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Vise le green

Par Benjamin Cliquet
5-12-2010

Oras Tynkkynen, député Vert du Parlement finlandais

Oras Tynkkynen, député Vert du Parlement finlandais
Rencontre privilégiée avec Oras Tynkkynen, député Vert au Parlement finlandais et "Monsieur Energie" du gouvernement.

Comme je vous l’avais signalé au précédent article, j’ai eu l’honneur de m’entretenir avec Oras Tynkkynen, 33 ans, député du Parti Vert. Oras Tynkkynen est également conseiller municipal à Tampere, en charge des questions climatiques et énergétiques au Groupe parlementaire des Verts et préside, au sein des Verts, le groupe sur les politiques de transport. Il a également été nommé spécialiste des questions climatiques au cabinet du Premier Ministre. Voici une page en anglais de son blog : http://www.orastynkkynen.fi/?page_id=6 Pour rendre compte au mieux de cet entretien, j’ai jugé le plus intéressant de vous retranscrire directement le script. C’est un peu long mais très riche, et cela sucitera peut-être quelques commentaires de votre part. Ce sera également l’occasion pour vous de remarquer mes grands talents de journaliste : même si je progresse, certaines de mes questions pourraient encore être mieux tournées pour éviter de paraître naïves...

Ben : Vous avez participé à la rédaction du rapport de prospective sur les solutions au réchauffement climatique d’ici 2050. Allons-nous nous en sortir ? Etes-vous optimiste ?

Oras Tynkkynen : Vis-à-vis de la Finlande, le rapport montre qu’il est tout à fait possible de réduire les émissions de gaz à effets de serre du pays à un niveau soutenable, durable, sans compromettre le niveau de vie et de bien-être. Il est possible de réduire ces émisisons d’environ 80%. Il faut surtout se demander "est-ce possible aux Etats-Unis, en Chine, en France... ?" Et je pense que oui, c’est possible. Mais la véritable question n’est pas de savoir si c’est possible mais plutôt si on va le faire, c’est un défi politique. Il y a des solutions communes à tous les pays, comme l’efficacité énergétique qui est selon moi la solution la plus importante pour toutes les sociétés.

B : Pourrait-on importer le modèle énergétique finlandais en France ?

OT : Le climat finlandais étant différent du climat français, il faudrait adapter le régime énergétique, comme utiliser d’autre techniques de construction, mais de nombreuses solutions sont communes, oui. Une des plus grandes sources de consommation électrique dans le monde sont les moteurs électriques et les changeurs de fréquence sont une certaine technologie qui peut réduire de façon spectaculaire la consommation électrique de ces moteurs. La Finlande est leader dans cette technologie qui peut être utilisée dans le monde entier.

B : Pourquoi le sommet de Copenhague a-t-il échoué et qu’attendez-vous de Cancūn ?

OT : Concernant Copenhague, la raison princiale est que les acteurs clés n’étaient pas prêts pour faire des compromis, et cela est vrai pour tous les grands pays. D’autres raisons peuvent être relevées, telles que le fait que les Etats-Unis n’avaient pas une politique climatique nationale prête pour avancer et négocier. La Chine a aussi été très difficile dans les négociaions. Elle joue le rôle d’une super puissance et elle ne veut aucun compromis, elle ne veut pas que les autres pays puissent décider ce qu’ils ont le droit de faire ou non. Ils n’ont par exemple pas voulu que des experts viennent analyser et contrôler leurs émissions. De nombreux pays en développement étaient également difficiles à la négociation. On ne peut donc pas trouver un seul pays responsable de cet échec, les raisons sont multiples. Quant à Cancūn, les attentes ne sont de toute façon pas très élevées pour des raisons compéhensibles, mais je suis tout de même confiant que Cancūn puisse être une rampe de lancement en vue du sommet sud-africain de l’année prochaine. Mais on verra tout cela la semaine prochaine.

B : Vous faites partie du gouvernement actuel mais je me permets quand-même de vous poser la question : peut-on dire que c’est un gouvernement actif dans la lutte contre le réchauffement climatique ?

OT : Oui, je dirais que le gouvernement fait des efforts. J’ai suivi la politique climatique et les débats de la Finlande depuis plus de 15 ans et je peux dire que ce gouvernement a fait bien plus que tous les précédents gouvernements combinés. On peut toujours débattre pour savoir si on en a fait assez, sûrement pas, mais il y a déjà tellement qui a été fait... Et par ailleurs, ce ne sont pas seulement les Verts du gouvernement qui s’investissent dans ces sujets, les trois autres Partis présents au gouvernement partagent également la volonté de résoudre le problème climatique. Chacun est plus ou moins intéressé, plus ou moins investi, mais tout le monde s’intéresse au sujet. Et c’est une chose importante pour pouvoir avancer dans le domaine.

B : Et la question énergétique, est-elle délicate au sein du gouvernement [les partis ont des intérêts divergents, entre ceux qui favorisent le nucléaire, certains le charbon pour les industriels et les Verts qui veulent des énergies renouvelables] ?

OT : Oui et non. Il y a un consensus plutôt large dans la société finlandaise sur le fait que nous avons besoin de davantage d’énergies renouvelables, d’une plus grande efficacité énergétique, que nous devons sortir des énergies fossiles... Sur la plupart des grandes problématiques, les avis tendent vers un consensus. Mais, en Finlande comme dans beaucoup de pays, la question du nucléaire est très controversée. Les gens sont divisés sur la question, tout comme le gouvernement.

B : Et ne pensez-vous pas que tous les pays, dont la Finlande, ont besoin d’une certaine partie d’énergie nucléaire ?

OT : Non, absolument pas. Nous savons clairement que, pour la Finlande, nous avons les alternatives disponibles. Nous pourrions satisfaire nos besoins énergétiques à partir d’énergies renouvelables, d’autres énergies à faibles émissions de carbone et en gagnant en efficacité énergétique. Il n’est pas nécessaire pour nous de construire d’autres centrales nucléaires. Ce n’est pas à moi de dire si l’Allemagne ou la France devraient construire de nouvelles centrales nucléaires parce que je ne suis pas un expert sur les conditions nationales de ces pays. Mais je sais qu’il y a dans à peu près tous les pays des rapports expliquant comment satisfaire les besoins énergetiques sans le nucléaire. Si vous regardez au niveau européen, il y a des études qui suggèrent que nous n’utilisions que des énergies renouvelables pour nos besoins en énergie. On peut débattre pour savoir si l’énergie nucléaire est une bonne chose ou pas mais il y a clairement des alternatives et donc on n’a pas besoin de construire de nouvelles centrales si on pense que ce n’est pas propre.

B : De quelles énergies renouvelables parlez-vous ?

OT : Pour la Finlande, la biomasse issue des forêts est la plus importante mais pour toute l’Europe c’est plutôt l’éolien et différentes formes d’énergie solaire. C’est un large spectre de différentes technologies, différents combustibles et différentes options donc tout dépend aussi du pays. En Norvège, c’est clairement l’hydroélectrique qui doit être utilisé, au Danemark l’éolien est la part la plus importante d’énergies renouvelables qui peut l’être et en Finlande, comme je l’ai dit, c’est la biomasse des forêts. En Europe du Sud et en Afrique du Nord le solaire est plus adapté. Donc il y a des différences, des difficultés spécifiques à surmonter dans chaque zone géographique.

B : Et pour revenir au nucléaire, pensez-vous que le fait que la Finlande puisse stocker plus facilement ses déchets soit une raison pour développer le nucléaire ?

OT : Je suis opposé à la construction d’une nouvelle centrale nucléaire, je n’y vois aucune bonne raison. Mais je vois également que la Finlande a un des plans d’élimination des déchets nucléaires les plus avancés au monde. Et ça a été une raison invoquée par les politiques pour construire une nouvelle centrale dans le futur. Et ce n’est pas complètement faux. Nous avons un substrat rocheux plutôt stable. Si vous prenez par exemple l’Allemagne et que vous regardez la géologie, vous verrez que ce n’est même pas à peu près intéressant d’y déposer des déchets nucléaires pour plusieurs millénaires. Nous, nous aurons le même substrat rocheux pendant des millions d’années, l’activité sismique est très faible, de très faibles tremblements de terre. Je ne dirai pas que notre substrat rocheux convient mais en tout cas il est parmi les meilleurs pour se débarrasser des déchets nucléaires. Et ensuite, nous avons travaillé sur l’élimination des déchets nucléaires pendant environ 20 ans maintenant. Nous avons les plans parmi les plus avancés, fait des tests du site, qui arrive à pleine capacité. Donc nous avons fait beaucoup de progrès dans la connaissance de la fiabilité du site final d’élimination de ces déchets, plus que dans beaucoup d’autres pays. Mais je ne suis pas pour une nouvelle centrale nucléaire car nous avons déjà quatre réacteurs ce qui signifie que nous devrons de toute façon nous occuper de déchets nucléaires. Et je pense que notre plan d’élimination final des déchets nucléaires n’est pas le meilleur mais disons la moins pire des solutions disponibles.

B : Et accepteriez-vous nos déchets nucléaires français ? Nous ne savons pas quoi en faire, à part les envoyer en Allemagne...

OT : Non, vous pouvez les garder. Il y a deux façons de regarder les choses. La première, c’est pourquoi la Finlande s’occuperait des déchets nucléaires des autres pays ? C’est assez écoeurant quand nous en produisons nous-mêmes, et je ne vois aucune raison pour laquelle nous devrions accepter des déchets nucléaires étrangers. Mais par ailleurs, une fois de plus, si vous regardez la situation du point de vue européen et si ce que j’ai dit au sujet de nos très bonnes conditions de stockage des déchets nucléaires est vrai, alors ce serait en fait sensé de se débarrasser des déchets dans un lieu relativement sûr plutôt que dans des lieux moins sûrs tels que l’Allemagne ou la France. Donc je comprends les gens qui disent que la Finlande devrait effectivement accepter les déchets nucléaires étrangers mais je ne suis pas d’accord avec eux.

