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Du conventionnel au bio, la transition d’un agriculteur (épisode 1) : une histoire de famille

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Du conventionnel au bio, la transition d'un agriculteur (épisode 1) : une histoire de famille
(Reportage photo : Louise Allavoine pour « Terra eco »)
 
A Aulnoy, en Seine-et-Marne, Eric Gobard est un céréalier heureux… et de moins en moins traditionnel. Rencontre avec un paysan en mouvement.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Un sacrilège. Le visiteur qui débarque dans la ferme d’Eric Gobard, à Aulnoy (Seine-et-Marne) ne peut pas passer à côté de cette pierre levée, fièrement plantée dans l’herbe : « Ferme de Chantermerle ». L’agriculteur en parle avec un sourire coupable. « C’est une pierre que ma mère avait trouvée un peu plus loin, là-bas », lance t-il en pointant du doigt l’horizon derrière ses champs. « On l’a trouvé jolie, alors on l’a mise ici et on a gravé le nom de la ferme dessus. Plus tard, on a appris qu’elle avait des milliers d’années. On n’aurait pas dû y toucher, mais à l’époque on ne savait pas. » L’homme de 46 ans a l’habitude de se justifier. Il n’est pas à une originalité près. Celle de produire des céréales dans une zone réputée pour son lait et ses fromages. Celle d’avoir passé l’exploitation en bio malgré un père qui se serait « baigné dans les pesticides s’il avait pu ». Et surtout, celle de jouer sur trois tableaux : 57 hectares de bio, 73 en conversion vers le bio et 70 en conventionnel.

Mais ce n’est pas le goût des contradictions qui l’a poussé à ces choix. Quand il a repris l’exploitation familiale, le 1er juillet 2002, cet ancien responsable environnement sécurité dans une coopérative agricole, avait déjà du bio en tête. « Petit, j’aimais observer les insectes. Puis, au travail, j’ai suivi l’état de santé des personnes qui enrobaient les semences d’insecticides. Cela a suffit à me convaincre. » Sauf qu’en reprenant l’exploitation familiale centenaire l’agriculteur hérite aussi des contrats signés par son père. « Je n’avais pas le choix, il fallait les honorer, lance t-il. Pour mon père, les pesticides étaient synonymes d’une grande marche en avant. Il est passé d’une production de 48 quintaux à 102 grâce à eux ! Moi, je venais de m’installer. Il fallait d’abord que j’apprenne mon nouveau métier avant de tout chambouler. » Eric opte donc pour l’agriculture raisonnée, avant de se lancer dans le bio, en 2009.

L’eau d’abord

A l’époque, la chambre d’agriculture lui conseille d’essayer sur un tiers de l’exploitation. Il fait donc entrer une partie de ses terres dans une rotation de cultures sur neuf ans : luzerne, lin, blé, féveroles, haricots, épeautre, sarrasin. Quatre ans plus tard, il entame la conversion d’un autre tiers. Mêmes cultures, mêmes rotations. « Sauf que l’année dernière, mon lin bio s’est vendu trois fois plus cher que celui en conversion, grâce à la certification. » A la lisère d’un champ, son œil détecte quelques fleurs intruses. « Les voisins diront que ma parcelle est sale. En fait, elle est juste vivante, lance t-il. Je ne suis pas là pour faire de la monoculture. »

La partie conventionnelle de son exploitation se situe au plus loin de la ferme briarde en pierres blanches où il vit avec sa femme et ses quatre enfants, de l’autre côté de la route étroite qui conduit à l’exploitation. Eric y cultive de la betterave, du triticale, de l’avoine, du maïs et des semences potagères. Ce n’est pas la volonté de se protéger, lui et sa famille, qui a orienté ce choix, mais une question d’eau. L’exploitation d’Eric Gobard se trouve en effet en amont d’un des 500 « points de captage Grenelle », désignés en 2009 par le ministère de l’Agriculture comme les plus menacés par les nitrates et les produits phytosanitaires. L’agriculteur a choisi l’emplacement de ses parcelles bios pour le protéger. L’année prochaine, il convertira ses dernières terres à l’agriculture biologique. « Parce qu’il faut prendre son temps », dit-il, mais aussi parce que ses champs accueillent, depuis 2011, des scientifiques de l’université parisienne Pierre-et-Marie-Curie.

