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28-03-2010
Mots clés
Médias
Bois-forêts
Afrique
Reportage

Congo : la radio des maux de la forêt et des Pygmées

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Congo : la radio des maux de la forêt et des Pygmées
 
La radio Biso Na Biso a bouleversé les liens entre communautés nomades, villageois et exploitants forestiers. Bilan : un meilleur respect du poumon vert qui les abrite.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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(Au Congo-Brazzaville)

A Ndoki, au nord de la forêt du Congo-Brazzaville, les journées sont rythmées par un nouveau rendez-vous. Au milieu de l’après-midi, ce petit campement de Pygmées voit débouler sur les chemins poussiéreux les enfants du village, courant rejoindre les adultes. Tous se pressent autour d’un poste de radio. Particularité de l’« attraction » : l’objet fonctionne sans pile, grâce à une dynamo et des panneaux solaires. Et suit donc facilement les déplacements successifs de la communauté. Mais surtout, c’est la première fois que les ondes parviennent à percer l’épaisse forêt et à parcourir les dizaines de kilomètres séparant le camp du bourg le plus proche, Pokola. Cerise sur le gâteau : une partie des émissions est retransmise en mbendjele, l’un des dialectes parlés par les Pygmées dans le Bassin du Congo, deuxième plus grand massif forestier au monde après l’Amazonie.

Enrayer le braconnage

Le nom de la petite révolution qui bouleverse les habitudes du « peuple de la forêt », c’est Radio Biso Na Biso. Son but ? Faire le lien (son nom signifie « entre nous ») entre les populations que tout oppose, mais qui se croisent aujourd’hui aux alentours de Pokola : des villageois de toujours, des migrants en quête de travail, des expatriés et des Pygmées, qui rejoignent les villages grâce aux pistes ouvertes par l’exploitation forestière locale, la Congolaise industrielle des bois (CIB). « Pokola est devenue un carrefour de communautés et il est vraiment nécessaire qu’elles échangent entre elles », estime Privat Massanga, l’un des deux coordonnateurs de la radio, lancée début 2009.

Dans cette région enclavée, accessible après plus d’une heure de navigation poussive sur le fleuve Sangha, la cohabitation souffre quelques couacs. Les Bantous, l’ethnie majoritaire des villageois, n’hésitent pas à exploiter les Pygmées contre quelques bouteilles d’alcool de palme. Les engins forestiers massacrent parfois des arbres chargés de fruits ou abritant des termitières, essentiels pour ceux qui tirent leurs ressources de la forêt. Les Pygmées, eux, ne comprennent pas pourquoi il est interdit de chasser la viande de brousse. Chaque semaine, Pulchery Ekanga, une jeune journaliste locale formée sur le terrain, se débat avec ces questions dans son émission « Allo Forêt ». « Je pars en brousse pour donner la parole à ceux qui y vivent et faire remonter les problèmes, raconte-elle. Les forestiers viennent y expliquer pourquoi la lutte contre cette chasse est importante. » Celle-ci a été instaurée quand la CIB a décroché sa certification « Forest Stewarship Council » (FSC), garantissant une gestion durable des ressources forestières. Pour l’obtenir, la société a dû, entre autres, s’engager à enrayer le braconnage.

Tabous et polémiques

Les émissions de la nouvelle radio font aussi jaser dans les cases de Pokola : pour l’émission « Vox Populi », Damase Moundongue trimballe son micro dans les allées du marché local et soulève quelques tabous, questionnant ici sur la polygamie, là sur la prostitution… Dans « Parole de femmes », Lydie Koungou invite des « mamans » exemplaires, pour encourager les jeunes filles à suivre leur voie. « Lady » donne quant à elle la parole aux médecins pour combattre les mauvaises pratiques alimentaires et médicales. Pour toucher un large public, les émissions sont diffusées en plusieurs langues, dont le lingala, le bonguili et le mbendjele.

Plus de 1 000 postes de radio ont également été distribués dans la forêt. A Biso Na Biso, on mesure le succès à l’encombrement des lignes téléphoniques. « Les gens n’arrêtent pas d’appeler. Ils nous demandent d’aborder de nouveaux sujets ou de revenir sur certains parce qu’ils aimeraient mieux comprendre. Sans compter les requêtes musicales ! », explique Damase, en charge du portable submergé d’appels.

