Fanny est une femme forte, déterminée, généreuse et humaine. Voilà une quinzaine d’années, c’est l’amour qui l’a arrachée à la ville et amenée à vivre de la coca dans une ferme du Caqueta en Colombie. L’amour est parti, la ferme est restée, Fanny aussi. Les équipes de travailleurs journaliers se sont succédées et elle y a rencontré Rusbel de 25 ans son cadet. Un homme d’une noblesse et d’une fidélité rares. Le couple a très vite été respecté dans ce bout de forêt où survivent quelques dizaines de familles de cultivateurs. Avec le temps, Fanny est une peu devenue leur porte-parole. Une leader que tous écoutent.
Selon elle, il n’y a pas d’obstacle particulier aux cultures de substitution à la coca. Le problème est ailleurs. "Cultiver autre chose d’accord, s’exclame-t-elle, mais qu’on nous subventionne le transport fluvial, l’achat de nos récoltes, qu’on construise des routes !". "Ces programmes officiels de substitution sont de la poudre aux yeux pour soutirer de l’argent à l’étranger".
"Nous ne sommes rien"
Ce matin là, Fanny prend la pirogue pour aller vendre le fruit de la dernière récolte au marché de la merca de Remolino. Au total, près de 6 kilos de pâte base de cocaïne. Elle rêve d’acheter un frigo à gaz pour que Rusbel puisse boire une bière fraîche de temps à autres. Un luxe en pleine forêt vierge. Mais après avoir vendu sa merca à 90 centimes le gramme en échange d’un gros paquet de billets, payé ses raspachines, le ravitaillement pour deux à trois mois, les outils de rechange et soldé quelques dettes, il lui reste à peine de quoi acheter un walkman pour son petit-fils adolescent dont elle a la charge depuis sa naissance.
Noël approche. Fanny ne sait pas encore que Remolino va être bombardé dans quelques minutes et que les hélicoptères d’artillerie - des Blackhawk américains - vont survoler et prendre sa ferme pour cible dans quelques jours. Sous les bombes, à Andres son petit-fils, elle lâche cette sincère confession : "N’écoutes jamais celui qui possède plus que toi. Il ne te dira que des mensonges. Nous ne sommes rien, Andres. Nous n’existons pour personne"...
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