Manger du raisin, rien que du raisin, pendant une, deux ou trois semaines. Un truc de fou ? A priori oui, mais à y regarder de plus près, la « monodiète uvale » est connue depuis des siècles et n’a jamais tué personne. Très en vogue au début du XXe siècle, la cure de raisin est tombée en désuétude et reste cantonnée aux milieux écolos et naturopathes. Elle provoque pourtant de stupéfiants changements : la forme revient, les kilos superflus font pschitt et l’appareil digestif se remet d’aplomb. Bref, sur le papier, c’est un pur délice.
La veille du démarrage, j’ai fait comme on m’a dit : j’ai jeûné vingt-quatre heures durant, mais j’ai lâchement esquivé l’étape du lavement avec la petite poire, pourtant si seyante. Dommage, en nettoyant tous les conduits, on prépare au mieux l’organisme à se prendre son shoot de pépins en pleine pomme. Prévoir aussi une petite préparation psychologique parce qu’il faut affronter les goguenards, le fumet de l’épaule d’agneau confite de la voisine et refuser un bon paquet d’apéros. Au boulot, on a dû me servir 27 fois la blague : « Une cure de raisin ? Tu en fais une toute l’année, toi, non ? » Mouarf ! Sachez que le raisin fermenté est interdit durant la cure, ainsi que tout alcool, car le jeûne, d’une manière générale, décuple ses effets.
Un angelot vert me parle
En matière d’effets justement, la cure n’a rien à envier à une bonne gueule de bois. Comme en attestent les migraines assez violentes qui surgissent dès les premières heures. « C’est rien, tes toxines s’évacuent… », m’a-t-on rassurée. Par le cerveau ? D’autres toxines se sont tirées via ma langue, devenue très rapidement pâteuse, blanche et, comment dire, malodorante. La cure n’est pas glamour, il faut l’avouer. Je précise aussi qu’au deuxième jour, ma bouche a été envahie par une farandole d’aphtes, ma vue s’est troublée pendant quelques heures et la fatigue s’est installée. Je maudis celui qui m’avait promis qu’on pouvait « bosser pendant la cure ». J’ai voulu quitter l’aventure, mais un angelot vert m’a susurré : « Tu n’en as pas chié des pépins de raisin pour arrêter en si bon chemin. » Seul signe encourageant : d’ordinaire boudinée dans mon jean, je flotte désormais dedans, je me sens légère et « nettoyée ».
Yaourt nature et chèvre frais
Mais au fait, elle consiste en quoi cette cure ? On doit picorer 2 à 3 kg de raisin par jour. A volonté, donc à satiété. En ce qui me concerne, 1,5 kg a fait l’affaire. Et tant mieux parce que le kilo de chasselas bio flirte avec les 5 euros. Cette variété est fortement conseillée étant entendu que sa peau est fine et qu’elle va constituer le seul truc à mâcher de la semaine. Au quatrième jour, je n’ai toujours pas vécu l’extase attendue, mais il faut reconnaître que la pêche est là. Une sorte d’énergie vitale se déploie. Par contre, on ne peut plus voir le raisin en grappes, on rêve d’un yaourt nature, d’un petit chèvre frais… On peut continuer ainsi dix ou quinze jours. Pour sortir de la cure, attention, il faut reprendre tout doucement une alimentation normale. Conseil d’amie : il vaut mieux vivre la cure à plusieurs, dans un cadre reposant, hors de l’agitation urbaine et des sollicitations sociales. —
UNE GRAPPE D’INFOS
Le petit guide de la cure de raisin (Terre vivante, 2009) est un ouvrage réalisé à l’issue d’une enquête auprès de 500 curistes. « Acides organiques, tanins, anthocyanes, flavones et autres détiennent probablement la clé des exceptionnelles vertus du raisin. Mais on sait très peu de choses des effets de chacun d’eux sur l’organisme. »
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