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Demande à FredO

Par Frédéric Chomé
17-10-2010

La « redevance climatique » Pour une taxe carbone originale et équitable

La « redevance climatique » Pour une taxe carbone originale et équitable
(Alternatives Economiques / Eurostat)
Plutôt que de réaliser un basculement de fiscalité du travail, par exemple, vers les énergies fossiles, je propose d'instaurer une « redevance climatique » sur la consommation finale. Une formule originale - qui est loin de faire consensus - qui serait à la fois efficace, juste et équitable. Explications.

Récemment, plusieurs propositions pour taxer les émissions de gaz à effet de serre (GES) se sont retrouvées au devant de l’actualité. Ainsi, la Norvège taxe déjà aujourd’hui les énergies fossiles à concurrence de 120 euros la tonne de CO2 (TCO2). En France, la proposition Sarkozy, avortée il y a quelques mois, se limitait aux carburants et combustibles, et prévoyait de nombreuses dérogations. Et en Belgique, on discute aussi d’une augmentation de la fiscalité environnementale dans la perception des taxes par l’Etat. Enfin, l’UE a récemment rejeté un projet de taxe carbone aux frontières, qui risque de ne pas voir le jour en raison de la crise économique et des risques « politiques » internationaux que cette taxe engendrerait.

Nous proposons ici un système alternatif pour la mise sur pied d’un mécanisme efficace sur le plan de la limitation des GES et qui engendrerait des bénéfices collatéraux en cascade.

« Redevance climatique » sur les énergies ou sur la consommation ?

Ce que nous préconisons est l’instauration d’une « redevance climatique ». En effet, tout le monde émet des gaz à effet de serre pour vivre sur Terre, et l’ensemble de l’humanité émet aujourd’hui trop de GES par rapport à la capacité d’absorption des écosystèmes. Il nous semble donc opportun, comme pour la télévision ou les emballages, de lever une redevance proportionnelle aux émissions rejetées dans l’atmosphère via notre consommation. Par rapport au transfert de fiscalité, qui n’est que le basculement d’une taxe vers une autre taxe, du travail vers le carbone par exemple, cette redevance permettrait de dégager des moyens supplémentaires et n’offre pas de risque aux gouvernements de transférer une taxe basée sur la croissance de l’activité économique (l e travail) vers la décroissance de la pollution (le CO2 ou l’énergie qui est par ailleurs un contributeur important au budget de l’état - sa réduction en quantité serait une mauvaise chose pour les politiques publiques).

Il faut savoir que, selon l’Institut national de la statistique (INS), le CO2 d’origine énergétique ne représente que 9,5 % des dépenses des ménages belges (5,7 % pour l’énergie à la maison et 3,8 % pour les déplacements personnels). Or la taxe carbone classique concerne essentiellement les consommations d’énergie finale (en excluant souvent l’électricité), ce qui constitue un sous ensemble étroit de nos dépenses de consommations. Toutefois, elle permet à chaque segment d’une chaine de production de biens de contribuer au prorata de ses émissions directes de GES

A l’inverse, la redevance climatique associe un « impact GES » à chaque catégorie de biens et services. Cet impact sera quantifié – avec une précision croissante au fil du temps – et intégré dans le prix de vente, comme la redevance sur les emballages.

Le coût des produits, qu’ils soient de base et de luxe, augmentera en proportion des quantités de GES relâchées au cours de leur processus de production et d’utilisation (le calcul sera effectué selon l’analyse de cycle de vie de chaque produit).

L’avantage de ce système est qu’il s’affranchit totalement de la notion de taxe carbone intérieure (sur les énergies) ou aux frontières (sur les produits importés). Ici, le contenu carbone « caché » dans le produit intégrera implicitement le pays de production et les modes de transport utilisés tout au long de la chaine logistique de fabrication et de distribution du produit. C’est donc le consommateur final qui supportera l’entièreté des coûts carbone des produits et services achetés.

Pour éviter de favoriser, par ce processus, une épargne excessive au détriment de la consommation, nous souhaitons également que la redevance soit appliquée sur les produits de placements financiers et les assurances (1).

Que vaut une TCO2e ?

Dans les « bourses du carbone », le prix de la tonne de CO2 vaut environ 15 euros aujourd’hui. Mais au lieu de tenter d’évaluer le « coût » du CO2, on peut aussi estimer les « revenus » perçus chaque fois que l’on émet une TCO2e. En divisant le PIB (la richesse produite en Belgique en une année) par les émissions de GES produites en un an sur le sol belge (inventaire national), on obtient la richesse créée en Belgique par TCO2e émise. Les derniers chiffres disponibles indiquent que l’économie belge dans son ensemble génère 2 600 € de valeur ajoutée par TCO2e émise. en France cette même valeur s’approche de 3500 € de Valeur ajoutée créée par TCO2e émise.

Selon l’économiste Nicholas Stern, il faut investir chaque année 2 à 3 % du PIB mondial pour espérer stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère (2). Appliqué à la Belgique, le vrai prix de la tonne de CO2 en 2010 serait donc de 78 €/TCO2e. et à la France, il serait plutôt de 100 €/TCO2e en moyenne.

