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28-05-2009

Hard discount et bio : l’union contre-nature ?

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Ed, Lidl, Leader Price : tous y prennent goût. Mais réussissent-ils à allier produits de haute qualité et prix ratatinés ? Les enseignes rechignent à dévoiler leurs secrets de mise en rayons.
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Ce n’est pas une blague : le hard discount se met au bio. Ed, par exemple, vend de la farine de blé, à 1,35 euro le kilo, des yaourts (2 euros le kilo), du café (2,07 euros le paquet)… et, seule excentricité de la marque, des galettes de riz complet (0,65 euros les 100 grammes). Grosso modo, le même packaging – du vert pomme avec « bio » écrit en gros – est employé chez Leader Price où les produits sont regroupés en bouquet dans les rayons pour faire masse… même si on ne dénombre qu’une vingtaine de références pour l’instant.

Le discount a donc lancé une offensive sur les produits issus de l’agriculture biologique. Ed avait sorti sa première bouteille de lait bio en 2003, mais le gros de ses produits bio siglés Dia – la marque propre du distributeur – a débarqué dans les rayons en 2007. Au total, une trentaine de références portent désormais l’estampille AB ou le label écologique européen, sur 2 800 dans les linéaires. L’enseigne annonce vouloir en mettre 10 de plus sur le marché d’ici à la fin 2009. A grand renfort de publicité, Leader Price vient lui aussi de lancer du bio sous sa propre marque. Quant à Lidl, mastodonte du secteur, il observe prudemment et se contente de tester la vente de fruits et légumes bio à Paris, dans le Sud et l’Est de la France. « ça part comme des pains au chocolat », fanfaronne le directeur adjoint d’un Leader Price implanté dans un quartier de Paris. En moyenne, dans son magasin, un client sur cinq passerait à la caisse avec au moins un de ces produits au fond du panier.

Impossible d’en savoir davantage du côté des discounters. On le verra tout au long de l’enquête, la discrétion – si ce n’est le mutisme – est de mise : Leader Price n’a pas donné suite à nos appels. Chez Ed, seuls les communicants ont parlé. Du responsable des achats de Lidl, à qui on demandait si les ventes étaient bonnes, nous n’obtiendrons qu’un : « Joker ». La communication, oui. La transparence…

Une certitude toutefois : si les discounters verdissent, ce n’est pas par militantisme. Il s’agit avant tout de profiter d’un secteur qui ne connaît pas la crise, et de soigner son image. « J’étais très sceptique, admet un gérant Ed de Caen, mais cette stratégie m’a apporté des clients un peu plus aisés que la moyenne, sensibilisés aux problèmes de santé. » Une stratégie qui n’est pas sans soulever quelques questions, tout de même…

Du bio discount peut-il vraiment être bio ?

Sur le plan « technique », la réponse est oui, sans inquiétude. « S’ils portent la marque AB, les produits sont contrôlés chaque année », assure Cécile Frissur, de Synabio, le Syndicat national des professionnels au service de l’aval de la filière agriculture biologique. « Ce n’est pas de la bio au rabais, c’est de la bio au ras des pâquerettes, précise Vincent Perraud, de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Avec la grande distribution, c’est le cahier des charges, et juste le cahier des charges [qui autorise jusqu’à 5 % de produits non issus de l’agriculture biologique et 0,9 % d’OGM, ndlr]. » Jusqu’aux-boutistes, passez votre chemin.

Bio ou pas, la méthode du hard discount pour écraser les prix est un peu la même. D’abord, offrez aux consommateurs un minimum de produits – et pour la gamme bio, des produits de base, très peu transformés –, que vous commanderez en très gros volumes. Cette règle de base vous permettra de négocier les meilleurs tarifs auprès des fournisseurs. Ceux-ci ont souvent deux cordes à leur arc : ils produisent à la fois pour la filière bio, et pour la traditionnelle. Résultat : ils lissent leurs coûts. Ensuite, mettez de côté les dépenses de recherche et développement. « Les produits bio des grands distributeurs sont parfois des “ copies ” de ce qui fonctionne ailleurs, rapporte Véronique Gallais, de l’association Action consommation. Mais ils y mettent toute la force marketing de leur enseigne, les font produire et les distribuent à moindre coût en mettant en concurrence leurs fournisseurs. »

Et c’est là qu’intervient la « discount touch ». Avant tout, ne lésiner en aucun cas sur la quantité. « Chaque semaine, on a pour environ 100 euros de casse en épicerie [des produits jetés car périmés ou abîmés], et 80 euros par jour en fruits et légumes, rapporte le gérant adjoint du Leader Price parisien. Mais il faut toujours avoir un bon rayon bien chargé à présenter aux clients. » Il faut donc en permanence réalimenter la gondole. Puis réduire les frais de main-d’œuvre. Chaque tâche, comme remplir les linéaires, passer les articles en caisse… est chronométrée. En revanche, il faut noter un bon point : la sévère cure d’amaigrissement en matière d’emballage.

