publicité
haut
Accueil du site > Actu > Mobilités > Comment débrider la société ?
Article Abonné
22-09-2010
Mots clés
Automobile
Monde

Comment débrider la société ?

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Comment débrider la société ?
(Logo : Enodenis)
 
Il va falloir un certain nombre d’électrochocs avant que des milliers de voitures électriques n’envahissent nos routes. Des déclics technologiques, mais aussi – et surtout – culturels.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

Cette fois, c’est parti. Les constructeurs se sont donné le mot et se préparent à livrer une incroyable bataille pour capturer le marché de la voiture électrique. Pour l’Etat français, pas de problème, ça va marcher. Il table sur 2 millions de véhicules en 2020, pour un parc de 33 millions de voitures l’an dernier. Chez les producteurs, on aime aussi la méthode Coué. « On mise sur 10 % des ventes de voitures en 2020 », avance Thierry Koskas, de Renault. « Ce sera très difficile, nuance Patrick Coroller, de l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. A moins qu’on trouve une électrode miracle pour les batteries ou que le prix du baril de pétrole explose. » L’économiste suédois Staffan Hultén, spécialiste des verrous technologiques, est lui aussi très sceptique : « Ce que je prévois ? Dans cinq ans, les constructeurs nous diront que la voiture électrique représentera 10 % du marché en 2025. Ils avaient déjà dit la même chose en 1995. » Il y a du pain sur la planche. En 2009, il s’est vendu 14 voitures électriques en France et l’Espagne a immatriculé 16 véhicules électriques sur les sept premiers mois de l’année… Alors que faire ? Quels sont les nœuds et comment les dénouer ?

Un électrochoc dans l’industrie

Les constructeurs ont besoin d’un électrochoc. « Quand j’ai demandé à Claude Satinet, l’ancien patron de Citroën, les raisons de l’échec de la voiture électrique dans les années 1990, raconte le sociologue Michel Freyssenet, il m’a répondu : “Nous avons fait l’erreur de simplement électrifier une voiture”. » Le sociologue souligne que seul un changement radical dans la conception des voitures permettra la compétitivité. « Prenez les recherches de Michelin, par exemple : en remplaçant le moteur central par un moteur logé dans chaque roue, ils dégagent un espace important et augmentent le volume habitable. » Autrement dit, les voitures pourraient devenir plus confortables, tout en étant plus petites, moins chères et moins encombrantes dans l’espace public. Mais cette révolution culturelle sera difficile. « Les constructeurs sont d’abord des motoristes, explique Patrick Coroller. Or, la voiture électrique leur impose de devenir des ensembliers qui intègrent les batteries, les moteurs, etc. Il est probable qu’ils se mettront à la conception de ces systèmes pour garder la maîtrise complète de leur activité. »

Des solutions aux verrous technologiques

L’obstacle numéro 1 restera longtemps l’autonomie des véhicules et leur mode de recharge. La firme israélo-américaine Better Place a repris à son compte une idée déjà évoquée dans les années 1960 : construire des stations où l’on échange ses batteries en quelques minutes. De quoi partir en vacances sans problème. Renault, son principal partenaire, vante souvent le système, enfin presque. « Cela convient à des pays peu étendus, comme Israël ou le Danemark, prévient Thierry Koskas. Mais en France, la recharge se fera par des prises électriques. Nous visons plutôt un marché de clients multimotorisés, ou qui n’ont pas besoin de voiture pour leurs vacances. » Chez Total, on est sur la même ligne. « On ne peut pas imaginer de reproduire le modèle de la station-service, explique Jean-François Minster, son directeur scientifique. En revanche, un ensemble de bornes pour redonner un coup de pouce à l’autonomie est concevable dans nos stations. » Principale raison invoquée : le coût des systèmes d’échange (plus de 300 000 euros par station) et la nécessité de stocker d’innombrables modèles de batteries. Leur technologie n’est pas assez mature pour envisager encore une normalisation. Chez Renault, Thierry Koskas ne dit pas autrement : « La forme des batteries est adaptée à chaque voiture. » En revanche, des stations d’échanges judicieusement placées – gares, aéroports, par exemple – pourraient doper le taxi électrique, les flottes en location ou celles d’entreprises comme La Poste. Les accros aux longs trajets devront se rattraper sur la voiture hybride rechargeable, si elle parvient à percer. « La première Porsche, en 1900, était une hybride », rappelle l’historien néerlandais Gijs Mom.

Un basculement des mentalités

S’il faut une révolution culturelle chez les constructeurs, c’est aussi le cas côté public. « C’est notre mentalité qu’il faut révolutionner », précise Patrick Coroller. Il y aura bien des early adopters, avides de toutes les nouveautés. « C’est une nouvelle aventure technologique pour les amateurs d’appareils électroniques sexy et de gadgets, confirme Gijs Mom. Les constructeurs pourraient s’inspirer des stratégies commerciales des fabricants de téléphones, mais je ne les crois pas capables de faire ça. » Alors, il faudra matraquer le chaland pour le faire basculer. Et convaincre les amateurs de sensations fortes. Pour ceux-là, le constructeur de voitures de rêve Lotus a trouvé une astuce. Son hybride rechargeable Evora 414E sera doté d’un système audio reproduisant le bruit d’un bon vieux V12 et d’un simulateur de changement de vitesses. Le cheval de Troie que tout le monde attendait ?

L’éclosion de nouveaux services

Dans nos sociétés modernes, le service est une clé qui ouvre beaucoup de portes. Pour abaisser le ticket d’entrée de sa Zoé, Renault espère la vendre au prix d’une Clio diesel, avec des batteries en location. « On peut aussi imaginer de prêter des voitures à essence ou diesel aux gens qui partent en vacances », selon l’historien Patrick Fridenson. Pour beaucoup d’acteurs, le projet d’auto-partage parisien va dans la bonne direction, puisqu’il permettra de découvrir la voiture électrique. « On peut se demander si les constructeurs ne deviendront pas les équipementiers de la mobilité, à l’instar des fabricants de téléphones portables, s’interroge Patrick Coroller. Cela intéresse des entreprises comme Google ou Microsoft. » C’est au même type de concept que réfléchit la société française Transway. « Nous travaillons avec les réseaux sociaux sur Internet, explique Nicolas Tronchon, son directeur associé (1). L’objectif est de valoriser les modes de transport doux – la marche, le vélo, les transports en commun, l’auto-partage. La voiture électrique, bien qu’elle soit juste un palliatif à notre addiction automobile, s’insère dans ce schéma. »

L’action des collectivités

Sans le soutien des pouvoirs publics, point de salut. En France, par exemple, l’Etat a prévu de verser jusqu’en 2012 une aide de 5 000 euros par véhicule électrique. Chez Peugeot, « on espère que cela durera au moins cinq ans, le temps que les autos deviennent rentables et compétitives ». Les villes ont aussi un rôle à jouer. Pour installer des prises sur la voie publique, par exemple, ou offrir le parking aux voitures propres. « Ces voitures supprimeront de la pollution locale et du bruit, on peut imaginer les villes cofinancer cette création de valeur environnementale », estime Patrick Fridenson. C’est d’ailleurs la démarche que prône Transway. « Nous espérons récompenser ceux qui adoptent une mobilité durable, avec une contribution des villes. Cela les aidera à optimiser les modes de transport qu’elles ont financés », précise Nicolas Tronchon. Et bien évidemment, un durcissement des normes sur le bruit et la pollution, donnerait un sacré coup de main.

La Chine aux aguets

Difficile de passer sous silence le rôle que jouera la Chine, qui vient d’annoncer 12,5 milliards d’euros pour accélérer le développement de la voiture électrique. « Les Chinois se sont posé la question, explique Michel Freyssenet. Fait-on un détour par le moteur à explosion ou passe-t-on directement à l’électrique et à l’hybride ? » Ce choix est crucial, tant les besoins en pétrole de la Chine s’envolent. Il s’agit aussi d’une formidable motivation pour conquérir le monde. Le fameux « péril jaune » serait-il le sésame pour que les villes retrouvent un air pur ? —

(1) www.transportdoux.fr

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas