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La Bulgarie fermente aux yaourts

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Le yaourt bulgare est l'objet de toutes les convoitises. La raison ? Une bactérie aux vertus sanitaires et commerciales.
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Les origines du yaourt ? « Bulgares, bien sûr ! », assure-t-on de Sofia jusqu’aux bords de la mer Noire. La légende raconte que le yaourt serait né aux confins sud de la Bulgarie, dans les montagnes des Rhodopes. Une contrée qui a su préserver une nature splendide et perpétuer la tradition du Kiselo Mlako, le yaourt bulgare authentique. Chaque semaine, Uwu, une paysanne du hameau de Snevinka, accroché à flanc de montagne, opère la même alchimie. En quelques jours de fermentation, elle transforme le lait de ses trois vaches en un yaourt dense comme du fromage blanc, à l’acidité et aux arômes sans pareil.

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Uwu, une paysanne des Rhodopes, en Bulgarie, manipule un trésor sans le savoir. (Crédit VL)

Tous les vendredis, à dos d’âne, elle va le vendre, pour un leva le litre (moins de 50 centimes d’euros), sur le grand marché de Kardjaly, à une dizaine de kilomètres. Le tout sans se douter qu’elle manipule quotidiennement un trésor invisible nommé Lactobacillus Bulgaricus. C’est Iliya Mlechnikov, un chercheur de l’Institut Pasteur d’origine bulgare, qui fut le premier à isoler cette bactérie, à l’aube du XXe siècle.

Vertus thérapeutiques

Certes, cette famille de ferments se retrouve dans tous les yaourts du monde. Pas de quoi, malgré tout, ébranler le Bulgare dans ses convictions. Les souches issues de son terroir posséderaient en effet des vertus thérapeutiques uniques et permettraient de vivre centenaire. Un mythe national d’autant plus crédible qu’il est étayé par plusieurs travaux scientifiques. En France, l’Institut national de la recherche agronomique s’intéresse aussi aux mystères de cette bactérie. Cet été, l’Inra a d’ailleurs achevé le séquençage de son génome. "La Bulgaricus possède une réputation établie de longue date en tant que produit d’intérêt nutritionnel, naturel et sûr au plan alimentaire, explique Marteen Van de Guchte, chercheur. Elle se trouve à la base du concept de probiotique. » Le mot est lâché. Casei, bifidus : ce sont ces ferments, bénéfiques pour l’organisme, que l’on nous sert aujourd’hui à toutes les sauces.

Guerre en milieu acide

A l’heure du boom des produits santé (lire ci-dessous), la Bulgarie a bien mesuré le potentiel de ce marché. Plutôt que d’exporter son Kiselo Mlako, à faible valeur ajoutée, elle vend à l’étranger des palettes entières de bactéries. Une idée lumineuse qui a germé dans les années 1970, sous le régime communiste. Aujourd’hui LB Bulgaricum, héritière de l’ancienne entreprise d’Etat et toujours leader du marché probiotique local avec ses deux cents salariés, commercialise ses ferments dans une vingtaine de pays.

Résultat, le plus grand fabricant de yaourt bulgare se trouve... au Japon. Deux fois par mois, les précieuses souches sont envoyées à Tokyo par avion, sous forme de poudre lyophilisée. Ainsi, 200 000 tonnes de yaourt made in Japan, mais dûment estampillé "produit bulgare original", sortent chaque année des usines du groupe Meiji. Contrat de licence oblige, LB prélève sa part de royalties. Une manne qui retombe directement dans la poche de son actionnaire principal, l’Etat. Et celui-ci ne compte pas se séparer de si tôt de la poule aux œufs d’or. Un amendement à la loi de privatisation de 1991 interdit la vente de la championne des ferments, dont les exportations ont sextuplé en deux ans.

