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Vise le green

Par Benjamin Cliquet
5-02-2011

Les transports collectifs, pas faits pour l’Amérique du Nord ?

Les transports collectifs, pas faits pour l'Amérique du Nord ?
(Le Devoir - Photo : Jacques Nadeau)
Pourquoi les villes d'Amérique du Nord ont des difficultés à développer leurs réseaux de transports collectifs ? Voici plusieurs éléments de réponse, à travers l'exemple de Québec.

Les habituels Jean-Thomas Bernard, professeur de sciences économiques à l’Université Laval et Alain Thivierge, professeur d’environnement et de géographie au collège François-Xavier Garneau accompagnés de Jean Mercier et Jean-Pierre Derriennic, professeurs au département de sciences politiques de l’Université Laval nous aident aujourd’hui à comprendre pourquoi Québec a un réseau de transports en commun si peu développé et comment envisager la venue du tramway (en projet) dans l’agglomération.

En Amérique du Nord, les habitants veulent de l’espace (un jardin, une grande maison...) donc la banlieue est attractive. Faire 50km en voiture met autant de temps que 5km en bus et, le bas prix de l’essence renforçant cette attractivité, l’usage de la voiture est beaucoup plus attrayant que les transports collectifs. Des études ont montré que pour que les gens abandonnent leur voiture au profit du bus, il faudrait que le prix de l’essence dépasse les 3$ le litre (environ 2€20, alors qu’il est à environ 1€ aujourd’hui). En outre, le transport en commun est un peu perçu comme "bas de gamme", c’est fait pour les étudiants, les personnes d’origine modeste et les personnes âgées qui ne peuvent plus conduire. Ainsi, le réseau de transports en commun est faible à Québec (le seul moyen de relier l’aéroport au centre-ville est le taxi). Il n’y a ni tramway, ni train (sauf pour relier Montréal), ni métro. "Le véhicule automobile a pris le dessus" avoue Jean-Thomas Bernard.

Aux Etats-Unis, il y a 800 voitures pour 1000 habitants, contre 600 au Canada. C’est dans les deux cas très élevé et suffisant pour permettre à peu près à toutes les personnes en âge de conduire d’avoir un véhicule à disposition. Il n’est donc pas facile d’établir des bons réseaux de transports collectifs en Amérique du Nord car les usagers ne sont pas nombreux. Mais d’ailleurs, qu’est-ce qu’un bon réseau de transports en commun ? J’ai posé la question à Jean Mercier (département de sciences politiques de l’Université Laval) : un bon réseau intègre le transport ET l’aménagement du territoire. Il faut une bonne planification. Une gouvernance métropolitaine est également indispensable, c’est-à-dire que le projet doit être entrepris au niveau d’une agglomération et non simplement du centre-ville et une institution autoritaire au niveau de cette agglomération doit être créée. A Québec, plusieurs villes se sont regroupées pour pallier aux querelles entre petites villes et Québec : 13 villes ont fusionné avec Québec.

En France, les transports collectifs sont plus développés. Pourquoi ? Parce que l’aménagement est davantage pris en compte et parce que la gouvernance est davantage centralisée. Mais surtout, la plus forte densité de nos villes, qui permet plus de rationalité, est un atout important (les transports collectifs sont plus rentables car transportent plus de personnes). La densité est un objectif récent des villes nord-américaines. La plus forte réticence vis-à-vis de l’impôt en Amérique du Nord est aussi un facteur qui n’a pas aidé le développement de bons réseaux.

Jean Mercier est finalement d’avis que, en Amérique du Nord, il faut surtout commencer par créer des couloirs (et non des quadrillages comme c’est souvent le cas, cf New York) puis densifier autour de ces couloirs. Cela faciliterait le développement de bons réseaux de transports collectifs.

Dans ce contexte, il est question à Québec d’une ligne de tramway reliant les deux rives du St Laurent. Ce projet n’est pas simple car Québec n’a pas de véritable centre-ville donc pas de plateforme centrale où les transports collectifs pourraient converger. Même les lieux de travail sont souvent délocalisés en banlieue pour éviter les problèmes de congestion. Il n’y a donc pas de trajet unique très fréquenté. Et, comme à Montréal, les banlieues ne sont pas sont pas denses du tout.

Jean-Pierre Derriennic (département de sciences politiques de l’Université Laval), breton, comme son nom l’indique, s’est penché sur ce projet de mobilité durable de la ville qu’est le tramway. Après avoir exposé son avis et ses propositions à la mairie de Québec sur le sujet, il a tenu une conférence à l’université sur le même sujet, avec moins de tabous...

La préoccupation de la ville est de densifier la ville, pour se tourner vers un modèle urbain plus européen. Mais, selon Jean-Pierre Derriennic, la ville s’y prend mal pour atteindre cette visée : le trajet du tram passe dans des zones peu fréquentées en espérant que cela amènera l’activité dans ces zones alors qu’il faudrait passer dans les zones les plus fréquentées en priorité.

Le trolley-bus, un mode de transport utilisé depuis longtemps en France (ici à Lyon en 1941).

Le tram est silencieux et ne pollue pas. Mais Jean-Pierre Derriennic propose, pour Québec, un autre type de transport qui a également ces deux avantages : le trolley-bus (un bus avec des perches au-dessus qui vont prendre l’électricité dans deux fils, voir la photo ci-dessus). Il est aussi silencieux et peu polluant que le tram et peut être aussi rapide si on lui accorde des voies réservées. L’inconvénient majeur, c’est l’esthétique : il faut deux fils, au lieu d’un seul pour le tram. Jean-Pierre Derriennic prend néanmoins l’exemple de Rome pour suggérer que, comme dans la capitale italienne, ces bus pourraient avoir des batteries pour sortir du réseau de fils dans les virages (là où les installations électriques sont les plus moches) ou devant les beaux édifices historiques, de sorte qu’il n’y ait besoin de mettre un réseau de fils uniquement en ligne droite et là où c’est le moins gênant.

L’avantage majeur du trolleybus sur le tram, est le coût : environ 20 fois moins cher. Et électrifier tout le réseau de bus existant coûterait le dixième du coût du tram tout en transportant plus de monde, un peu plus vite. Les travaux pour le tram sont en outre problématiques, il faut couper la circulation pendant un certain temps.

Jean-Pierre Derriennic propose une deuxième alternative, plus pour faire réfléchir que réalisable : comme les taxis au Japon, des batteries amovibles pourraient être installées dans les bus. Ainsi, une batterie rechargée est remise dans le bus à chaque fois que celui-ci atteint le bout de la ligne (donc pas besoin d’immobiliser le véhicule pour recharger les batteries). Mais les batteries coûteraient peut-être très cher, la question n’a pas été étudiée en profondeur.

Pour en savoir plus sur les projets de mobilité et d’urbanisme de Québec, je vous redirige vers le site de la mairie, une vidéo du future vous accueillera : http://www.ville.quebec.qc.ca/aprop...

A bientôt, Visez l’green, Ben

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