B : En France, on présente toujours la Finlande comme un des pays les plus actifs dans les domaines environnementaux. Etes-vous surpris ? Est-ce vrai ?

OT : La Finlande a une bonne réputation. C’est en partie vrai, selon certains faits, et c’est en partie faux. Par exemple, si vous prenez la part d’énergies renouvelables nous avons une des plus élevées dans le monde et nous sommes troisièmes égalité avec l’Autriche en Europe. Si vous prenez la part d’électricité et chaleur produites en cogénération, qui est un moyen efficace de produire de l’énergie, nous avons une des parts les plus élevées dans le monde. Si vous regardez l’efficacité énergétique des principales industries de transformation des métaux, de pâte à papier, elles sont là parmi les plus efficaces au monde. Il y a donc des domaines dans lesquels nous avons fait un assez bon travail. Mais il y en a d’autres dans lesquels nous avons des manques. Si vous regardez les émissions de gaz à effet de serre par personne en Finlande, elles sont parmi les plus élevées en Europe. Si vous prenez l’intensité des émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’économie, soit les émissions de gaz à effet de serre par point de PIB, c’est encore l’une des plus élevées d’Europe. Si vous prenez la part d’énergie éolienne, c’est marginal, parmi les plus faibles en Europe de l’Ouest. Donc oui et non, nous nous sommes plutôt bien comportés sur certains fronts, sur certaines problématiques, et moins sur d’autres. C’est un large éventail d’éléments. En moyenne, je pense qu’on se comporte plutôt bien par rapport à toute l’UE, les 27 pays, mais si vous nous comparez aux autres pays nordiques ou d’Europe du Nord comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, alors je pense qu’on est plus près de la moyenne que des meilleurs.

B : Et ne pensez-vous pas que le pays dispose de toutes les techniques suffisantes pour combattre le réchauffement climatique mais que c’est plutôt des habitudes de consommation qui devraient être changées ?

OT : Oui, c’est probablement un des problèmes mais c’est le problème est également que nous avons les technologies, nous avons l’expertise mais nous ne les utilisons pas. Une des raisons concrètes de ces habitudes de consommation est que nous avons une des énergies les moins chères d’Europe de l’Ouest parce que nous avons une industrie de l’énergie assez efficace et les industries peuvent donc proposer une énergie à des prix abordables, et les politiques ont pensé important d’avoir des prix bas, pour des raisons compréhensibles. Mais cela signifie également que si l’énergie n’est pas chère alors ça n’a plus vraiment de sens d’investir dans l’efficacité énergétique, dans des sources d’énergie alternatives qui sont habituellement moins chères que les combustibles fossiles traditionnels. Donc cela a aussi des inconvénients. Je pense que c’est une des raisons pour lesquelles la Finlande n’a pas fait autant que ce qu’elle aurait pu faire, autant que, disons, ce que la Suède a pu faire dans plusieurs domaines.

B : Quels sont les différents dossiers sur lesquels vous êtes en train de travailler ?

OT : Ce sont clairement les politiques énergétiques et climatiques et c’est essentiellement une grande problématique qui a de nombreuses sous-catégories, telles que les taxes. Le gouvernement a proposé une réforme pour des taxes vertes qui va augmenter les taxes sur l’électricité et les combustibles de 700 millions d’euros, ce qui est une très grosse somme d’argent pour un petit pays comme la Finlande. Et en même temps au Parlement nous sommes en train de débattre sur les énergies renouvelables. Ce sont des exemples des problématiques les plus importantes dans les précédents mois. Et il pourrait y avoir autre chose dans les prochains mois : nous avons parlé de la part des biocombustibles dans le secteur des transports. Cet été nous avons pris des décisions sur l’énergie nucléaire qui était un débat important. Il y a donc de nombreuses problématiques sous cet ensemble que sont les politiques énergétiques et climatiques.

B : Et dans quel secteur pensez-vous pouvoir faire le plus de progrès ?

OT : Je pense que l’efficacité énergétique est le plus important pour le futur pour un certain nombre de raisons. D’abord, elle a le plus gros potentiel de réduction des gaz à effet de serre à court et moyen terme. Et par ailleurs c’est le moyen le plus efficace par rapport au coût de réduire les émissions. Et troisièmement, nous avons fait beaucoup cette année sur les énergies renouvelables. Nous avons introduit les prix préférentiels garantis pour les énergies renouvelables, nous avons introduits d’autres primes pour encourager la consommation d’énergies renouvelables, nous avons introduit la réforme pour la Taxe Verte. Donc il y a beaucoup d’éléments qui vont nous aider à utiliser davantage d’énergies renouvelables dans le futur. Mais nous n’avons pas fait tant que ça en terme d’efficacité énergétique, donc je pense que c’est clairement le domaine sur lequel nous devrions nous concentrer dans le futur.

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A bientôt, Visez l’green, Ben

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