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21-10-2004
Mots clés
Politique
Géopolitique
Amériques

L’Argentine rentre dans le rang

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Trois ans après la crise, l'Argentine veut rentrer dans le rang des pays développés. "Argentina, un país en serio", un pays "pour de vrai", un pays sérieux : c'est le nouveau slogan de l'équipe du président Nestor Kirchner. Il s'agit de faire oublier les excès des années Menem et de remettre le pays sur les rails. Mais la population demande davantage. Car après un redémarrage en fanfare, l'économie s'essouffle. Et surtout, la pauvreté ne baisse plus. Reportage.
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L’apathie est de retour en Argentine. Après les manifestations, les assemblées populaires, les occupations d’usines, les "cacerolazos" où l’on tapait sur des casseroles pour protester bruyamment, faisant tellement peur aux présidents qu’ils en démissionnaient, les Argentins sont rentrés dans le rang. Les manifestations ? Seuls les "piqueteros", les chômeurs, continuent de bloquer régulièrement les routes. Les assemblées populaires ? Celles qui continuent de fonctionner à Buenos Aires se comptent sur les doigts de la main. Les usines "récupérees" par leurs ouvriers après que les patrons eurent tenté de mettre la clef sous la porte ? Là encore, le mouvement, désormais isolé et marginal, s’essouffle. Les concerts de casseroles, enfin, qui furent à la fin 2001 une prérogative de la classe moyenne et aisée ? Ils se sont tus. Les casseroles sont retournées sur les fourneaux.

Bref, après un élan de solidarité envers les couches les plus défavorisées de la population et un sentiment d’appartenance (par le malheur) à l’Amérique latine profonde, les catégories sociales aisées dites "CSP +", ont repris le train-train et se sont remises à rêver d’Europe. Avec une différence de taille tout de même. Le projet du président argentin, Nestor Kirchner, se démarque totalement de celui de Carlos Menem (1989-1999). Son programme se résume en quatre mots : "Un país en serio". Un pays "pour de vrai". Un pays sérieux. Loin de la frivolité affichée sans vergogne par Menem, ses Ferrari et ses soirées mondaines.

Indifférence et rêves d’Europe

"Bien qu’ils ne puissent plus passer leurs vacances à Paris ou à Miami comme avant la dévaluation du peso, les Argentins de classe aisée continuent de se comparer à l’Europe ou aux Etats-Unis, car ils pensent que cette crise est momentanée", observe Sergio De Piero, sociologue et professeur à la Faculté latino-américaine de sciences sociales (Flacso). "Cette catégorie-là continue de penser que l’Argentine ne mérite pas d’être latino-américaine". Bien avant Menem, qui avait déclaré sans sourciller que l’Argentine faisait partie, grâce à lui, du Premier Monde, les Argentins se sont toujours considérés comme des Latino-américains à part. La population est dans sa majorité d’origine européenne, au contraire des autres pays du sous-continent. "Cependant, la référence pour les ONG argentines est désormais l’Amérique latine, tranche Sergio De Piero. Elles ont beaucoup de liens avec le Venezuela d’Hugo Chavez, par exemple".

La leçon des casseroles est oubliée

Jusqu’à la fin 2001, la classe moyenne et aisée était persuadée d’être à l’abri de la crise et pestait contre les piqueteros qui coupaient les routes et réclamaient du travail. "Le modèle néo-libéral fondé sur la parité entre le peso et le dollar, un peu à la manière de l’étalon-or des années 30, a très bien fonctionné pendant la première décennie, explique l’économiste Mario Brodersohn, ex-secrétaire aux Finances (1985-1986). Il a résisté à l’effet Tequila en 1994 [1], tout comme à la crise asiatique en 1997, à la crise russe et à la dévaluation de la monnaie brésilienne en 1999".

