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Vise le green

Par Benjamin Cliquet
3-01-2011

Quelles énergies renouvelables et nucléaire pour la Finlande ?

Quelles énergies renouvelables et nucléaire pour la Finlande ?
(Bois, à Helsinki (Benjamin Cliquet))
Comment ferons-nous dans les années à venir pour satisfaire nos besoins en énergie ? En Finlande, comme dans beaucoup d'autres pays, le nucléaire et les énergies renouvelables tiennent la corde.

Une fois de plus, les sources pour cet article sont multiples. Cinq personnes différentes m’ont parlé des énergies renouvelables ou du nucléaire : Janne Bjorklund, ancien membre de l’Association Finlandaise pour la Conservation de la Nature et ancien entrepreneur dans les éoliennes ; Ari Ekroos, professeur de droit environnemental à l’université d’Helsinki ; Lauri Muranen, conseiller en énergie nucléaire et secrétaire général à l’Energy Forum of Finland (Finnish Energy Industries) ; Juha Ruokonen, gestionnaire en analyse des marchés et conception des politiques à Greenstream (leader Nordique en développement et gestion de supports d’investissements verts) ; Oras Tynkkynen, député Vert du Parlement de Finlande.

Si l’énergie majeure utilisée pour les centrales de cogénération dans l’agglomération de la capitale est le gaz naturel (voir "L’énergie à Helsinki"), celui-ci n’est pas une énergie majeure pour le pays. Je ne parlerai pas ici du charbon qui reste également un combustible important pour la Finlande mais des deux types d’énergie qui sont en phase de croissance : les renouvelables et le nucléaire.

Les énergies renouvelables

L’Union Européenne a fixé des objectifs de part d’énergies renouvelables par pays, avec un objectif global de 20%. 48% pour la Suède et 38% pour la Finlande.

Pour respecter ces objectifs, les industries forestières devront largement réduire leurs déchets et brûler encore davantage de bois pour en récupérer l’énergie. Elles brûlent déjà la liqueur noire, qui est un liquide issu du procédé de transformation du bois en papier, qu’ils peuvent utiliser comme énergie ; elles pourraient réutiliser la vapeur, la chaleur, faire par exemple du biodiesel... Finnforest est ici un exemple intéressant puisque cette entreprise de l’industrie forestière finlandaise parvient à dégager plus d’énergie qu’ils n’en consomment grâce au brûlage des sciures. L’énergie est redirigée vers le réseau local. Toujours dans cette perspective, Helsingin Energia (compagnie énergétique de l’agglomération d’Helsinki) est en train de remplacer 40% du charbon par de la biomasse (bois) d’ici 2020.

Au total, les forêts finlandaises croissent. Entre 2004 et 2008, le volume des forêts en culture a augmenté en moyenne de 4,6% par an (pour plus d’informations sur les forêts finlandaises, voir le rapport annuel de 2009 publié par l’Institut de Recherche des Forêts Finlandaises : http://www.metla.fi/metinfo/tilasto...).

En ce qui concerne les mesures étatiques, il y a actuellement un système de taxes que les entreprises n’ont pas à payer ainsi que des financements que les compagnies peuvent réclamer auprès du ministère (dossiers étudiés cas par cas). Il existe, par ailleurs, un nouveau système pour l’éolien et le biogaz : les prix préférentiels garantis (cf. interview d’Oras Tynkkynen). C’est le principal outil. Le système promeut également l’utilisation de la biomasse.

"Si vous prenez la part d’énergies renouvelables nous avons une des plus élevées dans le monde et nous sommes troisièmes égalité avec l’Autriche en Europe. [...] Si vous prenez la part d’énergie éolienne, c’est marginal, parmi les plus faibles en Europe l’Ouest," reconnaissait Oras Tynkkynen. L’énergie éolienne, pour laquelle le pays est ambitieux, est encore bien trop peu développée. Des projets d’éoliennes off-shore au large d’Helsinki sont en cours mais l’opposition des riverains reste forte.

Les limites

- L’incitation à l’utilisation de la biomasse est parfois polémique en Finlande car elle accroît en même temps la valeur du bois donc handicape les industries du papier (même si, pour l’énergie, ce ne sont pas les mêmes parties des troncs qui sont utilisées).

