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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
31-05-2011

L’énergie nucléaire est la plus coûteuse

Alors que nos voisins suisses et allemands viennent d'abandonner le nucléaire, l'ensemble de l'opinion politique française, bien embarrassé, nous sert un discours tout préparé pour nous redire que nos choix hexagonaux sont les meilleurs : "moins de carbone rejeté, moins cher, plus sûrs" : même de plus en plus seuls, nous avons fait le bon choix.

Prenons le problème d’un autre angle, celui du coût. Voici ce qu’en dit un des défenseur de la cause nucléaire, lobbyiste influent, Jean-Marie Jancovici : "Le nucléaire coûte 2000 à 3000 € par kW de puissance installée (contre 500 € pour du gaz et 1500 € pour du charbon). Remplacer ce kW nucléaire par des éoliennes, quatre fois moins productives par an (le vent est variable !) nécessite d’installer 4 kW, pour environ 4000 euros à terre, et le double en mer."

Dit ainsi la cause est entendue : le nucléaire est le plus intéressant financière. Le problème est que Jancovici ne parle que de l’installation des centrales nucléaires, il oublie tous les frais induits qui vont apparaître au fil du temps, ils sont de quatre ordres :

- après Fukushima, EDF s’engage à renforcer la sécurité de ses centrales, mais pour quel coût ?

- le site de Bure dans la Meuse, site sécurisé de stockage des déchets a vu sa facture passer de 15 à 35 milliards d’euros. Combien va coûter l’ensemble de la filière de retraitement sur des siècles ?

- le démantèlement des vieilles centrales va coûter très cher : estimé à 17 milliards par EDF, ce montant semble ridicule en comparaison des évaluations suédoise ou anglaise. Son coût serait plutôt de 100 à 200 milliards pour l’ensemble des centrales françaises !

- les nouvelles centrales vont coûter de plus en plus chers : l’EPR de Flamanville a ainsi été évalué à 3 milliards puis à été révalué à 4 et enfin à 5 milliards !

Mais si on veut être complet, il faut tenir compte du coût prévisionnel d’un accident nucléaire majeur type Fukushima ou Tchernobyl.

Petit calcul : si on estime que la probabilité d’un accident est de 1 pour 10000 (2 accidents majeurs en 50 ans pour 400 réacteurs dans le monde) (1), si on considère que ces accidents rendent invivables la zone dans un rayon de 10 kilomètres, mais que le préjudice subit atteint plutôt un rayon de 50 kilomètres, alors il va falloir indemniser l’ensemble des propriétaires à 100% dans un rayon de 10 kilomètres, dans une proportion variable pour les 50 kilomètres (2). Il faudra aussi indemniser les malades et les activités économiques touchés par l’accident.

En conséquence, quel sera le coût réel d’un accident majeur : 10 ? 50 ? 100 milliards ? Et quel serait le coût de l’assurance qu’il faudrait faire payer à l’exploitant de la centrale ? (3)

Je voudrais faire trois réflexions pour conclure :

1-Ces coûts additionnés n’ont, pour l’instant, pas été payé ni par le consommateur d’électricité, ni par le contribuable. Ce sera aux jeunes générations de le payer dans les décennies à venir.

2-En conséquence, une personne de plus de 60 ans qui défend le nucléaire n’a aucune crédibilité à le faire : il a "bénéficié" du nucléaire sans en payer le vrai prix. Il sera crédible quand il prendra en compte le coût exorbitant que payeront ses enfants.

3-les anti-nucléaire français ont lutté, pour l’instant, avec des pétitions et des manifestations. Aucun succès bien entendu. Ils seront plus efficaces en luttant pour faire payer le vrai prix du nucléaire par des actions ciblées en utilisant les armes du droit, de l’assurance. Les anti-nucléaire allemands n’ont pas fait autre chose en montrant que le coût du retraitement des déchets était symboliquement très élevé.

