Vise le green |
Par Benjamin Cliquet |
Gaz de schiste et sables bitumineux, même combat ? |
Si jamais vous avez réussi à passer entre les mailles du filet médiatique au sujet des gaz de schiste, dans l’actualité de la France et du Québec, voici un résumé de la situation québécoise que j’aborde par le biais des réactions suscitées par la population et que je couplerai avec le sujet complémentaire des sables bitumineux albertins (deux sujets sûrement tout à fait connus des Québécois mais peut-être moins des Français). Et ce grâce aux efforts combinés de Jean-Thomas Bernard, professeur de sciences économiques à l’Université Laval et Alain Thivierge, professeur d’environnement et de géographie au collège François-Xavier Garneau. Je les remercie tous les deux et je souhaite également la bienvenue à mon lectorat québécois qui se développe aussi vite que l’extraction des sables bitumineux (je le souhaite très fort en tout cas !).
Suite à la crise économique mondiale, le prix du baril de pétrole est passé en un an de 144 $ à 35 $. Dans le même temps, le prix du gaz naturel baissait parallèlement de moitié. Mais tandis que le prix du baril est remonté (à 90$ aujourd’hui), le prix du gaz naturel est resté bas. Ce bas prix combiné au bas coût des installations (contrairement aux turbines éoliennes) et à la révision à la hausse des réserves poussent à penser que le gaz de schiste pourrait progressivement s’imposer (en Amérique du Nord). Mauvaise nouvelle pour l’éolien canadien.
Pourtant, au Québec, le forage n’est pas encore massif (10 puits par an environ). Et surtout, le développement de ces gaz dans la province est compromis car, même si les compagnies privées disent vouloir exploiter, l’opposition des habitants couplée aux rapports scientifiques pessimistes semblent trop forte pour que les politiques puissent donner l’autorisation de continuer les forages.
Trois problèmes environnementaux apparaissent, tous trois concernant l’eau :
d’abord, l’extraction nécessite des quantités d’eau astronomiques ;
ensuite, étant donné qu’il a été reconnu que 19 puits sur 31 ont des fuites au Québec, les risques de contamination des nappes phréatiques existent lorsque les gaz s’accumulent, en remontant à la surface ;
par ailleurs, ce n’est pas que de l’eau qui est injectée mais de l’eau mélangée à 1% de substances chimiques (1% est déjà gigantesque au vu des quantités d’eau utilisées). Une partie de cette eau est récupérée mais la province n’a pas les technologies pour la traiter. Elle est donc stockée en attendant et ce qui n’est pas récupérée contamine les sols.
Un quatrième problème environnemental est l’émission du méthane qui s’échappe au moment de l’extraction (le méthane est 25 fois plus néfaste pour la couche d’ozone que le CO²).
Ce gaz de schiste extrait servirait surtout, au Québec, comme chauffage industriel en remplacement du pétrole qui pollue davantage (et dont le prix augmente). Mais là aussi, sur l’utilité de ce gaz naturel, les Québécois font part de leur doute. En effet, la province n’en manque pas car elle peut en acheter en grande quantité à l’Alberta qui en a en excédent. Le prix du gaz naturel n’ayant jamais été aussi bas depuis 40 ans, cette solution serait tout à fait envisageable en cas de besoin, contrairement à une exploitation qui ne se justifie pas vraiment.
Pour résumer la situation, probablement méconnue en France en comparaison de l’ampleur des dégâts, on dit que le sable bitumineux s’étend sur un territoire de la taille de la Floride, pour des réserves de pétrole 5 fois supérieures à celles de l’Arabie Saoudite, sous la forêt boréale du nord de l’Alberta.
Les Albertins sont plutôt pour l’exploitation des sables bitumineux car au Canada les revenus des ressources naturelles sont provinciaux. Donc les habitants récupèrent une (infime) partie des revenus colossaux de cette activité d’extraction.
Les sables bitumineux sont donc mal vus au Québec car ils favorisent une province (déjà de loin la plus riche du Canada), représentent environ la moitié des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays, profitent aux Etats-Unis où 100% du pétrole extrait est exporté et enfin car la grande partie des revenus ne revient pas aux Albertins mais aux multinationales venues de tous les pays, dont la France (Total).
Mais si j’ai voulu traiter les gaz de schiste et les sables bitumineux dans un même article c’est parce qu’il m’a semblé intéressant de faire le parallèle entre les réactions des deux populations. L’une voit les avantages économiques, l’autre semblerait avoir une conscience environnementale. Les Québécois ne veulent donc pas que la gestion des gaz de schiste au Québec soit gérée de façon similaire à celle des sables bitumineux en Alberta.
Ce parallèle me permet de conclure en vous disant que, depuis maintenant deux semaines que je parle environnement avec les Québécois, je commence à les croire quand ils me disent qu’ils abordent les questions environnementales avec beaucoup plus de bon sens que le reste du Canada. Suis-je naïf ? Je le saurai peut-être en écoutant ce qu’auront à me dire les habitants de Vancouver, ville "pas si verte que l’image qu’elle se donne" selon certains Québécois...
A bientôt, Visez l’green, Ben
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