Selon Nicolas Sarkozy interrogé à la télévision au lendemain d’un sommet de Bruxelles consacré au sauvetage de la zone euro, il nous faut « 6 à 8 milliards » pour réduire le déficit public. Sauf que 8 milliards – si l’on prend la fourchette haute – ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Mais où donc ? Nicolas Sarkozy est resté très flou sur le sujet évoquant la possibilité de taxer les importations pour financer la Sécurité sociale. Mais excluant une hausse de TVA « généralisée » qui pourrait peser lourd sur le pouvoir d’achat des Français. Terra eco est allé chercher l’avis de 3 économistes.
Patrick Viveret - Philosophe et essayiste
« C’est très simple. Il suffit d’aller chercher dans les 20 000 milliards d’euros qui se trouvent dans les paradis fiscaux. Si, déjà, nous appliquions les trois mesures suivantes : éradication des paradis fiscaux, taxation financière de type Tobin et séparation des activités des banques d’affaires et de dépôt, nous trouverions ces 8 milliards d’euros très rapidement. Mais très sincèrement, ces 8 milliards d’euros sont un faux problème. Ce dont nous avons besoin c’est d’un audit des richesses réelles. Je pense que la représentation purement monétaire de la richesse n’a pas plus de réalité. Les vraies richesses sont avant tout humaines et naturelles. C’est de cette façon qu’il faut appréhender les choses. »Gilles Carrez - Rapporteur général (UMP) du budget
« Il y a deux colonnes à regarder. Celles des recettes et celle des économies à trouver. Parlons des recettes et allons au-delà des seules niches fiscales. Il y a deux voies. Soit la surtaxe temporaire à l’impôt sur les sociétés (comme la mesure Juppé en 1996 ou la mesure Strauss-Kahn en 1997) qui pourrait nous rapporter 1 à 2 milliards d’euros, soit l’augmentation de la TVA. Vous avez noté, comme moi, que le président Sarkozy a exprimé jeudi soir son opposition à une augmentation généralisée de la TVA. En revanche, la création d’un taux intermédiaire à 8 ou 9% sur la restauration ou le logement par exemple pourrait dégager 2 à 3 milliards d’euros immédiatement.La seconde colonne concerne les économies à faire. Je constate et déplore que notre pays n’a pas de culture de la maîtrise de la dépense publique. Il y a des tas et des tas d’économies à réaliser. Je prends un seul exemple : le budget de France Télévision soit 3 milliards d’euros, en hausse constante. Alors que la règle du « un fonctionnaire sur deux non-remplacé » s’applique partout, eh bien France Télévision continue de grossir sur le plan budgétaire quand ses effectifs, eux, ne bougent pas d’un iota. Ne me faites pas croire qu’il est impossible de diminuer ce poste budgétaire ne serait-ce que de 1% et ainsi d’économiser 30 millions d’euros ! »
Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
« 8 milliards ne suffiront pas à maintenir le déficit public à 4,5 % du PIB en 2012. Si on veut faire 8 milliards d’économie, il faut mener un plan de rigueur de plus grande envergure (voir interview). Car supprimer des dépenses aura un impact sur la croissance. A moins qu’on supprime des niches fiscales inefficaces, qui touchent peu de personnes et dont a disparition n’aurait pas d’impact sur l’activité. Parmi celles-ci, il y a la défiscalisation des heures supplémentaires. Rien qu’avec ça, on pourrait économiser 4,5 milliards. Il y a aussi la niche Copé (1), la défiscalisation dans les dom tom (2)… Dans le contexte d’une basse conjoncture, ces mesures n’ont aucun impact. On pourrait les supprimer. Quitte à les remplacer par des niches qui auraient, elles, un impact positif sur l’économie !Le parti socialiste a proposé quelque chose d’intéressant à mon sens. Il suggère de supprimer 50 milliards de niches inefficaces tout de suite. Comme on n’a pas besoin d’économiser 50 milliards pour éponger le déficit, une part de cette somme servirait à financer des dépenses pour relancer l’activité. Le problème c’est que pour ne fâcher personne, le gouvernement a plutôt tendance à raboter 10% sur toutes les niches. Or, parmi celles-ci, certaines sont effectivement inefficaces mais d’autres sont efficaces. Les supprimer aura un impact sur l’activité. »
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(1) Elle permet d’exonérer d’impôt sur les sociétés les plus-values encaissées par les entreprises lorsqu’elles vendent leurs filiales ou d’autres participations (à la seule condition d’avoir détenu cette filiale ou cette participation pendant deux ans).
(2) La loi Girardin permet par exemple d’obtenir une réduction d’impôt lorsqu’on achète un logement neuf dans les Dom-Tom à condition de le louer pendant 5 ans.
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