En fait, cela nous montre que le prix de la TCO2 n’existe pas puisqu’il est fonction du ratio Ressources financières / TCO2 émises.... il varie donc d’une entreprise à l’autre, d’un pays à l’autre, et la seule constante est que chacun devrait accepter de consacrer au moins 3 % de son budget annuel pour réduire son impact carbone direct et/ou indirect.

Afin de rendre le système vertueux, il conviendrait aussi de faire croître les coûts en suivant une progression continue (par exemple + 5 % par an). Ceci afin d’attirer les investisseurs vers les secteurs économes en gaz à effet de serre pour des raisons économiques.

Cette redevance est-elle juste et équitable ?

Cette redevance affectera le pouvoir d’achat des ménages mais se sera pas inéquitable, puisqu’elle va toucher chacun d’entre nous au prorata de sa consommation et de ses « économies » (les placements financiers) et va justement nous inciter à effectuer des choix de consommation en accord avec leur impact sur le réchauffement climatique.

Selon l’INS, les hauts revenus et les classes aisées consomment et épargnent plus que la moyenne belge ou que les classes les plus défavorisées (3) : l’élargissement du spectre de la redevance va permettre de dégager des moyens financiers considérables (estimés à plusieurs milliards d’euros par an) qu’il conviendra de réaffecter dans l’économie en vue de réduire son intensité carbone.

L’une des priorités sera d’investir massivement les revenus perçus dans la rénovation des logements des ménages les plus modestes, qui dépensent proportionnellement plus pour leurs factures énergétiques et subissent de plein fouet la hausse des prix des énergies fossiles. Le programme pourra leur offrir un service complet d’isolation, de remplacement de châssis et de la chaudière, ainsi qu’un appui personnalisé pour améliorer les performances de leur logement.

Autre avantage : notre pays deviendra un laboratoire de test et de mise en œuvre des solutions bas carbone innovantes. L’évolution des prix du marché permettra l’essor de techniques et de pratiques vertueuses, ainsi que la création d’emplois dans de nouvelles filières et secteurs à faible émission de GES. L’ensemble de ces effets devrait permettre à notre pays d’opérer une transition vers un avenir moins énergivore, tout en améliorant la condition sociale des plus démunis.

Deux dérogations

La redevance sur la consommation finale n’a de sens que si peu de dérogations sont octroyées. Deux catégories sont toutefois à analyser : les ménages à bas revenus et les entreprises exportatrices.

Les premiers verront leur facture énergétique s’envoler (+ 400 € par an pour un ménage moyen) dans l’attente de bénéficier des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement. Si ce surcoût apparaît comme trop élevé, des mesures dérogatoires devront être prévues. Par contre, si le programme permet de rénover l’ensemble des logements des familles à bas revenus endéans cinq ans, ce « surcoût temporaire » pourrait constituer la contribution de ces ménages à bas revenus aux travaux réalisés à leur domicile. Si cette redevance ne devait être mise en œuvre que dans certains pays de l’UE, qui agiraient donc comme des pionniers (la Belgique par exemple), il serait logique, pour préserver la compétitivité des entreprises exportatrices, de rembourser la perception de la redevance à concurrence de la part de leurs exportations.

Que faire chacun à son niveau ?

En attendant que l’Europe ou que l’un de ses Etats membres applique ce système, nous recommandons à chacun d’appliquer ce coût virtuel de la TCO2e à son budget, qu’il soit responsable d’une famille (4) ou d’une entreprise (5).

L’intégration du véritable coût des GES dans nos décisions d’investissement et nos choix de consommation nous permet de réorienter nos modes de vie et de production vers plus de sobriété, ce qui constitue bien sûr un premier pas vers une action cohérente et globale en la matière.

Plus nombreux nous serons à agir, plus rapidement ceux qui nous gouvernent disposeront d’un appui pour mener des politiques ambitieuses dans ce sens.

Au plaisir de vous lire

(1) En fonction des activités financées avec votre argent, qui peuvent être plus ou moins intensive en émissions de GES. Un ménage Belge « épargne » en moyenne 5 000€ par an, selon l’INS.

(2) Soit ramener les émissions au niveau des absorptions naturelles.

(3) Les 1,5 million de personnes (14,7 % de la population belge) en-dessous du seuil de pauvreté dépensent annuellement 20 017 euros contre 33 712 euros pour ceux se situant au-dessus du seuil de pauvreté.

(4) Voir notamment :
- En Belgique le projet « Exit CO2 », qui vise à coacher des familles dans la réduction de leur empreinte carbone globale : http://www.exit-CO2.be/
- en France, l’application Coach Carbone de l’ADEME et la FNH :

(5) Les entreprises devraient consacrer 2 à 3% de leur Valeur Ajoutée annuelle comme "budget Carbone" qui financerait des réductions en interne, chez leurs partenaires commerciaux ou dans la société civile. Faisable, d’après vous ?

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