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innovation politique

Par Rodrigue Coutouly
11-04-2013

Comment la taxation carbone doit servir à financer la transition énergétique ?

Dans un article précédent, nous avons expliqué pourquoi il fallait affecter les recettes de la fiscalité environnementale aux investissements permettant la transition énergétique. Allons maintenant plus loin et regardons de quelle manière, cette démarche peut se mettre en place.

Examinons d’abord, la tentation actuelle du gouvernement français d’utiliser cette manne pour réduire le déficit. Si les recettes de la taxation carbone sont directement employées pour cela, celle-ci sera une charge pour les acteurs économiques (entreprises et ménages) sans profiter à l’économie, bridant notre compétitivité. Le prix politique de cette mesure sera élevé car les électeurs considéreront qu’il s’agit d’un nouvel impôt au profit de l’Etat, sans contrepartie pour eux.

Si, par contre, on se sert de cet argent pour faciliter les investissements dans la transition, les avantages se cumulent : création d’emplois, relance de l’activité économique, réduction des charges liées à l’achat d’hydrocarbures, limitation de notre dépendance commerciale à ses ressources importées, augmentation des impôts des entreprises et des salariés travaillant dans l’économie de la transition. Il y a donc ici un processus cumulatif multipliant les aspects positifs d’une démarche incitative.

Les avantages politiques de cette démarche ne sont, eux aussi, pas négligeables : tout en confortant la minorité écologique de l’électorat qui réclame une taxation carbone, elle va offrir des subventions à l’investissement aux ménages et aux entreprises, relancer les secteurs du bâtiment (isolation) et celui des énergies renouvelables, procurer des emplois. Les électeurs auront une vision favorable de cette politique.

Cependant, ces choix peuvent être "mal menés". Si on créé une taxation carbone globale que l’Etat récupère et redistribue d’une manière opaque ou inégalitaire, on rate les objectifs de l’opération.

Nous proposons ici, une méthode, celle des contributions incitatives, qui permet de "rentabiliser" les avantages attendus de cette démarche. Nous allons maintenant la décrire. Pour en expliquer les ressorts, on va s’appuyer ici sur une de nos propositions récentes : la contribution incitative sur le diesel. Nous renvoyons le lecteur à la lecture de ces articles, lecture nécessaire pour éclairer et préciser l’analyse que nous développons ici.

La précision fiscale de la démarche : la majorité des défenseurs de la taxe carbone imagine une fiscalité indifférenciée qui s’applique à toutes les émissions, d’une manière suffisamment forte pour dissuader les acteurs économiques.

Il s’agit d’une vision simpliste : les problèmes environnementaux sont complexes et étroitement connectés aux enjeux économiques. Il faut donc faire du "cousu main", être précis.

Illustration : la taxation sur le gasoil n’est pas seulement un problème d’émission de carbone, elle concerne plutôt l’émission de poussières nocives pour la santé. Mais le diesel est aussi un défi industriel : toute l’industrie automobile française doit ses succès des dernières décennies à des moteurs diesel performants.

Proposition : les recettes fiscales de l’augmentation du prix du gasoil sont affectées à des subventions à l’achat de véhicules hybrides ou électriques, subventions qui viennent s’ajouter au bonus dont profitent déjà les acheteurs de ces véhicules. Les constructeurs français étant performants dans l’électrique (Renault) et dans l’hybride (Peugeot), cette démarche les favorise, tout en accélérant le renouvellement du parc automobile.

C’est en multipliant les petites et précises démarches contributives que l’on atteindra les objectifs recherchés, non en instaurant une lourde et impopulaire taxe carbone, aux effets collatéraux dévastateurs.

La progressivité fiscale de la démarche : la majorité des défenseurs de la taxe carbone milite pour une fiscalité forte, pour qu’elle soit réellement dissuasive.

Il s’agit d’une représentation coercitive de cette fiscalité, celle d’une punition qui aurait pour conséquence un changement de comportement.

Les professionnels de l’éducatif (dont l’auteur de l’article fait partie) savent pourtant qu’une sanction n’a aucune chance d’aboutir sans accompagnement éducatif, sans se donner les moyens d’accompagner la sanction d’explications et de solutions qui permettent d’éviter la "récidive".

Nous défendons l’idée que la fiscalité doit être faible d’abord puis doit augmenter ensuite progressivement. Ce processus, annoncé d’emblée, assumée par les pouvoirs publics sur le long terme d’une décennie, rendra légitime et acceptable un impôt nouveau mais disposant d’une dynamique et d’une image originale.

Par exemple, pour mettre au même niveau, la taxation du diesel et de l’essence, nous proposons d’étaler ce rattrapage sur plus d’une décennie. A raison d’une augmentation d’un centime par an, cela se fera naturellement et graduellement. Cette mesure sera acceptée puisque les bénéfices de cette opération vont revenir aux automobilistes sous la forme de subvention à l’achat de véhicules hybrides ou électriques.

C’est en instaurant une fiscalité progressive que l’on va pouvoir créer une dynamique de changement : connaissant l’augmentation à la pompe du diesel, les acteurs économiques vont pouvoir anticiper, faire des choix rationnels en connaissance de cause. Une taxation carbone brutale et erratique va provoquer crispation, résistance, pression divers pour y échapper, sentiment d’injustice : cela sera contre-productif.

La justice fiscale de la démarche : les défenseurs de la taxe carbone défendent souvent des mécanismes de compensation (chèque vert) ou d’exonération pour les plus démunis. Ces approches posent des problèmes de seuils (où arrêter la compensation ou l’exonération ?) et ne permettent pas aux pauvres de participer à la transition.

Nous défendons une autre démarche : l’utilisation de l’argent récolté par la contribution doit être distribué en fonction des revenus de l’acteur concerné.

Un ménage en difficulté, ou une petite entreprise aux marges financières étroites disposera de subventions à l’investissement importantes. Un ménage aisé, ou une grande entreprise multinationale ne pourra pas en bénéficier. Entre les deux, une progressivité sera instaurée.

Ainsi, la contribution (l’impôt) sera payée par tous, en fonction des émissions et des pollutions engendrées, mais l’incitation à investir pour la transition sera proportionnelle à la richesse de chacun.

Par exemple, pour la taxation diesel, la subvention pour l’achat d’un véhicule hybride ou électrique, va varier. Un ménage gagnant plus de 10000 euros par mois ne pourra pas en profiter. Un particulier dont les revenus sont inférieurs à 1500 euros par mois va pouvoir disposer, au contraire, d’une subvention maximale qui va faciliter son achat.

C’est en instaurant une fiscalité juste que l’on va permettre son acceptation par la population. Dans la démarche décrite ici, personne n’est perdant, chacun est gagnant puisque le riche pourra investir dans la transition comme le plus démuni.

Réussir la transition écologique, proposer une fiscalité environnementale de qualité sont étroitement liés. Nous avons voulu montrer ici que cela ne s’improvise pas et réclame une réflexion aboutie qui ne fait pas l’impasse sur la complexité des problèmes rencontrés. Précision, progressivité, justice : la démarche choisie est résolument conçue pour permettre une pédagogie du changement. C’est indispensable si nous voulons nous donner les moyens de sortir des ornières politiques, économiques et environnementales dans lesquelles nous nous sommes fourvoyés.

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