« Biso Na Biso est la toute première radio communautaire d’Afrique centrale », se félicite Jerome Lewis. Cet anthropologue de la London School of Economics a vécu plusieurs mois parmi les Pygmées. Son expérience a permis de développer cette initiative, soutenue par la CIB, l’ONG The Tropical Trust Forest, la Fondation Chirac et la Banque mondiale, qui ont financé le projet à hauteur de 600 000 euros, sur trois ans. Le chercheur britannique voit déjà plus loin. « Ces radios communautaires peuvent améliorer les conditions de vie dans d’autres forêts. A terme, ces radios pourraient échanger et mettre en commun les problèmes et les solutions des habitants des forêts des quatre coins du monde. » —


UN « MODELE A EXPORTER »

Biso Na Biso est une radio communautaire originale, car elle s’adresse à des communautés hétéroclites réunies dans un même environnement. « C’est un modèle à exporter dans d’autres forêts car partout, l’avancée de la foresterie dans les terres vierges crée de plus en plus de cohabitations problématiques », explique l’anthropologue Jerome Lewis. Autres exemples : Madanpokhara, qui émet sur les contreforts himalayens, ou une radio dans le village péruvien de Marankiari Bajo.

Photo : Alice Bomboy

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Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

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  • Anonyme : Radio +, CIB -

    L’information est précieuse, comme les bois rouges tropicaux. Elle circule facilement avec la radio, d’autant plus que le message est transmis dans les langues locales.

    Cependant subsiste le contraste entre les avancées environnementales du programme FSC et les injustices humaines qu’il laisse perdurer.

    "Avant", les pygmées pouvaient chasser toute la viande qu’ils voulaient, sans compromettre l’équilibre naturel local. La chasse était pratiquée à la force du poignet et du mollet, sans l’aide de sources d’énergie autres que le soleil qui fait pousser la nourriture de ces semi-nomades. La faune trouvait refuge dans un habitat dense et vaste. La faible densité de population et la frugalité de leurs mœurs limitaient la prédation humaine.

    "Depuis", l’occidental est venu avec le fusil, l’automobile sous toutes ses formes et encore toutes sortes d’outils. Les bois précieux qui avaient de tout temps attisé la convoitise des marchands trans-sahariens puis des caboteurs européens, sont alors exploités à un rythme plus soutenu. La forêt se morcelle. L’abattage des arbres les plus précieux laisse des plaies durables dans la forêt. La faune souffre du délabrement de la forêt. Elle n’y trouve plus sa nourriture ou bien ses refuges, ce qui conduit à sa raréfaction, voire sa disparition.

    "Enfin", le programme FSC apparaît, frêle îlot d’espoir dans cet océan de destructions. Mais il ne peut empêcher que l’homme fortuné (d’occident ou d’orient, aujourd’hui) peut continuer à imposer sa loi aux habitants de ces forêts, en les privant du droit de chasse, alors qu’un peu de viande, de temps en temps, leur apporterait joie et santé, ceci afin que l’homme fortuné puisse continuer à jouir de son droit de jouir du contact de bois tropicaux précieux, tout en continuant de manger son steak biquotidien.
    Les rôles sont inversés ! Le FSC ne représente que les prémices d’une amélioration de la situation catastrophique apportée par la surexploitation, aux profits des économies occidentales. Au rythme où vont les négociations internationales et la prise de conscience environnementale dans nos sociétés fortunées, cette amélioration aura tôt fait d’être annulée par un effet rebond du genre : "Ah ben si c’est moins critiquable d’acheter du bois tropical FSC, je peux en prendre un peu plus alors !"
    L’idéal serait une limitation drastique de l’exportation des bois tropicaux, par l’abandon des concessions aux non-autochtones, par l’imposition de la transformation locale des bois, par un renchérissement significatif des tarifs douaniers et des coûts de transport. Naturellement, une moralisation de la vie locale est absolument nécessaire.

    L’homme fortuné peut trouver suffisamment de bois nobles près de chez lui !
    Le commerce des bois tropicaux ne sert qu’à flatter l’orgueil de certains qui se croient valorisés par le luxe. Ils en établissent les standards, basés sur l’exotisme et la domination. Ils vivent dans ce luxe qui n’ajoute toutefois aucune once de valeur à leur personnes. La publicité étend la contagion de cette vanité au grand public, ce qui démultiplie la demande en bois tropicaux.
    Et les populations locales font les frais de ces excès. Elles doivent adapter leur mode de vie aux standards édictés par l’OMC.

    Alors oui à une radio locale, en langues locales. Que ces peuples apprennent la vraie valeur de leurs vies, de leurs cultures et de leur environnement et qu’ils se les approprient de nouveau. Puissent-ils apprendre que le modèle de vie qu’ils entr’aperçoivent, au travers de l’organisation et des équipements de la Congolaise industrielle du bois (CIB) ou lors de leurs visites à la ville, que ce modèle de vie est en grave crise. A commencer que la CIB a licencié 665 agents, juste avant Noël 2009, sur un total de moins de 2000, rentabilité et crise économique mondiale obligent ! Qu’ils sachent se protéger de la contagion de l’illusion des bénéfices qui leurs sont promis par la mondialisation des échanges économiques. Qu’ils se réconcilient entre eux et avec leur forêt.

    7.04 à 00h21 - Répondre - Alerter
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