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27-08-2013
Mots clés
Société
Alimentation
Agriculture
France

Faute d’abeilles, agriculteur cherche apiculteur pour pollinisation

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Faute d'abeilles, agriculteur cherche apiculteur pour pollinisation
(Crédit photo : L'Apistore - flickr )
 
Des apiculteurs frappés par le déclin des abeilles et des paysans aux champs moins fertiles s'associent pour recréer ce service naturel en voie de disparition.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Ils se sont trouvés sur un site de rencontre. L’un est agriculteur, l’autre est apiculteur. La raison de leur union : la pollinisation. Ce service, indispensable à la multiplication des semences potagères et oléagineuses (colza ou tournesol), est, en principe, rendu gratuitement par la nature. En principe, car « d’un coté le nombre d’insectes pollinisateurs décline, de l’autre, les besoins de l’agriculture augmentent avec les surfaces de cultures dépendantes de ces insectes, comme les variétés hybrides », résume Bernard Vaissière, chargé de recherche en pollinisation et écologie des abeilles à l’Inra (Institut national de recherche agronomique) d’Avignon (Vaucluse). Résultat : certaines régions d’agriculture intensive, comme la Beauce et ses plaines sans haies ni bosquets, sont confrontées à une pénurie de butineurs. Or, ceux-ci contribuent au moins à 30% de la fécondation des fleurs. Sans eux, certaines productions s’effondrent.

Pour y remédier, les agriculteurs multiplicateurs, spécialisés dans la production de semences oléagineuses, louent les ruches d’apiculteurs pendant les périodes de floraison. Pour ce faire, ils surfent même désormais sur un site dédié, Beewapi.fr à la recherche d’apiculteurs de leur région. Cette année, ils sont près de 2 000 a avoir été inscrits sur cette plateforme par les sociétés de semences auxquels ils sont rattachés. Et une centaine d’apiculteurs les ont rejoints.

Dégringolade des pollinisateurs sauvages

En lançant Beewapi.fr, semenciers et agriculteurs multiplicateurs ont franchi un cap. « Mais cette plateforme ne fait qu’institutionnaliser une pratique déjà très répandue », relate Amandine De La Forge, chargée de communication au sein de l’Union française des semenciers (UFS). « L’introduction de ruches a débuté dans les années 1970, confirme Bernard Vaissière. Longtemps, les insectes pollinisateurs, c’était comme la lumière ou le vent, personne ne se posait la question de leur action. » Mais entre 2004 et 2010, en France, le nombre de ruches a chuté de moitié (étude France Agrimer en pdf). Même dégringolade chez les pollinisateurs sauvages, bien que les pertes soient impossible à chiffrer.

Les butineurs se font alors remarquer par leur absence. « A ce moment-là, les agriculteurs prennent conscience que, pour une majorité de culture, la pollinisation par les insectes leur est indispensable », raconte Bernard Vaissière. Publications et conférences scientifiques à l’appui, le travail des abeilles est peu à peu perçu comme un facteur de production. La pratique a essaimé et en 2010, selon France Agrimer, les apiculteurs ont gagné 3 millions d’euros grâce à des activités de pollinisation.

« 15 à 90 euros par ruche »

« Beewapi doit nous permettre de nous parler plutôt que de passer notre temps à nous affronter », sourit Thomas Mollet, président de l’Institut de l’abeille (Itsap). Au cœur des tensions, les pesticides, soupçonnés d’affaiblir, de désorienter et au final de décimer les colonies d’abeilles. « Dans notre milieu, l’agriculteur conventionnel passe souvent pour un tueur d’abeille », reconnaît l’apiculteur. L’exemple de la pollinisation massive des amandiers californiens, véritable génocide d’abeilles rémunéré, ne rassure pas. De leur côté, les agriculteurs attendent eux aussi des gages de sérieux. Beaucoup redoutent de louer une ruche orpheline et craignent de payer pour des colonies en mauvaise santé. Autant de suspicions que Beewapi doit apaiser.

« Pour structurer nos relations de travail, nous élaborons un cahier des charges » précise Jean-Christophe Conjeaud, chargé du projet pour l’Anamso, l’Association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences oléagineuses. « Mais pour l’instant, la question phytosanitaire n’est pas tranchée », admet Amandine De La Forge à l’UFS. Car, à part quelques tentatives locales, comme la signature d’une charte dans le Lot-et-Garonne, semenciers et apiculteurs partent de zéro.