Devenir mauvais

Quand on regarde ses étendues vertes, à peine remarque-t-on les différents capteurs aux allures de boites aux lettres. Six chambres automatiques capturent de l’air quatre fois par jour et télétransmettent aux chercheurs des données sur la présence de gaz à effet de serre au-dessus des champs. Sous les racines, ce sont une cinquantaine de tubes en PVC, enfoncés à un mètre de profondeur, qui mesurent la concentration de nitrates dans les eaux lancées vers les aquifères. « Eric a du bio et du conventionnel. C’était l’idéal pour nous permettre de comparer les systèmes, explique Josette Garnier, directrice de l’équipe qui mène ces recherches prévues pour durer une ou deux années supplémentaires. On l’a rencontré grâce au bouche à oreille. Il s’est tout de suite montré intéressé. C’est le genre de thématiques qui le passionnent. »

En attendant 2016, Eric Gobard est donc un agriculteur bio qui a, chez lui, un « hangar de produits de protection des plantes », comme l’indique pompeusement le panneau cloué sur l’édifice en bois. A l’intérieur : des bidons de phytosanitaires stockés dans une chambre froide. « Les produits de la mort », lance l’agriculteur, un brin provocateur. Certains sont autorisés en agriculture biologique, et pourtant, « il y en a plein que je n’ applique pas, de peur que nos voisins nous accusent de ne pas être vraiment bios. » Dans un rayon de quinze kilomètres, ceux qui ont pris le même chemin que lui se comptent sur les doigts de la main. Même sur les parcelles classiques qu’il pourrait arroser de pesticides, Eric dit avoir la main légère. « Mes productions sont surement inférieures à celles de mes collègues. Quand un agriculteur passe au bio, il devient mauvais en conventionnel. »

Wanted : des semences et des aides

Ses rendements, Eric Gobard les connaît par cœur. Pour le lin, les haricots et la luzerne, il produit autant en bio qu’en conventionnel. Pour la féverole, c’est 15% à 20% de moins. La seule perte importante concerne le blé. « En passant en bio, j’ai perdu 40% de ma production. » Et l’agriculteur de se justifier : « C’est parce que les ingénieurs ont pris du retard dans la sélection des semences les plus résistantes. Jusqu’à maintenant, ils se sont focalisés sur les plus réactives aux pesticides. Dès qu’ils auront travaillé sur les semences bios les plus efficaces, nos rendements augmenteront. »

L’agriculteur dévoile volontiers ses petits calculs aux conventionnels curieux ou intéressés qui viennent régulièrement lui rendre visite. « C’est aussi notre rôle de montrer aux personnes installées depuis longtemps qu’une autre agriculture est possible et qu’elle peut être rentable, à condition d’être soutenue. »

A lire sur Terraeco.net : « Du conventionnel au bio, la transition d’un agriculteur (épisode 2) : une histoire de gros sous »

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9 commentaires
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  • Bravo ! J’espère que de plus en plus d’agriculteurs vont suivre l’exemple et passer en agriculture biologique !

    3.05 à 08h06 - Répondre - Alerter
  • Voici plusieurs années que nous ne mangeons plus de mammifères car même en bio il existe en grande majorité bqc de maltraitance...
    Petits enlevés à la naissance, castration à vif, conditions d’élevage limites bio ex des porcs bio qui ne voit jms le jours, que deviennent les femelles non commercialisables (?) et surtout la mort violence douloureuse non laïque dans la quasi-totalité des abattoirs français avec ‘’sacrificateur religieux’’, les bêtes mammifères sont égorgés à vif avec mort lente et bqc de douleurs ! non ?
    Prenez contact, courage, avec les grandes enseignes bio dont la grande distribution ainsi que les certificateurs avec les producteurs – coordonnées sur les étiquettes des produits.
    Les réponses quand elles existent sont vagues, imprécises, idylliques et quand vous demanderez les preuves avec les cahiers des charges... avec témoignages... plus que de rares et courageuses réponses…
    Donc dernièrement recherches sur les conditions de vie, jours qui suivent la naissance pour les mâles et retraite plus exactement réforme, mort des brebis et des chèvres de nos fromages !!! Un des fournisseurs des buches de chèvres des biocoop s’est mis en colère ! J’ai enregistré la fin de la conversation… les consommateurs ne doivent pas poser de questions… la vie des chèvres est belle – 5 ou 6ans maximum en élevage, une chèvre vie normalement 14ans…, après le départ pour la réforme … silence !
    Trop de difficultés dans les élevages… mais oui les pompiers, infirmières, profs, policiers ont aussi bqc de risques et de responsabilité, de burn-out et ils sont aussi très mal payés !....
    En bref le bien être du bio est limité à la vitrine des champs avec l’herbe verte…
    Un petit film sur les gentilles chèvres toutes douces qui viennent chercher des caresses… écouter, imaginer leurs dernières minutes !

