Episode 1 : autopsie d’un jour de campagne

Concentration, pression, adaptation : faire campagne c’est vivre une épreuve physique.

Chaque seconde est un combat, le rythme est tellement soutenu, les sollicitations tellement diverses, sérieuses et systématiques, que le candidat est obligé d’envisager son quotidien comme une course d’endurance. Le mental ne doit en aucune façon défaillir et se détourner de la ligne d’arrivée, de la distance qui l’en sépare, toutes les ressources du corps sont réquisitionnées. Porter le dossard numéro 2 vous autorise à penser au podium. De fait , ceux dont vous portez les couleurs autant que ceux qui les exècrent sont très attentifs à votre course. Je vous propose de vivre un moment de cette épreuve républicaine si particulière qui derrière les coureurs, engage tous les Aquitains.

Il est 8H, j’arrive pour mon premier examen autour d’un café croissant amical. La porte s’ouvre, je croiserai dans l’heure qui suit, ces cent paires d’yeux curieux. Xavier Darcos vient du pays basque, numéro 4 du gouvernement il ne lui arrive quasiment plus de vivre autrement que par le prisme de son identité politique et de ses traductions régionales et nationales. Il regrette que L’Aquitaine n’ait pas connu en 12 ans de gestion par M. Rousset la même embellie que Bordeaux transfigurée par M. Juppé dans la même période.

Très vite, les regards me dévorent à mesure que l’on comprend qui je suis, très vite aussi on me questionne, on me conseille, on s’étonne. Ils sont venus, c’est une démarche volontaire parce qu’ils ont des idées précises et en tout cas l’envie de connaître les nôtres. L’exercice est amical mais très soutenu. La déception n’est pas permise. Elle serait sacrilège.

Bientôt tous ceux qui avaient à dire, ont dit. Les analyses comme les espérances se rejoignent, c’est déjà l’heure de se quitter, de saluer les cent paires d’yeux rassasiés donc avisés et de fait plus ou moins ambassadeurs désormais de votre bannière.

Il est 10H. Nous rejoignons la permanence cours du chapeau rouge et l’état major aquitain en qualité de représentants de la gironde la Dordogne, les Landes, les Pyrénées atlantiques, le Lot et Garonne sont déjà en débat . Bientôt, le terrible sujet des listes ne tourmentera plus que quelques âmes quand depuis des mois il occupait la scène de façon abusive. Il faut mesurer à quel point le sujet est sensible : cohérence territoriale, politique, parité, renouvellement, expertise sont des critères croisés qui tracassent les égos et abîment les stratégies personnelles. Il est temps de rentrer très en détail sur notre programme en cohérence avec le projet politique. Il est absolument indispensable de confirmer que l’écologie y occupe une place transversale majeure.

11H Il faut courir, accepter que tout n’est pas été dit. Prioriser l’instant. Nous partons pour la réserve naturelle de Bruges qui fait partie de ces tout juste 2% de marais humides sur le territoire français. 2% seulement quand on sait qu’ils sont le réservoir vital de la biodiversité, que l’homme n’est qu’un élément de cette dernière, que 2010 est l’année internationale de la biodiversité et enfin et surtout que la région a désormais la responsabilité de mettre en place une trame verte et bleue. Nous chaussons nos bottes accompagnées d’experts associatifs régionaux qui rappelleront que mettre la nature sous cloche dans des réserves est salutaire, mais que connaître et protéger les transhumances par delà la cloche est tout aussi indispensable .

Énorme responsabilité des régions : car s’il est capital aujourd’hui de sauver des centaines d’emplois, il faut avec autant de détermination sauver toutes les espèces vivantes dont la disparition massive pourrait faire s’écrouler la chaîne de vie et mettre en danger bien plus que nos emplois. Il est temps de déjeuner et de plonger dans l’univers économique d’une quinzaine de chefs d’entreprises qui nous dresseront un bilan clair. Ces gens pressés qui créent des emplois alimentent les caisses des collectivités ne savent pas pour la plupart ce que leur apporte la région, s’étonnent que les élus en place n’aient finalement pas organisé l’attractivité de la région. Les critiques ne portent jamais sur la personnalité de M. Rousset dont tous reconnaissent la bonhommie mais plus sur son manque de leadership et de stratégie à long terme, bref de vision. L’alternative est requise ! Mais ce public là n’est pas acquis, il est à conquérir par la pertinence et uniquement par la pertinence de notre projet alternatif.

14H45 Xavier Darcos continue sa journée de campagne sur le même rythme de fou. J’abandonne ce tourbillon là, pour rejoindre mes collègues élus de Bordeaux. C’est jour de conseil. Aujourd’hui plus encore, la pression est vivace. Je défends mon travail sur la difficile question « de l’hébergement d’urgence au logement stable », j’y défends l’implication énorme de tous ceux qui ont participé à ce groupe qui depuis longtemps déplorent que certains élus fassent vivre de faux débats et portent des coups en dessous de la ceinture. Les débats seront pauvres et décevants. Le travail lui est téléchargeable, parfaitement vivant absolument indispensable pour éradiquer la pauvreté et faire vivre la solidarité. Quatre heures de conseil, à entendre tous les débats : chaque mot est utile. Etre élue de la ville exige de se préoccuper de tous les sujets, de tous les avis sinon comment être juste dans sa partie si on la traite ex nihilo ?

19H départ au pas de charge à la énième galette ce soir là dans la deuxième circonscription. Les mots d’encouragements fusent autant que les questions sur la liste, les avis les regards curieux. Encore et toujours je comprends ce besoin qu’ont les grands de créer une bulle autour d’eux avec la chair des membres de leur cabinet ou avec la force de leur pensée : une sorte de placenta émotionnel - le mien - se constitue inexorablement.

Il est 20H30, il est temps de sécuriser son rythme cardiaque de recouvrer les plaisirs de la pensée utile nous partons retrouver quelques vaillants pour reparler de ce programme, celui qui devra en 40 actions convaincre plus de 3 millions d’Aquitains de notre volonté, de notre sincérité, de nos capacités. Fin de l’autopsie d’un jour de campagne.

 Le blog d’Alexandra Siarri