publicité
haut
Accueil du site > Blogs > Les blogs > innovation politique > La démondialisation est-elle possible ?

innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
10-07-2011

La démondialisation est-elle possible ?

En ces temps pré-électorales, le débat actuel autour du concept de démondialisation mérite attention. Lancé par la parution du livre de Jacques Sapir et relayé par de nombreux intellectuels, l'idée fait son chemin mais se heurte à d'énormes difficultés.

Essayons de classer les positions de chacun, permettant ainsi à chaque lecteur de choisir son camp :

- les "droits dans leurs bottes" : ils refusent la discussion et n’en démordent pas. La mondialisation est une bonne chose, un point, c’est tout. Si la France est perdante, c’est uniquement parce que nous ne sommes pas assez bons : il suffit d’accroître la productivité, diminuer les charges, libéraliser le système et cela ira mieux. Vieux de vingt ans, ce discours n’a pas pris une ride et ses partisans sont convaincus de détenir la vérité même si la crise actuelle les rend moins crédibles.

- les partisans de la marque France : ils admettent que la France est perdante en ce moment par manque de compétitivité mais ils insistent sur la bonne santé des entreprises du CAC40. Elles investissent et se développent dans le monde entier et on peut être fier de voir des voitures Peugeot à Pékin et des sacs Chanel à Djakarta. Ils oublient qu’un pays ne peut être confondu avec ses entreprises, particulièrement quand ces entreprises dépendent de plus en plus de capitaux étrangers. A part quelques bénéfices fiscaux rapatriés, la richesse de ces entreprises ne vient plus en France. Et celles-ci, en plus, délocalisent. Cette vision est malheureusement celles d’une majorité de notre personnel politique qui, dans leur quotidien, rencontrent davantage d’experts internationaux et de patrons du CAC 40 que de "vrais" français. Ils défendent donc ce qu’ils connaissent et en oublient la Nation qu’ils sont censés promouvoir.

- les optimistes fatalistes  : l’avantage comparatif de compétitivité des Chinois va rapidement disparaître. Certains affirment même que, dans dix ans, les salaires chinois auront rattrapé les salaires européens. Nous n’avons donc qu’à partienter jusque là. C’est un discours attentiste, finalement assez proche de celui de la première catégorie.

Tous ces partisans de la mondialisation espèrent la conserver grâce à de "nouvelles politiques de régulation" et une "nouvelle politique industrielle" (E.Cohen et N. Baverez) dont on peine à percevoir l’originalité et la pertinence.

- les partisans du protectionnisme  : volontaristes, ils optent pour la renaissance des barrières douanières. Certains d’entre eux sont favorables à une préférence nationale, d’autres privilégient le niveau européen (E.Todd). Ils proposent aussi "l’interdiction de certaines importations" (J Sapir) ou la "protection" de certains secteurs (industrie verte). On voit mal concrètement comment cela pourraient se mettre en place.

Ces propositions se heurtent à la dure réalité du commerce international et de l’absence d’une gouvernance mondiale. Si les barrières douanières sont installées, on peut s’attendre à des mesures de rétorsion aux effets dévastateurs de la part des instances internationales comme des nouveaux géants économiques. L’instauration d’un consensus européen paraît bien irréaliste sur cette question : E.Todd espère ainsi que la menace de sortie de l’Euro de la France pourrait suffire à faire plier l’Allemagne. On aimerait avoir son optimisme !

Ce groupe d’opinion est composé à la fois des partisans du Front National et d’intellectuels de gauche, dans un mélange de la carpe et du lapin qui laisse songeur.

- l’espérance des relocalisations : certains espèrent que l’augmentation du coût du transport, les déceptions de certaines entreprises qui ont délocalisées et qui reviennent en France vont suffire à amorcer une tendance à "reterritorialiser" l’économie. Mais, peut-on attendre l’émergence d’un mouvement spontané au risque de perdre le reste de notre tissu industriel ?