Le bio peut-il être compatible avec une logique commerciale à grande échelle ?

« Pas forcément », répond Angélique Piteau, du Groupement agriculture biologique région Ile-de-France. Car le point sombre du hard discount reste la provenance des produits. « Les grandes surfaces vont là où le rapport qualité-prix leur paraît le meilleur, estime Vincent Perraud, de la Fnab. Ce n’est pas forcément en France qu’elles le trouvent. » Vus les volumes commandés, elles seraient d’ailleurs bien en peine de satisfaire tous leurs besoins dans un pays qui ne possède pas les capacités de production suffisantes. La chaîne Ed le reconnaît : « Nous rencontrons des ruptures ponctuelles sur les yaourts, produits à 100 % en France. »

Idem pour Lidl : « Nous sommes en phase de test, et c’est plus compliqué qu’on le pensait : parmi notre offre de fruits et de légumes frais, seule la pomme est d’origine française, les autres viennent de République dominicaine, d’Espagne, de Hollande, d’Italie, du Maroc…, énumère Jérôme Gresland, responsable des achats. Nous allons vers le bio progressivement, sans savoir si nous étendrons notre offre à tout le pays. Une demande massive de notre part mettrait le feu à la filière et provoquerait une explosion des prix, ce qui serait un contre-sens pour notre politique de tarifs bas. »

Quant au coût écologique de ces importations effectuées par camions et avions, il est considérable. « Mais à partir du moment où vous commandez une grande quantité de quelques produits, vous pouvez optimiser le transport », plaide-t-il. Pour rendre le tout encore plus complexe, selon le Synabio, les grands distributeurs n’importent, en proportion, pas forcément plus que le reste de la filière bio : « Les produits qu’ils commercialisent en plus grosses quantités – pain, œufs, produits laitiers, viandes… – sont d’origine française. »

A long terme, l’arrivée des Lidl et autre Ed sur le marché pourrait-elle justement accroître les surfaces cultivées, en offrant des débouchés aux agriculteurs convertis ?

« Elle permettrait de faire des volumes et d’éviter les à-coups comme en 2000 et 2001, lorsque des agriculteurs bio ont fait failllite car les filières de distribution n’étaient pas assez structurées pour absorber la surproduction, reconnaît Cécile Frissur. Mais nous ne sommes pas totalement rassurés : nous tentons de former et d’informer leurs acheteurs, de les convaincre de proposer un prix plancher ou des contrats pluriannuels aux fournisseurs qui leur garantiraient de ne pas être “ lâchés ” du jour au lendemain pour un concurrent moins cher... Ce n’est pas facile. » Et pour le consommateur, il est difficile de retracer l’origine de son produit : sur l’étiquette formatée de la marque du distributeur, on lit au mieux de laconiques « UE » ou « Non UE ». C’est pourtant lui qui, en dernier recours, pourrait arbitrer : « Si les produits bio ne flanchent pas malgré la crise, c’est que les consommateurs sont las de cette culture hypercapitalistique, estime Cécile Frissur. Les discounters ne pourront pas faire n’importe quoi. » 

Photos : Sébastien Ortola/Rea

Allen Yang/Ropi-Rea


HYPERS, SUPERS… VENDEURS NUMÉRO UN

Les grandes surfaces sont le premier lieu d’achats de produits biologiques en France : 72 % des personnes interrogées lors d’un sondage CSA pour l’Agence Bio les achetaient là, 45 % sur les marchés, 26 % dans les magasins spécialisés, 24 % à la ferme. Dans les grandes surfaces, les clients se procurent surtout des produits laitiers, du café, du thé, des produits à base de soja… ceux souvent représentés dans les gammes bio des discounters.

LE GRAND BOND EN AVANT DES LOW COST

En France, les 5 principales enseignes de discount – Lidl, Leader Price, ED, Netto et Aldi – totalisaient, en 2008, 14,3 % des parts de marché de la distribution, contre 9 % en 2000. 70 % des Français vont dans des hard discount, même occasionnellement, contre environ 43 % en 2007 (source Figaro-TNS World Panel). Et pendant que les hard discounters tentent d’améliorer leur image, grâce au bio notamment, les hypers essaient de rivaliser sur les prix. Comme Carrefour, qui lance sa nouvelle gamme Carrefour Discount, toute blanche, dotée de quelques produits bio.

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