Février 1991, Koweït City. Sept mois après l’invasion de leur pays par les hommes de Saddam Hussein, des milliers de personnes accueillent les troupes américaines de libération en agitant des fanions aux couleurs de la bannière étoilée. "Ne vous êtes-vous jamais demandé comment les citoyens de Koweït City, pris en otages pendant sept mois longs et difficiles, avaient-ils pu se procurer des petits drapeaux américains ? (...) Eh bien, vous connaissez la réponse. Cela faisait partie de ma mission." L’homme qui parle en ces termes n’est pas James Bond mais John Walter Rendon Jr. Une personnalité probablement aussi puissante qu’inconnue du grand public. John Rendon, qui se définit comme un "guerrier de l’information", exerce le métier de "spin doctor", aux frontières du conseil en communication et de la "fabrique" de l’opinion.
Profession : spin doctor
Aux Etats-Unis, cet ancien militant anti-guerre du Vietnam a frayé avec le camp démocrate, aux côtés de Michael Dukakis et de Jimmy Carter dans les années 1970, de John Kerry et Walter Mondale dans la décennie suivante. Selon James Bamford, auteur d’une enquête sur les activités du Rendon Group, c’est en 1981, après la défaite de Jimmy Carter à l’élection présidentielle américaine, que John Rendon lance son entreprise de conseil en relations publiques. Du Panama, en 1989, à la Bosnie et à l’Ouzbékistan pendant les années 1990, jusqu’aux plus grandes multinationales (Monsanto), on trouve le Rendon Group sur de nombreux fronts.Mais l’Irak reste un des terrains de jeu favoris de l’entreprise. Déjà conseiller du gouvernement koweïtien, John Rendon fut mandaté par le Pentagone en 1991 pour créer en Irak les conditions de l’éviction de Saddam Hussein. Il réunit un groupe d’opposants, qu’il fit baptiser "Congrès national irakien" (INC), une entité financée sur fonds du Pentagone (16 millions de dollars). L’un des rôles de l’INC consistait à détecter, entraîner et mettre à la une des médias des témoins des horreurs du régime de Saddam.
Informations truquées
C’est ainsi qu’en décembre 2001, le New York Times rapporta le témoignage d’un ingénieur irakien : selon celui-ci, plusieurs sites irakiens auraient été destinés à la fabrication d’armes nucléaires ou biologiques, les "armes de destruction massive". Le quotidien américain offrit ainsi à George Bush un argument de poids pour attaquer l’Irak. Problème : selon John Bamford, ce témoignage était totalement bidonné.Quelques mois plus tard, en février 2002, le New York Times, encore lui, révéla l’existence de l’OSI (Office d’influence stratégique). Mise sur pied au sein du Pentagone au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, cette cellule avait pour mission de diffuser des informations servant la lutte contre le terrorisme... y compris en pratiquant la désinformation auprès de médias étrangers. L’OSI avait passé avec le Rendon Group un contrat de 100 000 dollars par mois. Le tollé suscité par cette nouvelle contraignit le président Bush et son secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, à demander le sabordage de l’OSI. "Mais, écrit James Bamford, la plupart des opérations de l’OSI furent transférées (...) au sein du Pentagone, à l’Information Operations Task Force, groupe auquel Rendon est resté très lié". Avec pour mission de décortiquer les sources et les soutiens de la chaîne de télévision Al-Jazeera, jugée trop critique à l’égard des Etats-Unis.
Difficile d’évaluer les résultats du Rendon Group. Mais comme le fit remarquer un chroniqueur du quotidien The Independent, à l’orée de l’invasion de l’Irak en 2003, les deux tiers des Américains pensaient "que Saddam Hussein était derrière les attentats du 11 septembre 2001, et 80 % d’entre eux que l’Irak détenait des armes nucléaires".
FICHE D’IDENTITE
Nationalité : états-unienne Création : 1981 Principal dirigeant : John Rendon Effectif : non communiqué
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