Pour profiter de toutes les promesses d’un marché en pleine expansion, LB Bulgaricum porte ses efforts sur la renégociation des contrats qui arrivent à terme. Et en cherche de nouveaux. Dernier en date : celui signé avec l’entreprise Vital Food qui couvre 40 % du marché sud-coréen des produits laitiers. Parallèlement, la Bulgarie multiplie les démarches auprès de l’Organisation mondiale du commerce pour protéger l’appellation "yaourt bulgare". Sans succès pour le moment. Mais elle ne manquera pas de plaider sa cause devant ses nouveaux partenaires européens. En attendant, le yaourt bulgare ne bénéficie que de la protection de l’arrangement de Lisbonne, qui engage 25 pays dont la France. Elle n’a pas hésité à s’en servir pour obliger Danone à retirer la mention "au goût bulgare" qu’annonçaient ses étiquettes, voilà un an encore.

La guerre à la concurrence est donc déclarée. A l’étranger, comme à l’intérieur des frontières bulgares. Le 10 novembre 2006, le gouvernement a accordé à LB Bulgaricum l’exclusivité de la gestion des licences. De quoi lui offrir une longueur d’avance sur de nouveaux venus. Comme Lactina, une PME d’une dizaine de salariés, qui a vu ses recettes bondir de 300 % depuis ses débuts en 2002. Et la position dominante de LB Bulgaricum n’empêche pas Georgi Georgiev, le directeur de Lactina de se montrer confiant :

"Nous misons beaucoup sur les produits dérivés de nos bactéries comme les compléments alimentaires pour les bébés ou pour les régimes. Il y a aussi le marché de l’alimentation animale pour lequel nous proposons une alternative avantageuse aux antibiotiques, désormais interdits..." Sans oublier une panoplie de petites pilules sensées aider l’organisme à lutter contre tout type de maladie. Alignées en pharmacies, elles proposent de soulager quasiment toutes les pathologies, de l’hypertension aux problèmes rénaux en passant par l’acné juvénile.

Laboratoire dernier cri

Seulement, à chacune de ces innovations correspond une souche différente de la bactérie. Du coup, pour en isoler de nouvelles, Lactina investit dans la recherche. D’abord dans un laboratoire dernier cri de 5 millions d’euros. Mais aussi en quadrillant les montagnes des Rhodopes, boîte de Pétri en main, pour dénicher les meilleures bactéries. "Nous en avons découvert dans l’écorce des arbres et même dans des fourmilières !", raconte Georgi Georgiev, qui rêve de convaincre le monde entier des bienfaits du Lactobacillus Bulgaricus.

Mais les géants de l’agroalimentaire ne l’ont pas attendu. Danone, par exemple, concocte ses propres cocktails, grâce à sa collection de 3 000 souches de ferments lactiques. Il dote son laboratoire de Palaiseau (Essonne) d’un budget annuel de 130 millions d’euros et soutient aussi les recherches menées par l’Institut Pasteur et l’Inra sur les bactéries. Avec Activia, Danone vend son bifidus actif dans 30 pays. Au point que la multinationale, leader sur le marché des produits laitiers bulgares, ne s’intéresse pas du tout au Kiselo Mlako. Et préfère vendre son Activia en Bulgarie, fabriqué sur place avec... des souches importées de France.


La grosse santé des desserts lactés

Alors que le marché mondial des produits laitiers marque le pas (-2 % par an), celui des alicaments affiche une belle santé avec une croissance annuelle de 20 % et un chiffre d’affaires estimé à 5,3 milliards d’euros en 2003. En France, ce secteur représente 3 à 4 % du marché alimentaire. En 2005, 46 % des nouveaux produits laitiers ciblaient le créneau de la santé. Après avoir rempli les gondoles de yaourts aromatisés et de desserts lactés, l’industrie s’est emparée d’un argument dans l’air du temps pour pallier la trop faible valeur ajoutée du lait.

Un argument juteux : il permet à Danone de vendre Activia, un yaourt nature enrichi au bifidus actif, 65 % plus cher qu’un pot classique. De quoi dégager des recettes en progression de 36 % en 2005. Quant au produit vedette de la même marque, Actimel, son chiffre d’affaires devrait franchir cette année le cap du milliard d’euros. Mais, Danone doit désormais composer avec l’arrivée de la grande distribution. Emboîtant le pas à Intermarché, Carrefour a lancé le mois dernier sa propre marque de yaourt santé, Reducol, concurrent direct du Danacol sur la niche des anti-cholestérol.

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