Mais le modèle avait au moins deux points faibles. D’une part, l’entrée massive de capitaux ne servait pas à investir, mais à financer l’endettement de l’Etat - contraint d’acheter des devises nord-américaines pour conserver la parité avec le peso. Cet endettement était passé de 60 à 170 milliards de dollars. D’autre part, le chômage s’est envolé de 6% dans les années 80 à 20% sous Menem. Et lorsque, face à une fuite massive de capitaux pendant toute l’année 2001, le ministre de l’Economie décide de limiter les retraits en liquide, la classe moyenne réagit enfin. Elle descendit dans la rue, tapa sur des casseroles et fit démissionner le président, Fernando de la Rua.

Qu’ils partent tous !

Aujourd’hui, on pourrait croire qu’elle a retenu la leçon et se sent davantage solidaire des couches les plus défavorisées de la population. Il n’en est rien. Les "CSP +" recommencent à pester contre les piqueteros qui bloquent les routes, en oubliant qu’il y a moins de trois ans, ils s’unissaient à eux pour crier aux politiciens : "Qué se vayan todos !" (Qu’ils partent tous !). "Exactement comme pour les comptes en banque, c’est lorsque les enlèvements contre rançon ont commencé à concerner la classe moyenne aisée que celle-ci s’est mobilisée. Avant cela, elle était indifférente au problème", explique Sergio De Piero.

Car la délinquance est un des thèmes que Nestor Kirchner va devoir affronter s’il veut conserver la popularité dont il jouit encore aujourd’hui. "Mais la délinquance découle de la situation économique et sociale, assure De Piero. D’ailleurs, le taux d’homicide a diminué de moitié en un an." De fait, les indicateurs économiques et sociaux semblent être repassés au vert. Le chômage, qui avait atteint 22,5% de moyenne annuelle en 2002, devrait se stabiliser à 14% cette année. Le taux de production industrielle, négatif en 2002, a progressé 16% l’an passé. La croissance, quant à elle, a presque atteint 9% en 2003 et devrait avoisiner 7% cette année.

Cette avalanche de chiffres laisserait presque augurer un miracle économique. "Rien de miraculeux, tempère en fait Mario Brodersohn. La croissance spectaculaire actuelle est due à un contexte international favorable - hausse des prix des matières premières comme le pétrole et le soja - et à un fort processus de réactivation économique."

Quand l’aide sociale carbure au soja transgénique

On peut d’ailleurs presque dire que le gouvernement a tout misé sur le soja. L’Argentine, troisième producteur mondial après les Etats-Unis et le Brésil et premier exportateur de farine et d’huile de soja, fonde en effet son équilibre sur la production de cet oléagineux, transgénique à 98%. Comme 95% de la production est exportée et que les exportations sont taxées à hauteur de 23%, le soja représente aujourd’hui 10% des rentrées fiscales. Une aubaine pour le gouvernement, qui finance ainsi depuis deux ans ses programmes sociaux.

Pourquoi le soja est-il si attrayant ? Parce que la conjoncture internationale est porteuse : les prix ont fortement augmenté en début d’année et la Chine est particulièrement demandeuse. Idem pour l’Union européenne qui alimente ainsi ses troupeaux après les années vache folle. Les agriculteurs argentins ont par ailleurs fortement réduit leurs coûts de production avec la dévaluation, l’ensemencement direct et l’utilisation massive du glyphosate, un herbicide auquel résiste le soja génétiquement modifié.

Problème : cette manne n’est pas inépuisable. Le soja représente la moitié de la surface cultivée du pays. "L’Argentine se dirige vers une véritable monoculture", s’inquiète l’agronome Walter Pengue. Or, qui dit monoculture, dit risques accrus d’épuisement du sol. "Par ailleurs, les prix du soja ont déjà commencé à baisser, prévient l’économiste Mario Brodersohn. Les investissements actuels ne suffisent pas à relancer la machine industrielle et il faudra bien un jour supprimer les impôts aux exportations. Que fera alors le gouvernement pour financer les plans sociaux ? A mon avis, il s’agit là de son plus grand défi : trouver la manière de maintenir la croissance sans les béquilles des taxes aux exportations."

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[1] Crise financière subie en 1994-1995 par le Mexique, qui s’est étendue aux autres pays sud-américains, par effet de ricochet.

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