« Il n’y a ni gouvernance, ni règles, ni tarif minimum de la prestation » explique Benoît Guerry, responsable de la production au sein de l’entreprise Bejo, une multinationale de la semence. Par exemple, pour louer une ruche, un agriculteur multiplicateur débourse tantôt 15, tantôt 90 euros pour toute la période de floraison (entre une semaine et un mois), selon ses talents de négociateurs et ceux de l’apiculteur. Quant aux besoins, ceux-ci oscillent. « Les fraisiers de pleins champs, par exemple, ont besoin de 1 à 10 ruches par hectare », indique Bernard Vaissière.

Les abeilles devenues outil de production

Pour y voir plus clair, l’entreprise Bejo a créé, il y trois ans, son propre service de pollinisation. Ludovic Cauchard, responsable du pôle apiculture de l’entreprise est un spécimen rare. « En France, on est une poignée à être salariés pour une société de semences », estime-t-il. Avec leur petit millier de ruches, les trois apiculteurs du service fertilisent 250 hectares de choux, d’oignons et de carottes en plein air. Ils investissent 14 serres, espaces dont la pollinisation est traditionnellement réservée aux professionnels du bourdon. « Avec ce système, les abeilles sont considérées comme un outil de production à part entière, leurs besoins et leurs faiblesses sont donc pris en considération », se félicite Ludovic Cauchard.

Sur les parcelles non bios du semencier, « l’utilisation de pesticides est plus raisonnée », garantit Benoît Guerry. Si le responsable production ne veut pas tirer un trait sur ses partenaires butineurs, des règles de base régissent la cohabitation. « Eviter l’usage de phytosanitaires pendant la floraison, traiter la nuit pour que les abeilles n’aient pas les ailes collées par le produit », indique Thomas Mollet à l’Institut de l’abeille. Pour Ludovic Cauchard, ces mesures permettent déjà de limiter les dégâts. « Dans mes ruches, j’ai entre 10% et 15% de pertes par an », se félicite l’ancien apiculteur indépendant. A l’échelle nationale, la moyenne est de 30% .

« Pas de gaîté de cœur »

Mais ces premières précautions ne suffisent pas à convaincre Loïc Leray, membre du bureau national de l’apiculture (Unaf). « Ces produits ont une très forte rémanence, souligne l’apiculteur de Loire-Atlantique avant de développer, Quand il pleut, ils ruissèlent dans les sols où se nourrissent les plantes et on en retrouve des traces dans le pollen. Résultat, les abeilles s’intoxiquent en butinant. » La pollinisation rémunérée, Loïc Leray ne veut plus en entendre parler. Il y a six ans, alors qu’il venait d’emmener, comme chaque année, ses abeilles polliniser des arbres fruitiers, l’apiculteur récupère ses ruches dévastées, intoxiquées par les néonicotinoïdes. Il décide alors de se contenter de la production de miel, même les mauvaises années. « L’apiculture traverse une période difficile. Pour mes collèges, louer des ruches permet juste de souffler un peu financièrement, poursuit l’ancien président des apiculteurs de Bretagne et de Loire-Atlantique, mais je n’en connais aucun qui pollinise des parcelles non bios par gaîté de cœur. »

Ludovic Cauchard, lui, a presque changé de métier. Dans son vocabulaire, entrent désormais des notions de performance et d’optimisation. « Avant, l’apiculture, c’était souvent de la cueillette, l’activité consistait surtout à ramasser le miel. Aujourd’hui, les activités de pollinisation, d’élevage de reines ou de production de gelée royale deviennent de plus en plus techniques. » Depuis qu’il a rejoint Bejo, le spécialiste de l’abeille expérimente, sélectionne les meilleurs butineuses, scrute l’activité des ruches pour répondre au mieux aux besoins des producteurs. Une « maximisation de la pollinisation » sur laquelle travaille aussi Bernard Vaissière à l’Inra. « Que ce soit sur la charge en colonies par hectare, la taille des colonies ou leur conduite nous pouvons considérablement améliorer la gestion de la pollinisation », reconnaît le chercheur.

La marge de progression est pourtant limitée. « A elles seules, les abeilles domestiquées ne suffisent pas », reconnaît Bernard Vaissière. Une étude de Science Magazine réalisée dans 21 pays confirme : entre pollinisateurs sauvages et domestiqués il y a « complémentarité ». « Pour produire certaines semences de laitue, seules des abeilles sauvages sont capables d’assurer la pollinisation », illustre le biologiste. Un service de la nature auquel aucun professionnel ne saurait se substituer.

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