Vise le green |
Par Benjamin Cliquet |
21-11-2010
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L’énergie à Helsinki |
Helsingin Energia fournit trois énergies à la région de la capitale finlandaise : l’électricité, la chaleur et le froid. Je vais ici traiter, comme vous vous en doutez, de l’aspect environnemental de ces énergies et donc des solutions proposées en terme d’énergies plus propres et renouvelables. Les sources de cet article sont le site d’Helsingin Energia mais également une rencontre avec Martti Hyvönen, à la tête du département de l’environnement et enfin une visite d’une centrale dont je vous parlerai à la fin.
Quatre centrales d’"Helen", comme la compagnie se fait appeler, produisent de l’électricité et de la chaleur par un système de cogénération (CHP en anglais : Combined Heat and Power). Rappel pour les non initiés : la cogénération est le fait de récupérer la chaleur dégagée par la production d’électricité. Elles utilisent pour cela 4 ressources différentes :
Du gaz naturel russe (60% de la production). Les rendements du gaz naturel sont 1/2 d’électricité et 1/2 de chaleur. C’est 40% de moins d’émissions carbone que le charbon (mais en tout, à Helsinki, le gaz naturel pollue plus car est beaucoup plus utilisé). Mr Hyvönen était bien sûr optimiste quant aux ressources restantes de gaz naturel en Russie (ressource fossile). Il y en aurait pour 40 à 60 ans, sachant qu’on aurait retrouvé des nouvelles sources "sous forme de gravier" en Pologne, en Lituanie et aux Etats-Unis ;
Du charbon (la photo principale est la centrale à charbon d’Hanasaari), pour environ un tiers de la production et un rendement d’1/3 d’électricité pour 2/3 de chaleur. Ah, pas si vert que ça Helsinki, me direz-vous. Mr Hyvönen reconnait bien sûr que le charbon est un handicap pour le bilan carbone mais avance deux arguments pour se défendre : son efficacité accrue (ils tireraient 90% d’énergie du charbon contre 30% pour les centrales traditionnelles) ; son utilisation seulement en période de pointe, c’est-à-dire en hiver, durant tout de même 6 mois de l’année. Par ailleurs, un procédé existe pour désulfurer le charbon, soit pour améliorer la qualité de l’air. Cela enlève le souffre, les poussières et les métaux lourds. C’est rendu obligatoire par l’UE depuis les années 1980 déjà. Helen a d’ailleurs été récompensé en 1990 par les Nations Unies pour la qualité de l’air de la ville. Enfin, des procédés de décarbonisation du charbon sont actuellement expérimentés en Allemagne. Mais le véritable point positif est qu’Helen est en train de remplacer 40% du charbon par de la biomasse (bois) d’ici 2020. Le problème étant que le bois ne se trouve pas tout près. Ils ont essayé les granulés de bois (2001), les plaquettes forestières (2008) et le charbon de bois qui les intéresse beaucoup ainsi que le biogaz qu’ils pourraient mélanger au gaz naturel. Ils envisagent de construire une nouvelle grande centrale multi-combustible ;
Du nucléaire qu’ils ne produisent pas eux-mêmes mais achètent à un autre fournisseur finlandais. Je dois rencontrer prochainement des personnes compétentes sur ce sujet précis, j’en reparlerai donc probablement. Notons simplement que la structure du sol finlandais, de la roche, permet de stocker plus facilement les déchets nucléaires qu’en France ;
Du fuel pour seulement 3% de la production de chaleur, pour divers usages dont le démarrage des usines à charbon.
La fierté d’Helen est l’usine de Salmisaari qui utilise la "trigénération" pour produire, en plus de la chaleur et l’électricité, du froid, dans le même processus. Ce système peu commun serait également utilisé aux aéroports de Lyon, Munich et Madrid, entre autres.
Le froid, justement, provient lui de trois sources qui seraient à 60% renouvelables :
L’eau de mer, entre novembre et mai, quand celle-ci descend en-dessous des 8° ;
Un système d’absorption (voir le schéma ci-dessous) en été, quand la mer est trop chaude pour en prendre le froid ;
Les eaux usées (voir plus bas).
Chaleur et froid sont transportés par l’eau. De l’eau à 88° pour le chaud, ce qui ne suffit pas toujours car il faut 100° pour l’hiver. Donc cette eau est parfois réchauffée dans des centrales (de cogénération ou qui ne produisent que de la chaleur) quand il fait très froid.
Un tiers de l’énergie de refroidissement est utilisée en hiver (surtout pour les centres commerciaux, les ordinateurs...) ! Ce système a tout de même permis au magasin Stockmann présent en plein centre-ville de libérer deux étages, avant occupés pour refroidir le bâtiment.
KATRI VALA
Le 28 octobre dernier, sur l’invitation de Mr Hyvönen, j’étais allé visiter la centrale de récupération de la chaleur des eaux usées de Katri Vala. En voici un compte-rendu à travers quelques photos.
L’usine est un ancien abri de guerre.
En hiver, la chaleur est obtenue par les pompes à chaleur (PAC) de l’eau usée purifiée, qui est redirigée vers la mer par la centrale de traitement des eaux usées. Le froid nécessaire est obtenu directement de la mer grâce aux échangeurs de chaleur. En été, la chaleur est extraite de l’eau qui revient des pompes à refroidissement, auquel cas les PAC produisent à la froid du froid et du chaud.
Station de pompage (de l’eau). Les tuyaux vont chercher l’eau traitée en bas et remontent la chaleur. Les drapeaux sur chaque appareil indiquent la provenance de celui-ci.
Echangeurs de chaleurs : l’eau arrive (très corrosive dans les tuyaux, c’est pourquoi ceux-ci sont en aluminium) à 17°c dans des plaques en titanium, la chaleur part d’un côté et l’eau pure de l’autre, à 7°.
(Je m’excuse platement pour cette photo floue.) Ces tuyaux mènent à la ville et distribue froid et chaleur. 6% à 7% de la chaleur est perdue en route vers la ville dans les tuyaux (malgré l’isolation d’environ 10cm).
L’ensemble est totalement automatisé, aucune présence humaine n’est donc requise.
Une des 5 PAC.
Un réseau de chaleur pour un simple bâtiment de logements fait à peu près la taille d’une valise. Là, pour toute une ville, c’est un peu plus grand... Ce réseau a une puissance de 60Mw pour le froid, soit environ 15 galeries Lafayette, et 90Mw pour la chaleur qui représente le besoin en chaleur d’une ville de 40 000 habitants (mais cela ne représente que 3 à 4% des besoins d’Helsinki).
Ces installations consomment énormément d’énergie c’est pourquoi elles sont bien plus rentables à grande échelle : pour 1Kw consommé, 4Kw produits à l’échelle de la ville contre seulement 2Kw produits pour une PAC d’un seul bâtiment.
Félicitations pour être arrivés au bout du plus long article (sur un des sujets qui me passionnent le plus) que j’aie écrit sur ce blog.
A bientôt, Visez l’green, Ben
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