Je n’ai jamais rêvé d’être envoyée dans l’espace. Et pourtant, dans mon deux pièces parisien, j’ai adopté un système de culture inspiré des recherches de la Nasa. Pas question de lyophiliser mes plats ou de bourrer des tubes d’aluminium de ratatouille. Mes plants de fraises, tomates et piments sont bien sous tous rapports. La touche « astronaute » se résume en fait à ma manière de les faire pousser : devant ma baie vitrée, dans des bouteilles en plastique empilées les unes sur les autres arrosées vingt-quatre heures sur vingt-quatre par un système de goutte-à-goutte. Ici, pas de terre ou très peu, mais de l’eau enrichie en jus de compost : c’est ce que l’on appelle la culture hydroponique. L’agence spatiale américaine s’y est intéressée pour nourrir ses ouailles expédiées en orbite. Une Américaine a eu la bonne idée d’adapter le concept aux profanes de mon espèce. L’objectif ? Fédérer une communauté autour d’un schéma de window farm (ferme fenêtre) qui permettrait aux citadins sans jardin ou balcon de se verdir les mains en produisant quelques fruits et légumes en intérieur.
Des euros et du jus de crâne
Ma construction n’a pas vocation à rassasier une ribambelle d’extraterrestres. Elle est si instable qu’il serait très audacieux de la déplacer d’une pièce à l’autre… Le seul point commun entre ma ferme et les cosmonautes serait plutôt de devoir potasser les maths pour réussir à la mettre sur pied. Je vous épargnerai donc ici les explications les plus incongrues concernant sa construction. Sachez qu’il suffit d’un baril de lessive vide (pour le réservoir), d’une pompe à air (comme celles pour les aquariums), d’une aiguille à ballon, d’un clapet antiretour, de quatre bouteilles d’eau, de deux mètres de tubes plastique transparents, de scotch opaque et de deux tuteurs en bambou pour offrir une stabilité à l’ensemble. Bref, une quarantaine d’euros et un peu de jus de crâne feront l’affaire. La tête en bas, mes bouteilles d’eau vides – taillées pour laisser sortir mes plantes et recouvertes, en partie basse, de scotch pour protéger leurs racines – se transforment en jardinières. Il me suffit ensuite de les empiler les unes sur les autres au-dessus du baril de lessive rempli d’eau enrichie. Place à l’arrosage. Ma pompe souffle dans un premier tuyau plongé dans le réservoir. Un passage dans le clapet puis dans l’aiguille et voilà que des gouttes d’eau remontent tranquillement dans le second tuyau fixé le long du tuteur pour atteindre le sommet de ma tour de Pise végétale. Il n’y a plus qu’a programmer l’attirail pour qu’il se mette en route quinze minutes toutes les heures !
Fiesta mozzarella
Enfin ça, c’est la théorie. Car en pratique, il suffit que l’aiguille soit un peu trop inclinée ou le tuyau un poil étroit pour tout faire capoter. L’eau ne remonte plus ou, pire, elle dégouline sur le parquet. Il ne manquerait plus que la tour s’effondre pour transformer mon petit cocon en porcherie. La bonne nouvelle, c’est que la communauté « window farm » revendique plus de 45 000 membres dans le monde, et comme le système est développé en open source, je trouve toujours un forum pour répondre à mes questions – ou baver de jalousie devant les clichés d’une ferme de compét, c’est selon. Les premières semaines, le déclenchement de la pompe et le glouglou de mes tomates qui sentaient venir l’heure du déjeuner perturbaient ma vie de jeune maraîchère des villes. Puis, petit à petit, mes plants ont eu fière allure. Je suis donc partie en vacances, confiante. Avant de décoller, j’ai mangé ma première fraise et jeté un œil à mes tomates envisageant déjà la fiesta mozzarella à mon retour. Manque de bol, mon potager sous perfusion n’a pas supporté mon absence. L’autopsie a été rapide : l’aiguille a rouillé dans le tuyau, ce qui a visiblement bloqué la remontée d’eau. Mes plants en sont morts, emportant avec eux mes tomates encore vertes. Tout est à refaire. Dans l’espace, sans rien d’autre à me mettre sous la dent, j’aurais vu rouge, comme la planète. —
A vous de jouer !
Pour fabriquer votre propre « window farm », vous trouverez de nombreux schémas, vidéos et conseils (en anglais) sur le site de la communauté
Avec du budget
Britta Riley est l’Américaine qui a popularisé le concept. Son entreprise livre des fermes clé en main. Pour économiser 200 euros, autant la construire soi-même.
Avec un cintre
Si vous voulez libérer l’espace au sol, vous pouvez aussi suspendre votre ferme à un cintre (solide). Dans ce cas, vous pourrez poser votre réservoir sur un appui de fenêtre, par exemple.
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