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30-10-2008

Une science de secours

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La géoingénierie divise la communauté scientifique. Mais les recherches se poursuivent à travers le monde, au cas où la machine climatique s’emballerait.
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L’humanité doit-elle se payer une assurance contre les effets du réchauffement ? L’idée de manipuler directement le climat fait son chemin. Car la géoingénierie pourrait s’avérer nécessaire en cas d’emballement de la machine climatique. Signe des temps, en avril, l’assemblée annuelle de l’Union européenne de géosciences (EGU) – qui a rassemblé plus de 8 000 chercheurs à Vienne (Autriche) – a pour la première fois consacré une session à ce sujet. Et en novembre, Philosophical Transactions, une très sérieuse revue de la Royal Society britannique, a consacré un numéro entier aux manipulations du climat.

La crainte des charlatans

Le climatologue français Jean Jouzel n’est pas vraiment enthousiaste. Patron de l’Institut Pierre-Simon Laplace, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et colauréat du Nobel de la paix 2007, il affiche ses réticences. « Je suis sceptique vis-à-vis d’une idée qui consisterait à corriger cent ans d’erreurs d’un coup de baguette magique. » Pour Jean Jouzel, « le climat est quelque chose de fragile, on ne le manipule pas sans risques ». Quand on évoque l’idée de placer des miroirs en orbite, il préfère évoquer les énergies renouvelables, et notamment l’idée de son collègue James Anderson, de Harvard, qui « estime qu’on pourrait, en quelques années, produire toute l’électricité américaine avec du soleil ».

Jean Jouzel ne refuse pas pour autant l’idée de recherches sur l’ingénierie du climat. « Pourquoi pas au Giec ? Quand on m’a parlé la première fois de permis de polluer, j’ai été outré comme beaucoup de gens. Et puis, je me suis rendu compte que le système est efficace. Mieux vaut que ce soit la communauté scientifique qui s’intéresse à la géoingénierie, sinon, ce seront les charlatans. » Une allusion à peine voilée aux nombreuses start-ups qui, par exemple, prétendent pomper le gaz carbonique de l’air en nourrissant le plancton océanique de limaille de fer.

Une solution « temporaire » La méthode choisie sera d’autant plus acceptable qu’elle ne perturbera pas le fragile équilibre de la planète. Pour Jean Jouzel, par exemple, rien n’empêche de pomper directement le carbone de l’air, à l’instar des arbres artificiels ou de la séquestration du gaz carbonique des centrales à charbon. « Là, on ne manipule pas le climat. Si quelqu’un trouve le moyen de minéraliser le CO2 en utilisant de l’énergie solaire, pourquoi s’en priver ? Moi, l’idée d’entasser des cailloux de carbone dans le désert ne me pose pas de problème. »

On peut craindre malgré tout la trop grande confiance que les politiciens pourraient placer dans la manipulation du climat, plus facile à faire passer et moins onéreuse sans doute qu’un bouleversement de nos modes de vie. Comme si l’existence d’une « police d’assurance » conduisait à des comportements à risque. David Keith, de l’université de Calgary (Canada) balaie l’argument d’un revers de main : « Ce n’est pas parce qu’on installe des extincteurs dans les maisons qu’elles brûlent plus souvent. » Son collègue Ken Caldeira, de l’université de Stanford (Etats-Unis) reconnaît qu’une réduction du flux d’énergie solaire, en ajoutant par exemple des poussières en altitude, pourrait ralentir le réchauffement.

« Mais ce n’est que temporaire. La seule solution viable reste la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. » David Keith partage cet avis. « On ne s’en passera pas. Mais compte tenu de l’inertie des politiques, et de celle du système climatique, nous aurons peut-être besoin d’une méthode plus rapide pour éviter les conséquences d’un réchauffement majeur. C’est pour cela qu’il faut investir dans la recherche. » Le Canadien, qui travaille sur l’idée d’aérosols pour atténuer le flux solaire, insiste sur leur effet immédiat. « Les volcans ont prouvé que la température baisse très vite quand des poussières sont émises dans la stratosphère. Mais il faudra beaucoup de recherches pour en minimiser les effets secondaires. »

Une voix peu audible Une manière de renvoyer dans leurs buts ceux qui, comme l’Australien Ian Jones, considèrent qu’ils ont en main une méthode « applicable immédiatement  ». Ian Jones, qui espère fertiliser le plancton avec de l’urée pour pomper le carbone, souligne très opportunément que sa méthode doperait, par ricochet, les stocks de pêche et combattrait la faim dans le monde. Mais sa voix reste peu audible, quand de nombreux scientifiques, à l’instar de Jean Jouzel, Ken Caldeira ou David Keith, considèrent l’ingénierie du climat comme un dernier recours.

En témoigne le vote informel qui a suivi le débat de l’EGU à Vienne. La majorité des centaines de scientifiques présents ont demandé que les recherches se poursuivent. Une seule personne a demandé la mise en oeuvre immédiate de projets. Voix de l’aveuglement ou de la raison ? —


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