ? "Le renforcement des exigences environnementales, avec notamment l’accord de Kyoto qui rend coûteuses les émissions de gaz à effet de serre, a conduit au rapprochement des deux industriels du fait de leur moindre sensibilité à cette pression", note Elie Cohen. "Electrabel est en effet présent dans le nucléaire et Suez dans l’hydroélectrique. Et les deux maîtrisent la technologie du gaz naturel liquéfié" (1). Autant d’énergies peu émettrices de CO2. Demeure la question épineuse des déchets nucléaires.

Sources de cet article

(1) Le site du Monde (28 février 2006)

(2) Le rapport du projet de loi relatif à l’énergie

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