    www.youtube. com /watch ? v=Y5VJaff-FNE
    Viande de chèvre de réforme : nouveau débouché pour la filière Caprine ?

    idem bœuf : bio et halal c’est plus pratique : dixit responsable abattoir bio Concarneau

    Écouter 156mn, 2.36mn !!!
    Trahison pour les animaux et les consommateurs qui pense le bio sans maltraitance animal !
    Cupidité !!! la mort doit être rapide sans souffrance surtout en bio !

    Réagissez avant que plus encore deviennent VEGAN

    20.08 à 17h51 - Répondre - Alerter
  • Un récit exemplaire à diffuser ! bravo et merci pour l’espoir que beaucoup d’autres rejoingne cette pratique plus libre.

    De nombreux agriculteurs réfléchis s’y intéressent ou s’y sont déjà mis. Continuons le PROGRES réel !

    1er.06 à 12h30 - Répondre - Alerter
  • La démarche est très intéressante, en termes de conversion progressive, mais également par l’implication du CNRS sur la qualité de l’air et de l’eau.

    Cependant, je suis persuadé que la recherche de semences bio plus efficaces conduira à délaisser les qualités nutritives et gustatives. Il suffit de comparer les fruits et légumes bio de supermarchés à ceux distribués en amap pour avoir déjà un aperçu des différences gustatives.
    S’agissant des qualités nutritives, je vous invite à lire l’article de Terra eco : http://www.terraeco.net/Pourquoi-un...

    Et puis, cet agriculteur cultive 210 hectares de céréales, qui doivent lui apporter un revenu peut être pas beaucoup plus élevé que celui de mon producteur en amap qui dispose d’une ferme de 4 hectares.

    20.05 à 12h33 - Répondre - Alerter
  • Bravo ! on souhaite que de plus en plus d’agriculteurs suivent votre exemple

    19.05 à 17h13 - Répondre - Alerter
  • le genre d’expérience qui séduira forcément les autres agriculteurs présents autour de cet agriculteur .Bravo à lui .

    Dans mon potager , mon petit jardin

    (les tuyaux d’irrigation sont là par mesure de sécurité en cas de grosse sécheresse ,mais je n’ai pas l’intention de trop m’en servir , je laisse mes plants s’adapter et je selectionnerai les graines au fur et mesure de ceux qui auront le mieux resisté

    méthode ancienne , conventionnelle (une erreur je n’avais pas l’intention de le faire comme ça ) http://hpics.li/b08bd5d

    méthode "bio " http://hpics.li/de0c4b8 je laisse l’herbe entre chaque pied même si j’éclaircie autour de temps en temps . j’ai semé aussi des engrais verts dans le rang ( phacelie , moutarde etc ) . je préfére ça à un sol complétement paillé car des plantes vivantes sont des capteurs solaires , elles structurent le sol en profondeur à coté des mes plants (tomates sur la photo ) et produisent plein de molécule organique que les autres ne savent pas forcément fabriquer .

    plus le jardin devient " sauvage " plus il devient beau . Hier soir j’ai pu observer des vers luisant au milieu des herbes hautes . Quand vous passez en bio vous vous régalez d’observer l’évolution de la faune et la flore .

    19.05 à 09h14 - Répondre - Alerter
  • Quel bonheur de lire des choses comme ça, ça redonne confiance en l’avenir !!!
    Bravo

    19.05 à 09h14 - Répondre - Alerter
  • Continuez , ne vous decouragez jamais , de plus en plus de monde ira dans votre sens, le bio , c ’est l avenir et c ’est grâce à des gens comme vous que l avenir devient présent.
    MERCI

    18.05 à 15h28 - Répondre - Alerter
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