Maintenant que le lecteur a cherché à choisir son camp, nous espérons qu’il conviendra qu’aucune de ces opinions (et solutions) n’est satisfaisante en soi.

Devant la complexité du problème, nous voudrions partager avec lui quelques certitudes :

1-Opposer mondialisation et son contraire comme deux entités négatives ou positives n’a pas de sens. La mondialisation a des avantages et des inconvénients. Toute opinion manichéenne dans ce débat est suspect : le sujet est suffisamment complexe pour mériter la nuance et le regard critique.

2-Même si la mondialisation a permis le développement de nombreux pays émergents, elle est actuellement source d’appauvrissement pour nos économies. Prenons un exemple : notre déficit commercial avec la Chine atteint 26 milliard par an (c’est la moitié de notre déficit). Comment illustrer ce chiffre ? C’est comme si chaque français faisait en moyenne un chèque de 400 euros à la Chine. Un couple avec deux enfants donne donc l’équivalent de 3200 euros par an et s’appauvrit d’autant !

3-Les outils anciens de régulation sont inopérants : taxer les produits étrangers, interdire certains importations. Il suffit de comparer les différentes époques pour comprendre que cela n’est pas possible : à l’ère d’internet et du portable, on ne peut reproduire les méthodes économiques qui furent efficaces au temps de De Gaulle ou d’Hitler.

4-Il y a donc nécessité d’inventer et d’innover d’autres méthodes de régulation qui à la fois favorisent les relocalisations tout en permettant de continuer les échanges économiques et d’éviter la tentation du repli sur soi.

Pour ma part, je défend l’idée suivante :

Aucune barrière douanière, aucune interdiction, inefficaces et dangereuses. Mais par contre, une taxation faible et progressivequi s’intéresse non pas à la préférence nationale mais à d’autres problèmes : l’émission de carbone du transport, l’utilisation de matériaux locaux, renouvelables et décarbonés.

On favorisera ainsi les industries régionales qui vont bénéficier d’avantages comparatifs : les matériaux locaux, n’étant pas conçu à base d’hydrocarbures importés vont revenir beaucoup moins chers que leur équivalent plastique conçu en Chine.

Le produit de cette taxation servira intégralement à financer les investissements nécessaires à développer ces nouvelles industries "vertes", durables et locales.

Ainsi, les entrepreneurs auront une idée claire des évolutions prévisibles. Le personnel politique retrouvera des leviers d’action qu’il a abandonné et regagnera une crédibilité perdue. Le consommateur sera inciter financièrement à changer ses habitudes. Le pays retrouvera des marges financières qui permettront l’investissement. Un cercle vertueux pourra alors être relancé.

Cette méthode refuse l’affrontement frontal des protectionnistes et utilise les forces montantes de l’industrie verte pour relancer l’économie.

Si certains estiment que ces propositions, à leur tour, sont irréalistes, je serais heureux de connaître leur argument et de débattre avec eux.

COMMENTAIRES ( 2 )
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
  • Aujourd’hui la démondialisation n’est pas seulement possible elle est inévitable.
    Le seul politique ayant pris conscience, analysé et proposé la solution est Montebourg.
    Il propose l’instauration de barrières douanières sur deux champs essentiels : sociaux et écologiques.
    Tous les marchés sur le territoire national, européen et idéalement mondial doivent pouvoir prouver leur empreinte écologique et leur respect des règles sociales du code du travail (acquis sociaux tels que sécurité sociale, droit à la retraite,...)
    Ces deux secteurs doivent être contrôlés pour impérativement les faire apparaître dans le cout de production jusqu’au consommateur.
    Cette démondialisation fait parti d’un ensemble de changement :
    - nouvel exercice du pouvoir par l’élaboration d’une république réellement démocratique : la VI ème république
    - créer de nouveaux modes d’échanges par le développement du capitalisme coopératif dans l’économie sociale et solidaire.
    - accepter l’évidence d’une certaine décroissance soutenable et son application dans des secteurs d’activité qui portent atteintes à ces deux valeurs sociales et écologiques.
    - d’une mise sous tutelle des banques et de créer des modes de gestion coopérative du crédit par des constituantes de groupes de citoyens du peuple et d’experts en la matière.
    etc, il faut lire le projet "des idées et des rêves".
    Toujours est-il que le moment est venu, à travers cette crise qui nous révèle la fin du capitalisme, de s’indigner. Nous sommes qu’au début de l’expression de cette indignation qui nous donne maintenant le devoir de démolir les 4 courants séparés de la gauche :
    - le courant libertaire (les libertés individuelles et l’autonomie)
    - le courant communiste (la gestion des biens communs)
    - le courant socialiste (la gestion des règles sociales)
    - le courant écologique (notre interdépendance avec la terre et l’environnement)
    Le projet étant de réunir et de reconstruire ces 4 piliers humanistes de la gauche dans une union idéologiquement équitable au lieu de les opposer comme actuellement.

