Chère Nathalie,
Sans te connaître et sans préjuger de ta bonne foi, il semblerait que nous n’ayons pas la même lecture du sondage réalisé par Terra eco et OpinionWay ? Je peux tout à fait comprendre ce décalage : tu raisonnes en valeur relative (chiffres à l’appui) sur un mouvement politique, pensant peut-être que l’excitation électorale écolo des deux derniers scrutins laisserait place à la dépression collective, à la guerre des chefs, aux contradictions intellectuelles.
Après tout, il est d’usage de décrire la sphère écolo comme un électorat volatile, un militantisme indiscipliné, une confusion idéologique… bref, une nébuleuse propice à de grandes migrations d’un parti à un autre que chacun tente de séduire. Ne peux-tu pas envisager l’histoire débutante du rassemblement écolo comme l’ancrage d’une sérénité politique où l’intensité des débats ouvre les champs du possible, où les adhérents ne sont pas des colleurs d’affiches au service de leurs leaders mais des acteurs du changement au service de l’intérêt général ? C’est en ce sens que 70% des adhérents d’Europe Ecologie-Les Verts estiment que le rassemblement écolo est une alternative politique crédible, respectueuse des valeurs et optant pour un nouveau langage adapté aux défis de demain. Du côté des électeurs, la majorité d’entre eux identifie l’écologie politique à part entière tout en restant attachée à des idéaux égalitaristes et humanistes, traditionnellement ancrés à gauche. A peine 13% ne se situent ni à gauche ni à droite.
Comme tu le sais, les premiers écolos en pointe sur la préservation des espèces et des ressources, ou sur les conséquences du productivisme industriel et agricole ne sont pas nés avec les élections européennes mais au XVIIe siècle. Comme tu le sais également, les préoccupations écologistes ont gagné du terrain dans un contexte de crise environnementale, économique et sociale. Elles sont aujourd’hui au cœur du débat politique et constituent l’un des mouvements de société les plus marquants comme en témoignent la création du premier Ministère de l’environnement en 1971, le Sommet de la Terre de Rio en 1992 ou le Sommet de Copenhague l’an passé. Réchauffement climatique, couche d’ozone, perte considérable de la biodiversité, pesticides… sont autant de notions que les citoyens se sont appropriées en les confrontant à leurs réalités : explosion du nombre de cancers, tempêtes à répétition, déforestation massive, précarité énergétique, déplacés climatiques, guerre pour l’accès à l’eau potable, OGM…
Mais un problème demeure pour ces mêmes citoyens. Alors que Jacques Chirac proclamait « la maison brûle et pourtant nous regardons ailleurs », ils ne comprennent pas pourquoi les gouvernements successifs ne répondent pas à l’urgence, à leurs attentes quotidiennes : emplois non délocalisables, habitat décent, respect des droits des personnes, choix de leur alimentation, santé environnementale… Non, les citoyens continuent à chauffer le ciel dans des logements mal isolés, à acheter des tomates produites au Sud de l’Espagne par des immigrés d’infortune, à constater la disparition de la forêt amazonienne au profit de la production intensive d’agro-carburants.
Arrêtons les frais : en juillet dernier 505 000 personnes ont été inscrites à pôle emploi et 391 000 autres se sont faites virer sans avoir retrouvé un travail. Ainsi, prêt de 900 000 actifs ont mangé la poussière pour le seul mois de juillet ! Tu vois, les citoyens ne sont pas complètement dénués de bons sens. N’attendant pas plus le déluge que la révolution, ils ne sont pour autant pas dupes d’une politique gouvernementale qui les met dos à dos, d’un Etat qui fait de la croissance verte pour faire diversion. C’est pourquoi Nathalie, il ne t’a pas échappé que les électeurs d’Europe Ecologie mettent au rang de leurs priorités « la transformation écologique de l’économie ». Une transformation à taille humaine, soucieuse de l’environnement et sans hypothèque sur les générations à venir.
Cette histoire est en train de s’écrire. Cette histoire qui associe les routards de l’écologie, les acteurs d’une nouvelle émancipation des femmes, de l’égalité sociale et de l’éthique fiscale. Tu vois là une pétaudière ? J’y vois l’un de nos plus beaux atouts. Nous sommes dans un processus constituant, rien n’est joué d’avance. Mais à ce jour, la concurrence des idées et la somme des contributions permettent à chacun de sortir de sa coquille, de bâtir un socle commun de valeurs et de règles de fonctionnement.
Quelle que soit la composition de la future direction nationale, elle sera la passerelle entre les engagements pluriels de l’écologie et des orientations communes. Tu vois Nathalie, à la haute qualité environnementale si chère aux écolos, Europe Ecologie-Les Verts y ajoutent la haute qualité démocratique.
Au plaisir, Marie
A lire aussi :
L’interview de Nathalie Kosciusko-Morizet
Le grand dossier : Un écolo président ?
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions