Enfants + Ecologie = joli défi |
Par Famille_toulousaine |
17-07-2013
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Pourquoi j’ai décidé de continuer à manger de la viande |
Pourquoi j’ai décidé de continuer à manger de la viande
Je vais tenter ici de synthétiser ces trois derniers mois de réflexion sur la question de ma consommation de viande.
Ce besoin d’y réfléchir sérieusement a émergé suite aux réactions de certains forumers à mon article
Je me suis appuyée sur trois ouvrages pour m’aider dans ma réflexion :
[1] Confessions d’une mangeuse de viande, de Marcela Iacub 2011, Editions Fayard
[2] Apologie du carnivore, de Dominique Lestel, 2011, Editions Fayard
[3] Faut-il manger les animaux ?, de Jonathan Safran Foer, 2009, Editions de l’Olivier
Voici mes conclusions personnelles
Je suppose qu’il n’est a priori pas indispensable de manger de la viande : on n’est pas en situation de lutte pour notre survie ; avec une alimentation riche on peut subvenir à tous les besoins de notre corps comme les millions de végétarien dans le monde ; je suis en France et j’ai accès à toute l’information et à quasi tous les produits dont j’ai besoin pour mener à bien une alimentation végétarienne. Bon un bémol tout de même : l’EFS (Etablissement français du sang, ndlr) a refusé par deux fois de prélever mon sang, mon taux d’hémoglobine étant trop bas…à suivre…
Je suis aussi convaincue que manger de la viande est contraire à mon intuition. Je rejoins donc sur ce point Marcela Iacub [1, p.143]. Je ne prendrai évidemment jamais plaisir à tuer un être vivant (même tuer une fourmi me déplaît ; quand je coupe une rose de mon jardin je la remercie d’exister et d’être si belle avant de la couper).
Pour autant, est-ce que manger de la viande est un acte immoral dont je devrais avoir honte ? Est-ce un acte que je devrais abolir ? Ma conviction personnelle, après ces mois de réflexion, est que non. Non je n’ai pas honte de manger de la viande, oui je décide de continuer à en manger. Mais je ne me voile pas pour autant pas la face, j’assume en toute connaissance de cause un certain nombre de points importants :
Oui, manger c’est tuer un être vivant. Et c’est bien moi, moi qui mange cet être vivant, qui est responsable de sa mort, même indirectement. En assumant cela, je fais le deuil d’une certaine innocence, je « partage le fardeau de l’animalité avec les autres animaux » car « Il n’y a pas de déjeuner gratuit » (Dominique Lestel - [2, p.66 et p.67])
Oui, manger de la viande c’est tuer un animal et c’est « pire » moralement que tuer un légume. Aucun raisonnement philosophique ne pourra me faire accepter que tuer un légume pour le manger est équivalent à tuer un être vivant fait de chair et de sang comme moi. Oui il y a bien une échelle du vivant, même si le philosophe démontre habilement les limites d’un tel raisonnement (Dominique Lestel - [2, p. 52])
Oui, manger un animal c’est un peu tuer un de ses cousins éloignés, dans les yeux duquel je vois un peu de ma propre humanité. (Marcela Iacub - [1, p.80]) étend je trouve d’une belle manière la notion d’humanité : l’humanité, c’est bien sûr « un corps semblable aux représentants de notre espèce ; c’est aussi ceux qui ont des ressemblances cognitives ; mais c’est aussi ceux avec lesquels nous entretenons des relations signifiantes réciproques et stables ». J’assume donc ici de tuer un être vivant dans lequel il y a un peu de moi-même.
Un des gros manques de cette attitude de carnivore éthique, dans laquelle ne croit pas Jonathan Safran Foer, réside tout d’abord dans ce que sont devenus nos animaux aujourd’hui, à force de croisement et d’optimisation. On a créé des espèces monstrueuses, tels ces poulets élevés pour leur viande qui ont des cuisses tellement énormes qu’ils ne peuvent tenir debout, ou ces poules dont le patrimoine génétique est tellement fragilisé qu’elles ne supportent pas le moindre courant d’air. Tout ceci est fort bien expliqué dans [3], et ce que je souhaite faire c’est tout simplement commencer par poser des questions aux éleveurs. Je fais à ce sujet le pendant avec ce que l’arboriculteur de mon Amap nous avait expliqué : pour pouvoir cultiver certains fruits en bio, il faut sélectionner d’anciennes variétés, les espèces actuelles étant fragilisées du fait de leur dépendance aux produits chimiques. Je fais donc l’hypothèse que ce point doit pouvoir se solutionner pour les animaux.
