Quand on veut faire des calculs inédits à Terra eco, dégainer des bilans carbone encore jamais tentés, on a l’obligation d’être humble. Et d’attraper le problème par le minuscule bout de la lorgnette. Première règle : ne pas s’emballer. Si l’impact de l’éruption islandaise pèse sur toute l’Europe, nous ne pourrons l’évaluer entièrement. Contentons-nous de la France, ce sera déjà ça.
Un, deux, trois, c’est parti ! On commence par un constat simple : l’aviation en France, c’est 19,9 millions de tonnes de CO2 envoyées dans l’atmosphère (en tout cas en 2008). Soit 54 520 tonnes rejetés chaque jour. Si on estime (en exagérant légèrement) qu’aucun avion n’a décollé ou atterri entre samedi et dimanche, nous voilà avec 109 040 tonnes de CO2 en moins pour ce joli week-end de printemps. On en respire d’aise.
Mais attendez, ce n’est pas fini. Car ces derniers jours, la SNCF était aussi de la partie. En tenant fermement leur piquet de grève, les agents récalcitrants ont rayé de la carte environ 20% du trafic (en fait 17% des Transiliens, 23% des TER, 10% des TGV, 25% des Intercités, 37% des Corail et Téoz. Mais soyons humbles, disions nous, donc un brin schématiques). En 2008, les trains de la SNCF ont émis 915 469 tonnes de CO2 soit 2508 tonnes par jour. Sur deux jours, 20% en moins, c’est donc 1003 tonnes de petites molécules de dioxyde de carbone épargnées à l’atmosphère. Ajoutées au bilan de l’aviation, nous voilà avec un peu plus de 110 000 tonnes de CO2 économisées sur le week-end. Ça ne vous dit rien ? Et bien, c’est en gros l’équivalent de 123 vols Paris-Miami. Bref, l’environnement remercie l’Islande et son volcan.
Des ferries plus remplis mais pas plus nombreux
Satisfait du labeur accompli, on en mettrait presque les pieds sur la table… Sauf que voilà. Boudés par les avions, découragés par l’engorgement des gares, les Français n’ont pas tous opté pour le jardinage, ni décidé de prolonger leurs vacances à l’étranger. Têtus, certains ont décidé coûte que coûte de se déplacer.Il y a d’abord ceux qui ont voulu traverser la Manche et pris d’assaut les terminaux des ferrys. Contactés au téléphone, P&O, Brittany Ferries et SeaFrance dispensent tous le même discours. Le nombre de passagers embarqués a augmenté, mais pas le nombre de bateaux en partance. Ouf. La calculette peut rester au placard. A moins que… La compagnie Eurostar, elle, a augmenté le trafic ce week-end pour aider les passagers en détresse. 16 trains supplémentaires en tout ont sillonné le territoire. « Mais dans tous les sens », précise-t-on. A considérer néanmoins que ces trains ont parcouru en moyenne la distance Paris-Londres soit 492 km engloutis 16 fois (et sachant qu’un TGV émet en moyenne 600 grammes au kilomètre), nous voilà avec près de 4 700 kg de CO2 sur les bras. C’est peu. Mais la balance environnementale penche moins du côté « tout bénef ».
Où les automobilistes ont-ils bien pu filer ?
Et Eurostar n’est pas la seule entreprise à avoir fait du zèle. Les transports en bus Eurolines ont à leur tour accéléré la cadence. Au départ de Paris, la compagnie a doublé ses départs, affrétant de 60 à 65 cars contre 30 habituellement samedi puis dimanche. Mais où donc sont-ils allés ? Vers la mer ? La montagne ? La Suisse ? L’Espagne ? Impossible à savoir. On a beau taper sur la calculette, elle refuse de s’en mêler.Et c’est encore pire si on lui parle voitures. Pourtant, pris à la gorge par l’annulation des vols, de nombreux Français ont opté pour leur bonne vieille auto. Bison Futé a classé le week-end orange. Au Centre national d’information routière, on précise : « Nous avons enregistré ce week-end une augmentation de trafic de l’ordre de +16 % dans le sens des départs et +13 % dans le sens des retours, soit +14 % dans les 2 sens par rapport au week-end de référence de 2008 ». Mais là encore, où ces automobilistes ont-ils bien pu filer ? A des milliers de kilomètres de la France ou chez grand-mère, au bout de la départementale ? Sans kilométrage, pas de CO2. Et sans CO2 pas de bilan. On aura bien tenté. La calculette de Terra a ses limites.
On se permet juste de risquer une petite image. Pour rattraper les 110 000 tonnes de CO2 évités par l’aviation, il aurait fallu que 850 000 Twingo supplémentaires parcourent chacune 1 000 kilomètres ce week-end. Car l’avion pèse lourd sur l’ardoise française. Alors vive le volcan islandais ? Une chose est sûre, les riverains des aéroports ont apprécié l’accalmie, le ciel bleu azur, le chant retrouvé des oiseaux. Et tous les autres ont eu l’occasion de méditer sur la démonstration de supériorité de Dame Nature. C’est déjà pas mal, non ?
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