Revenons sur Jancovici présenté comme un "spécialiste" des énergies, référence utilisé par une majorité de journalistes paresseux qui se contentent d’aller sur son site pour y copier/coller des arguments biaisés et des chiffres faux. Jancovici n’est pas un expert spécialiste de l’énergie, c’est un défenseur partial du nucléaire qui minimise les solutions alternatives à sa toute puissance. Il participe à la défense d’un système industriel qui ne concerne que 100 000 personnes en France et deux grandes entreprises mais un système dont nous allons payer longtemps le maintien et les coûts croissants.



(1) Cette probabilité est sans doute sous-estimée. Si les premières centrales ont une cinquantaine d’années, la plupart d’entre elles ont été construites à partir des années 80. De plus, il est vraisemblable que le vieillissement des centrales soit un facteur aggravant.

(2) Après un accident majeur, les dégâts dans un rayon de 10 km seront irréversibles. Il faudra donc rembourser intégralement les propriétaires. Etant donné l’augmentation des prix de l’immobilier ces dernières années, il est probable que chaque hectare urbanisé coûte 2 à 10 millions de francs.

Mais il faudra aussi indemniser l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics qui auront perdus les équipements publics qu’il faudra reconstruire ailleurs : routes, ouvrages d’art, réseau d’eau, d’électricité, écoles, .... Il faudra aussi payer les propriétaires de bois et de terres agricoles qui en auront perdu la jouissance. Tout cela devra être payé par l’exploitant de la centrale : mais comment fera-t-il ?

(3) Un assureur devrait exiger des cotisations très importantes pour assurer le risque énorme d’un accident nucléaire majeur : il devrait demander des cotisations au prorata des remboursements qu’il devra effectuer pour les victimes. Sa base de calcul ne sera pas d’un pour dix mille mais probablement d’un pour mille, car le risque qu’il court en assurant un risque aussi important à un coût. Cela signifie que l’exploitant d’une centrale devrait débourser chaque année un millième de l’ensemble des remboursements potentiels en cas d’un accident majeur. Le coût du kilowatt nucléaire serait alors bien plus élevé que le coût affiché par Jancovici.

COMMENTAIRES ( 2 )
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  • Au fond, le moins coûteux et le moins risqué, pour nous autres qui vivons aujourd’hui en occident, est de renforcer le charbon, le gaz. ( et, pourquoi pas, de pomper le gaz de shiste, pour faire bonne mesure).

    Mais le réchauffement climatique fera que ceux qui souffriront le plus seront :
    a) ceux qui vivront dans les prochains siècles
    b) les populations pauvres (situées généralement hors occident)
    c) la biodiversité et les ecosystèmes, pendant des millénaires.

    Ce qu’il faudrait faire n’est pas de tirer à boulets rouge sur tel ou tel type de production d’énergie, mais de jouer simultanément sur différents leviers fondamentaux :
    1) oeuvrer pour contenir puis réduire la population mondiale,
    2) réduire fortement la consommation d’énergie par tête en occident,
    3) modérer la croissance de la consommation d’énergie par tête dans les pays émergents
    4) réduire les risques et nuisances pour tous les types de production d’énergie (risques "immédiats" + risques à long terme)

    Dans cette optique, TOUS les types de productions basés sur les énergies fossiles doivent être programmés pour la fermeture.
    La contrepartie est qu’il faut expliquer aux gens que faire des économies d’énergie est bien sûr nécessaire, mais néanmoins totalement insuffisant. Car pour arriver à un monde respectueux des écosystèmes et de la biodiversité, il faudrait que les humains passent par une véritable révolution intellectuelle qui transformera totalement leurs modes de vie. Mais celà, on ne le leur veut pas dire...

    7.06 à 22h22 - Répondre - Alerter
  • M.Jancovici s’appelle Jean-Marc

    31.05 à 22h39 - Répondre - Alerter
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