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12-10-2010
Mots clés
Marques, Marketing
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Chronique

Le vrai pouvoir de la pub

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Le vrai pouvoir de la pub
(Légende : Publicité du groupe Total en 2008, dénoncée par Greenpeace pour son double langage. Crédit photo : DR)
 
Dans « La communication transformative », Laurent Habib, patron du groupe Havas France, plaide pour plus « de cohérence et d'authenticité » dans la pub. Est-ce bien compatible avec la réalité d'un Total ou d'un L'Oréal, lui rétorque Alice Audouin ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Que dit Laurent Habib dans son livre La communication transformative ? Que la communication a un pouvoir réel. Qu’elle a « la puissance de transformer ». Il a raison. C’est vrai et c’est très important de le rappeler et le démontrer. Ce pouvoir est-il rattaché aux moyens ou à la finalité de la communication ? Pour l’auteur, seule la finalité compte. Pour lui, c’est stimuler la croissance et la consommation, oxygéner l’économie avec de nouveaux produits et de nouvelles ventes. La communication comme solution à la crise économique grâce à la relance de la consommation ? Oui, pour preuve : « La communication doit devenir le facteur de transformation le plus puissant de l’économie » (p.10) et pour cela il est nécessaire de « replacer la communication dans la création de valeur économique » (p.9) Les marques doivent être ainsi vite investies car « si les marques continuent à déserter des pans entiers de l’économie, que restera-t-il de la France ? » (p.109). Mauroy, ou la croissance par la consommation, brille encore. Le développement durable n’est donc pas passé par là.

Qu’y a-t-il donc de nouveau dans ce discours qui a toujours été celui des publicitaires : « Laissez nous faire, vous vendrez plus » ? Rien, si ce n’est que la demande de marge de manœuvre se fait sur un ton plus virulent. Pour l’auteur, la communication doit reprendre le pouvoir, dire stop aux dérives des annonceurs – suivre la demande des consommateurs à la trace, se focaliser sur des « plus produits » insignifiants, être dans la promesse creuse, faire des publi-rédactionnels… – et agir directement au cœur du dispositif : sur la marque.

Et si l’authenticité et la cohérence des marques étaient réelles ?

La marque est un capital qui nécessite un chef de bord compétent, parfaitement « externalisable » et des outils dédiés, comme le « Brand Program » de l’agence de l’auteur, qui permet de « prendre en compte l’ensemble des modes relationnels entre les marques et leurs cibles, dans leur capacité à susciter des systèmes d’engagement non seulement fonctionnels mais aussi symboliques. » (p.158) Symboliques, donc immatériels, donc reliés à des valeurs. Une fois le communicant au pouvoir, installé à bord du bateau « marque », sa mission est donc de lui donner de la puissance, c’est-à-dire faire monter son « capital de marque » fondé, selon l’auteur, sur trois piliers : « cohérence, singularité, authenticité ».

Et là, l’auteur ne va pas plus loin, ce qui est fort dommage, car justement, si l’authenticité et la cohérence sont les piliers de la marque, se pose la question de leur réalité. Si l’authenticité et la cohérence sont nécessaires, sur quoi ces valeurs sont-elles concrètement fondées ? A l’heure où l’image de L’Oréal prend pour la première fois des coups à cause d’éventuelles fraudes fiscales et de largesses de son actionnaire à des mondains, où pour la première fois une entreprise pétrolière, BP, chute en bourse suite à une marée noire générée par un manque d’exigence en matière de sécurité, où la Société Générale chute encore plus en cohérence en se remboursant de 1,7 milliard d’euros le jour où elle en demande 5 à Kerviel en première manche de procès, où le minier Vedanta se voit défiée par ses propres actionnaires suite à un rapport de développement durable jugé plus philanthrope sur le papier que dans les faits, la question de fond devient : peut-on vraiment construire le capital de marque défini par l’auteur – « cohérence, singularité, authenticité » – sur la réalité de l’entreprise ? La réponse est : Non, sauf pour les entreprises réellement avancées en termes de cohérence et d’authenticité. Nicole Notat rappelait que sur l’ensemble des 120 entreprises de l’indice boursier français SBF 120, cinq seulement ont une réelle stratégie de développement durable.

Le poids d’une campagne sur le changement climatique

Le vrai pouvoir de la communication est celui d’exiger que la réalité de l’entreprise corresponde le plus possible à l’image qu’elle veut donner. Et donc le vrai pouvoir de transformation de la communication est de conduire les entreprises à changer si elles veulent changer d’image. Cela devient d’autant plus nécessaire lorsque la communication porte sur l’engagement « vert » ou social de l’entreprise.

Mais ceci ne concerne que la finalité de la communication. On ne saurait omettre ce qui est tout aussi stratégique : les moyens. L’auteur ne les évoque pas, mais pourtant, leur pouvoir est réel. Dire qu’une campagne sur Internet « pèse » 200 tonnes de CO2, c’est dire quelle est sa contribution réelle au changement climatique, dire qu’un magazine luxueux n’utilise pas de papier certifié ou recyclé, c’est dire qu’il alimente concrètement la déforestation illégale, quand un message visant à l’abus du produit est mis en avant pour un produit polluant, ce sont des tonnes de polluants qui seront réellement mis en plus dans la nature.

Que font les agences de com ?