- Ensuite, le développement de petites installations à bois (qui s’explique par le développement de cette filière) n’est pas forcément une bonne nouvelle. En effet, pour l’instant, il y a surtout des grosses centrales à bois, or celles-ci sont toujours équipées d’équipements qui traitent les particules et les différentes pollutions émises par le bois, ce que ne sont pas les plus petites centrales. Ainsi, à court-terme (2020, date des objectifs de l’UE), la biomasse n’est pas véritablement "carbone neutre". L’incinération du bois pollue comme les autres énergies, dégageant surtout des gaz nocifs pour la santé.

- Selon Lauri Muranen, s’il est techniquement possible d’être énergétiquement indépendant uniquement avec des énergies renouvelables, c’est économiquement que cela coince : cela ne peut pas fonctionner sans subventions de l’Etat.

- Enfin, Lauri Muranen souligne également que l’énergie éolienne, même s’il reconnait qu’elle a un bon potentiel tout comme l’hydraulique, a une croissance trop lente (non seulement à cause des faibles subventions mais également à cause de problèmes techniques), comparée à la demande d’électricité qui a une croissance très forte et continuera de croître avec les transports électriques par exemple. La délivrance de deux nouveaux permis pour des réacteurs nucléaires semble aussi être une réponse à ce constat.

L’énergie nucléaire

La Finlande a bien sûr pour objectifs d’augmenter la part d’énergies renouvelables dans son mix énergétique. Mais si l’on parle d’énergies non émettrices de CO², on ne peut ignorer le nucléaire. Voilà ce qu’en disait Oras Tynkkynen : "Il y a un plutôt large consensus dans la société finlandaise sur le fait que nous avons besoin de davantage d’énergies renouvelables [...] Mais, en Finlande comme dans beaucoup de pays, la question du nucléaire est très controversée. Les gens sont divisés sur la question, tout comme le gouvernement. Nous pourrions satisfaire nos besoins énergétiques à partir d’énergies renouvelables, d’autres énergies à faibles émissions de carbone et en gagnant en efficacité énergétique. Il n’est pas nécessaire pour nous de construire d’autres centrales nucléaires. [...] On peut débattre pour savoir si l’énergie nucléaire est une bonne chose ou pas mais il y a clairement des alternatives et donc on n’a pas besoin de construire de nouvelles centrales si on pense que ce n’est pas propre."

Et effectivement, comme on peut s’en douter, les points de vue sur la questions sont multiples. Si pour ce député du Parti Vert, qui milite contre le développement du nucléaire finlandais, le nucléaire est inutile en Finlande, plusieurs arguments sont avancés par les "pro-nucléaires" pour le contredire.

D’abord, on parle du nucléaire comme d’un outil très important pour respecter les objectifs de l’UE en matière de réduction des émissions de CO², "surtout dans le domaine de l’énergie, le nucléaire est très fiable pour cela" (Lauri Muranen). L’objectif affiché à long-terme est de produire de l’électricité et de la chaleur à des prix abordables et de façon propre.

Il y a évidemment des risques à l’activité nucléaire mais les autorités sont extrêmement précautionneuses depuis Tchernobyl (presque trop selon Lauri). En revanche, il n’a jamais été prouvé que l’activité normale provoque des maladies. Il n’y a aucun moyen de prouver le lien entre les maladies et la proximité d’une centrale nucléaire. De plus, les seuils de radioactivité mis en place par les autorités ne sont jamais franchis.

Le nucléaire devient également de plus en plus fiable et sûr. L’EPR (European Pressurised water Reactor) est une 3ème génération de réacteurs nucléaires, plus sûrs. Mais c’est la 4ème génération de réacteurs que j’ai trouvé plus intéressante : il est déjà techniquement possible de brûler du combustible (uranium) déjà utilisé. Selon Mr Muranen, cela permettrait de ne stocker les déchets que pendant environ 200 ans avant qu’ils perdent leur radioactivité. Cette nouvelle génération n’est pas encore économiquement réalisable. Mais le développement de cette nouvelle technique, et s’ils parviennent à fermer le cycle de l’uranium et l’utiliser dans sa quasi totalité (les besoins en combustibles seront divisés par 10), rendront selon lui les énergies renouvelables pas complètement indispensables. Et dans tous les cas, l’aspect économique aura beaucoup d’impact pour déterminer quelles seront les énergies du futur.