Le terrible point noir qui me semble beaucoup plus dur à lever est l’abattoir, le lieu dans lequel je délègue la mise à mort de l’animal. Car même si mon poulet a un patrimoine génétique ancien, et a grandi relativement heureux une bonne partie de sa vie, il finira peut-être dans le même abattoir que le pauvre poulet de batterie. Jonathan Safran Foer [3, p.303 et 331 à 336 notamment] ne nous cache rien de ce qui se passe dans les abattoirs. En France, les consommateurs sont totalement ignorants du lieu et des conditions d’abattage quand ils achètent leur viande. J’ai donc décidé :
De réduire considérablement ma consommation de viande (cf notes (1) à (3)), car je fais l’hypothèse que plus on mange de viande, plus, dans les abattoirs, il sera difficile d‘obtenir un traitement digne des animaux mais aussi des hommes et femmes qui y travaillent (voir à ce sujet le documentaire « Entrée du personnel » de Manuela Fresil). La minimisation de l’impact écologique est bien sûr là pour renforcer cette décision.
De me renseigner sur les conditions d’abattage auprès des professionnels à qui j’achète ma viande
D’apporter mon soutien financier voir militant à une association / ONG qu’il me reste à choisir, qui milite pour un traitement digne des animaux. Par exemple, militer pour que la distance lieu d’élevage / lieu d’abatage ne dépasse pas un certain seuil (cf le reportage « La route du Cochon » diffusé sur France 3, où l’auteur montre le dumping social dans les abattoirs allemands qui conduit à la fermeture d’abattoirs en France, et de 2/3 des abattoirs au Danemark !)
(1) Je voudrais faire un petit aparté sur la réduction de la consommation de viande. Elle nécessite une adaptation assez profonde de nos habitudes. Il nous faut en 1er lieu modifier la vision du repas français centrée sur la viande (« aujourd’hui c’est poulet, je fais quoi comme accompagnement ? ») et mettre la légumineuse au cœur du repas (« j’ai envie d’haricots rouges aujourd’hui, comment je les accommode en un plat unique ? »). Il faut donc pour cela trouver des recettes. Je me suis acheté deux ouvrages : Fabuleuses légumineuses de Claude Aubert et Ma cuisine végétarienne de Garance Leureux.
(2) J’insiste aussi sur le fait que quand je mange végétarien, ce n’est plus seulement par hasard (« je n’avais rien dans le frigo, je me suis fait des pâtes et des œufs, j’ai mangé végétarien ») mais aussi par choix positif du végétal que je prends un grand plaisir à découvrir. Dominique Lestel [2, p.115] moque d’ailleurs à ce sujet le comportement de certains végétariens, qui font un choix négatif (« je ne mange plus de viande) plutôt que positif (« je kiffe les légumes »). Ce n’est pas mon cas, je kiffe les lentilles :-) !
(3) Je tiens un petit carnet où je note la composition de mes plats et mes recettes pour m’aider à être efficace dans la préparation des repas. La moyenne sur les 7 dernières semaines est de 37% de menu végétarien.
Voilà en synthèse ma réflexion.
J’ai donc encore pas mal de travail, de questions à poser, d’enquêtes à mener.
Je voudrais vraiment aller plus loin dans cette voie médiane qui consiste, selon Dominique Lestel, [2, p.124] « à manger de la viande de façon limitée, voire rituelle. Autrement dit, faire de chaque repas carné une cérémonie, voire une commémoration ». Déjà je demande régulièrement à mes enfants avant d’attaquer un plat carné d’avoir une petite pensée pour cet animal qui est mort pour nous (à 4.5 ans l’aîné semble y être sensible). Comme l’écrit également Jonathan Safran Foer [3, p.294] « il faut faire un peu plus que changer de régime alimentaire. Il nous faut en inviter d’autres à se joindre à nous…Les différences entre végétariens et carnivores éthiques sont mineures au regard de leurs points communs, et sans conséquence au vue de ce qui les distingue de l’élevage industriel ». L’union fait la force !
PS : Ils mériteraient bien plus que post scriptum, mais je ne parle pas ici des poissons et crustacés. Je les ai exclus à ce stade de ma réflexion (j’en mange peu, et je ne peux aborder tous les sujets en même temps). Ce sujet est également très bien documenté dans le livre de Jonathan Safran Foer [3].
A lire aussi sur Terraeco.net :
« Tout dans la société nous pousse à devenir végétalien »
« La question n’est pas de manger moins de viande, mais comment en manger mieux »
Coach Bridget : comment arrêter la viande
Et notre dossier sur le végétarisme :
Végétariens : et s’ils avaient raison ?
Pas facile d’allier Ecologie et Vie de famille avec des enfants en bas âge (cf les couches, la logistique compliquée qui impose souvent la voiture...etc) Une famille en région toulousaine relève le défi et vous fait part de son expérience !! |
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