Ceci est le côté négatif, mais voyons le positif. C’est-à-dire la possibilité de transformer positivement les choses par les moyens. Le recours à des moyens et fournisseurs responsables, promouvant l’équitable, l’insertion, le social, la légèreté carbone, a immédiatement un impact vertueux. Et que dire des agences elles-mêmes, concernant leur politique sociale et environnementale ? Rappelons qu’il n’y a que quatre directeurs du développement durable (c’est-à-dire ayant une fonction 100% dédiée au développement durable) sur l’ensemble des agences de communication en France. En toute logique, avant les marques, il faut se situer au niveau des agences en tant qu’organisations, au niveau des messages et des moyens de communication. Comme le rappellent les sages Gandhi et Rabhi, le changement commence par soi-même. Comment les communicants peuvent-ils demander plus de pouvoir sur la société alors qu’ils ne maîtrisent pas encore le leur ?

Dans cet essai se présentant comme une chevauchée contre « les idées vaines », difficile de ne pas relever au début du livre une dénonciation virulente de la publicité non signalée dans les supports rédactionnels – « on n’annonce plus la couleur » (p.73) – pour arriver plus loin dans cet essai publié par une référence universitaire à un chapitre dédié, y compris son titre, au « Brand Program », produit et marque déposée de l’agence de l’auteur. Difficile aussi de ne pas remarquer les assauts incessants de l’auteur contre Total quand lui-même s’occupe d’Areva. L’auteur n’aurait-il pas de « brand manager » ?

Laurent Habib, La communication transformative (PUF, 2010)

- Retrouvez les chroniques d’Alice Audouin sur le développement durable sur son blog Alice in Warmingland

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Responsable développement durable en entreprise, auteure du roman "Ecolocash" (Anabet) en cours d’adaptation au cinéma, de "La Communication Responsable" (Eyrolles) et présidente de l’association COAL, la Coalition art et développement durable, qui organise le Prix COAL Art & Environnement.

10 commentaires
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  • Ce n’est pas nécessairement aujourd’hui que la pube d’aujourd’hui influence. Ce pourrait être demain.

    http://ysengrimus.wordpress.com/201...

    Fluctuation torve et délétère qu’elle est…
    Paul Laurendeau

    15.12 à 17h35 - Répondre - Alerter
  • D’accord avec l’auteur, la forme atteint ses limites, il faut du fond.

    Bravo à l’agence, pour son ouverture et sa tolérance face aux discours qui la challenge.

    15.10 à 11h14 - Répondre - Alerter
  • La société de consommation se base sur trois piliers qui lui sont indispensables :
    - la publicité pour "créer un besoin",
    - le crédit pour permettre son achat
    - l’obsolescence programmée des produits pour entretenir la production.
    La publicité n’a sa place que dans une société de consommateurs ou le système fragile, pour tenir, ne doit surtout pas arrêter cette machine de propagande.
    Le budget annuel mondial de la pub s’élève à 500 milliards de dollars. Rien que ça !
    Combien de pays pourrions nous sortir de la misère avec cet argent ?

    Alors faire de la pub éthique, soutenable ou durable n’est encore qu’un stratagème de plus (comme le développement durable) pour sauver la machine productiviste qui ne fonctionne que sur l’assujettissement des individus qu’elle qualifie n’ont plus de citoyens, d’usagers mais de CONSOMMATEURS !
    Alors réveillons-nous, éteignons les télé et ouvrons les yeux !!!

    14.10 à 14h40 - Répondre - Alerter
  • Bonjour chère co2nsoeur Alice,

    vous ne co2naissez pas non plus enco2re visiblement la CO2COM qui pourtant résoudrait une partie de vos problèmes et interrogations actuelles de CO2MMUNICANT en devenir... la CO2COM, ce sont des chiffres, des faits, une nouvelle forme de réalité... à suivre... transparence, traçabilité, empreinte/impact CO2 réel sur l’environnement = CO2NFIANCE.
    "La vérité ne se définit pas comme étant l’opinion de la majorité : la vérité est ce qui découle de l’observation des faits". Maurice Allais, X31, notre seul prix Nobel d’économie français décédé le weekend dernier à 99 ans, paix à son âme juste. Bien co2rdialement Olivier TROTTA, l’inventeur de la CO2COM ou la méthode CO2UÉ de la communication CO2 (performances, efficacité énergétique, ...).
    "Toute idée nouvelle est d’abord niée, puis débattue avec force, et enfin acceptée comme si elle avait toujours été considérée comme vraie."

    13.10 à 16h54 - Répondre - Alerter
  • Procès Kerviel BNP vraiment ?

    13.10 à 15h03 - Répondre - Alerter
  • pauletta_ : Bravo

    Pour cet article très intéressant, qui pose les bonnes questions sans à prioris et sans diaboliser

    13.10 à 13h05 - Répondre - Alerter
  • Article percutant et convaincant.
    Merci

    13.10 à 12h29 - Répondre - Alerter
  • Alice voulait sans doute parler de la Société Générale et non de la BNP à propos de Kerviel. Il faut toujours se relire et se faire relire avant de publier. Cela ne retire rien à la qualité de la réflexion d’Alice sur un sujet qu’elle connait bien. Travailler chez Havas et critiquer la pensée d’un des dirigeants de ce groupe est courageux.

    13.10 à 11h41 - Répondre - Alerter
    • Julien Kostrèche : Evidemment

      Erreur rectifiée. Merci de votre vigilance !

      Julien Kostrèche, rédacteur en chef de terraeco.net

      13.10 à 14h14 - Répondre - Alerter
  • Celinette : Erreur

    Ce n’est pas la BNP mais la Société Générale qui a demandé 5 milliards à Kerviel...

    13.10 à 10h42 - Répondre - Alerter
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