Oras Tynkkynen et Lauri Muranen se sont en revanche entendus sur un point : la problématique des déchets semblerait avoir été résolue. "La Finlande a un des plans d’élimination des déchets nucléaires les plus avancés au monde. Et ça a été une raison invoquée par les politiques pour construire une nouvelle centrale dans le futur. Et ce n’est pas complètement faux. Nous avons un substrat rocheux plutôt stable. [...] Nous nous aurons le même substrat rocheux pour des millions d’années, l’activité sismique est très faible, de très faibles tremblements de terre. [...] Et je pense que notre plan d’élimination final des déchets nucléaires n’est pas le meilleur mais la moins pire des solutions disponibles," me disait le député.

La construction des réacteurs est encore très longue, surtout si l’on prend en compte la phase de réflexion. Le premier réacteur aurait dû être prêt dès 2009 mais à cause de différents problèmes, il ne l’est toujours pas. Mr Muranen considère en revanche que de nombreux problèmes ne concerneront que la construction du premier réacteur, les suivants seront plus rapide à construire.

Les défauts

- Janne Bjorklund identifie 3 problèmes au nucléaire : les mines d’uranium (un projet en Finlande est encore en phase d’obtention des permis), très polluantes ; les accidents ; les déchets nucléaires. Sur ce dernier sujet, il avance que les strates rocheuses ne sont pas si stables que ça sur le long terme. Si elles le sont sur un siècle, elles ne le seront pas sur 500 ou 1000 ans. Il faudrait mettre les déchets plus en profondeur mais cela coûte trop cher. Par ailleurs, en cas de problème, il faut être capable de sortir les déchets de leur endroit de stockage, ce qui ne sera pas possible en cas d’ère glacière (2km de glace couvriraient les sols).

- Le coût des EPR est en train d’augmenter contrairement au coût des éoliennes qui décroît.

- L’avantage des énergies renouvelables est qu’elles n’utilisent aucun combustible, elles ne dépendent donc pas du prix de ceux-ci, contrairement au nucléaire qui dépend du prix de l’uranium.

- La Finlande sera obligée d’exporter sa production supplémentaire mais le danger restera dans le pays. En outre, Juha Ruokonen considère l’électricité comme un produit de base qu’il n’est pas très rentable à l’exportation.

- Enfin, le nucléaire finlandais n’aidera pas le pays à remplir ses promesses pour Kyoto puisqu’il est déjà trop tard, le réacteur aurait dû être fonctionnel il y a déjà un an et demi pour que cela.

Et pour finir, quelques faits optimistes (puisqu’il parait que les Français sont très pessimiste quant à l’avenir...) :

- Au Danemark, au milieu des années 1980, 10 centrales de cogénération fonctionnant au énergies fossiles (charbon) ont été construites. Aujourd’hui, dans le pays, de nombreuses centrales de cogénération danoises carburent aux énergies renouvelables : biogaz, bois, vent.
- En Espagne, en un an, ils ont construit énormément d’éoliennes. Cela leur revient très cher à court terme mais ce sera tout à fait rentable à long terme.

- Selon les prévisions de Shell (pourtant grande entreprise pétrolière !), d’ici 2020, toutes les nouvelles capacités énergétiques mises en oeuvre seront pour des énergies renouvelables (voir schéma avec en rouge, la courbe de la biomasse traditionnelle ; en gris celle du charbon ; en vert celle du pétrole, du gaz naturel liquide et du gaz ; en bleu celle du nucléaire et l’énergie hydraulique ; en violet celle des énergies renouvelables déjà identifiées ; et en jaune celle des énergies renouvelables non encore identifiées).

- Le soleil nous donnerait 20 fois plus d’énergie que ce dont nous avons besoin. Le problème reste que l’on ne sait pas encore transporter l’électricité sur très grande distance, tous les pays ont donc du mal à en profiter (aujourd’hui, on sait transporter l’électricité sur environ 1000km, les experts espèrent le faire sur 4000km plus tard).

A bientôt, Visez l’green, Ben

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