    20.11 à 23h56 - Répondre - Alerter
  • Ciron : Où va-t-on ?

    Il me semble que vous avez raison de souligner que chaque camp défend des "recettes" qui ne sont pas assez intégrées dans le monde réel.

    Votre proposition de "taxation faible et progressive" me semble avoir, elle aussi, une odeur de recette.
    Par ailleurs, l’exemple donné d’une croissance faible de 1 point de base par an signifierait qu’il faudrait un siècle ou deux avant que le poids de la taxe influe significativement sur les choix des consommateurs..... d’ici là, les activités et les savoirs-faire que l’on souhaire développer auront le temps de disparaître dix fois. D’un autre côté, si la taxe n’est pas "faible", celà prend une coloration protectionniste.

    Une idée intéressante implicite à votre proposition est que l’on intègre en quelque sorte le coût social correspondant au non- durable etc au prix que paiera le consommateur.
    Si le différentiel est important, il faudra gérer la contrebande, ou la fraude...

    Par contre, je ne pense pas que vous abordiez les coûts/ problèmes liés à l’aspect de mobilité mondiale des capitaux nécessaire aux activités, à la rémunération du capital sans lequel il n’y a pas d’investissements, aux problématiques des cycles de production (agriculture, industrie,... en particulier pour ce qui concerne les polluants utilisés pendant le cycle, ou inclus dans les produits), ni du non-recyclage, ni des libertés individuelles (concurrence du travail des enfants), ni des produits dangereux pour la santé des travailleurs ou pour la population) qui ont eux aussi un coût social que l’on retrouve dans le prix des produits concurrents, etc...

    Tout celà a un coût direct ou indirect, immédiat ou décalé dans le temps. Si nous exigeons une taxe au-dessous d’un "niveau standard" (à définir), celà impliquerait que ces standards correspondent à un mode de vie différent pour beaucoup d’entre nous aux USA, en Chine, Inde,... qui doivent faire partie du jeu.

    Pour ma part, je n’ai pas de solution miracle en tête.

    J’observe qu’il est une caractéristique commune des "recettes" : elles prétendent savoir ce qu’il faudrait faire "pour que ça aille mieux" dans un certain périmètre.
    Mais jamais elles ne décrivent le monde dans lequel nous devrions arriver, en termes de niveau de population, de modes de vie et d’articulation mondiale de ces différents modes de vie. Si on en parlait, se dégageraient des Valeurs en partie nouvelles, qui correspondraient à ce monde de demain, Valeurs qu’il faudrait chercher à inculquer à nos jeune aujourd’hui, afin qu’ils intègrent ces Valeurs aux "recettes" qu’ils devront de toute manière inventer pour le futur, car demain n’est pas la veille où tous les peuples du monde se mettront d’accord sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire.

    10.07 à 22h17 - Répondre - Alerter
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte
  • NEWSLETTERS
    Cochez les cases pour vous abonner à vos newsletters
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas