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27-04-2010
Mots clés
Energies
Etats-Unis
Chronique

L’Amérique en pleine contradiction climatique

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L'Amérique en pleine contradiction climatique
 
Dans quelques semaines, le Président Obama devrait relancer l’adoption de la loi sur le climat. Mais à Washington, on murmure qu'il s'agira plutôt d'une loi sur l’énergie. Tour d'horizon des forces en présence.
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- Par Yves Mathieu, directeur de Missions publiques

Récemment j’ai entendu Kathy Zoi, « assistant secretary » du Département de l’énergie en charge des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique insister sur la stratégie de développement des nouvelles énergies du gouvernement américain, les fonds de relance et le besoin de créer des emplois immédiatement dans l’économie américaine.

L’échéance de COP16 à Cancún au Mexique devrait conduire l’administration américaine à assurer un leadership plus affirmé qu’à Copenhague. Et l’adoption de la législation américaine par le Congrès est la condition préalable à cette position. J’ai eu plusieurs fois l’impression que le choix d’Obama de ne pas « sortir à découvert » lors de COP15 a été mal compris. Il était pourtant clair qu’Obama ne voulait pas renouveler la contre-performance de l’administration Clinton, qui avait négocié puis signé Kyoto, et vu ensuite ce dossier classé sans suite par les élus des deux chambres.

2010 sera donc une année chaude au Congrès. Pour illustrer les positions en présence, trois pleines pages parues la semaine dernière dans la presse quotidienne américaine.

A ma droite, Chevron dont le logo est dorénavant souligné par les mots « Human Energy », l’énergie humaine. Une jeune fille entre l’enfance et l’adolescence regarde le lecteur, avec une expression qui souligne tout à la fois le défi, l’attente, la tristesse presque (en tout cas, pas la joie). Avec 16 lignes de textes, 154 mots, la société rappelle au lecteur qu’elle injecte 59 millions de dollars par jour dans l’économie « en investissant dans les gens, les technologies et les projets qui vont fournir l’énergie nécessaire au monde d’aujourd’hui et toutes les énergies nécessaires demain ». Chevron explique ensuite qu’elle finance les projets parmi les plus ambitieux pour apporter l’énergie au marché. Ici, la part belle est faite aux énergies fossiles : champs pétroliers les plus profonds du côté de la Louisiane (il faut bien un ancrage national), champs de gaz naturel australiens (L’Australie est un pays qui rencontre une sympathie naturelle aux USA), technologies de diesel ultra- propres et enfin énergies renouvelables avec les start-up qui vont ouvrir la voie.

Au centre, l’American Petroleum Institute, publie le résultat d’une analyse menée à sa demande par PricewaterhouseCoopers en septembre 2009. La page est signée par « the people of America’s oil and natural gaz industry », le peuple de l’industrie du pétrole et du gaz naturel de l’Amérique. Le tout est habilement écrit en deux lignes, laissant le « the people of America » bien en évidence, une référence subliminale à la constitution américaine, commençant par les mots « We, the people of the United States… ».

Que dit cette page ? Que l’industrie américaine du pétrole et du gaz naturel offre 9,2 millions d’emplois américains et que des politiques publiques bien assises pourraient aider le secteur à en créer encore plus. La page est illustrée par le chiffre 9,2 présentant des visages d’américains actifs dans le secteur.

A ma gauche, le Pew Charitable Trusts, créé dès 1948 à l’initiative des enfants de Joseph Pew, fondateur de la compagnie pétrolière Oil Sun qui dispose de près de 4 milliards de dollars de fonds, et qui soutient des programmes incitant les politiques publiques à prendre en compte le long terme.

La pleine page pose une question : « dans la course vers une économie basée sur des énergies propres, l’Amérique va-t-elle être distancée ? ». Les faits sont ensuite présentés : la Chine a gagné en 2009 le leadership dans l’investissement dans les énergies renouvelables. Alors que l’Amérique a été leader dans la production de panneaux solaires, de turbines éoliennes et de technologies d’énergies propres, l’investissement a baissé de 40% aux USA. Et le PEW Trusts de recommander au Congrès d’adopter une législation, une politique forte en la matière, pour créer des emplois et des industries, réduire la dépendance au pétrole étranger, renforcer la compétitivité globale du pays, et protéger notre environnement pour les générations futures.

Curieusement, cette semaine, pas de pleine page du lobby « clean coal ». Celui-ci défend l’idée que l’utilisation du charbon américain protège l’économie, en permettant une production d’électricité trois fois moins chère que celle produite avec le gaz naturel. Avec un charbon national abondant – « Nous avons plus de charbon sous notre territoire national que le Moyen Orient a de pétrole » –, et des technologies de plus en plus propres.

Voilà trois prises de parole largement médiatisées, montrant bien les forces en présence et leurs positions. D’un côté, les entreprises traditionnelles, qui n’ont aucun intérêt à ce que les politiques publiques conduisent à sanctuariser progressivement les champs de pétrole et de gaz et qui annoncent parfois sans les chiffrer un soutien aux nouvelles énergies. Et de l’autre, la question de la compétitivité et la protection des intérêts à long terme de la nation. Dans ce combat, car il s’agit bien d’un combat, le premier plan est occupé par des images et des mots à la conquête de l’opinion publique. L’on voit à quoi conduit le récent vote sur la Sécurité sociale. Il y a fort à parier que les débats sur la loi sur l’énergie vont soulever des passions et de nombreuses croyances, contre-croyances, vérités et contre-vérités.

Une de ces vérités me parait certaine : réduire notre empreinte carbone de 80 à 90% d’ici à 2050 va conduire à sanctuariser des réserves de carburants fossiles. Ce qui, pour le Terrien moyen, n’est pas un problème.

Mais ceux qui tirent aujourd’hui des profits annuels à 9 ou 10 chiffres de cette exploitation (entreprises et gouvernements) auront du mal à accepter que le bien-être des générations futures leur demande de modifier fondamentalement leur business model. Sans doute la seule réponse qu’ils pourront entendre sera celle des marchés. C’est en ces termes que le secrétaire d’Etat américain à l’énergie, le prix Nobel de physique Steven Chu, s’est exprimé à Copenhague. D’ici 2012 ou 2014, la réduction des prix de production des énergies alternatives aux carburants fossiles aura atteint des seuils (bas) tels que leur adoption rapide et massive par la population ne demandera plus de subventions. Le développement massif de l’industrie chinoise des énergies alternatives dont le PEW Trusts se fait l’écho devrait donner une forte impulsion à cette évolution. Sans réponse massive des industries américaines et européennes – et des gouvernements –, n’allons-nous pas reproduire le schéma de dépendance énergétique actuel auquel on veut tourner le dos ?


Yves Mathieu est directeur de Missions Publiques, équipe de consultants spécialisés dans l’accompagnement de programmes de démocratie participative et d’amélioration des politiques publiques. Il est depuis janvier 2007 volontaire dans l’organisation The Climate Project, fondée par Al Gore, et y assume la fonction de manager du district international. Observateur de la société américaine par ses séjours réguliers à Washington, Yves livre dans sa chronique un regard engagé en particulier sur les enjeux politiques, sociétaux et citoyens de la lutte contre le changement climatique.


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Yves Mathieu est directeur de Missions Publiques, spécialisée dans l’accompagnement de programmes de démocratie participative et d’amélioration des politiques publiques . Il est depuis janvier 2007 volontaire dans l’organisation The Climate Project fondée par Al Gore.

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  • Le tableau n’est pas complet. Il y manque Total. Du coup vous auriez pu parler aussi de la baisse de la consommation d’essence qui entraine la perte des emplois par fermeture des raffineries. Est-ce qu’il ne serait pas nécéssaire de dissocier les produits qui sont tirés de l’exploitation petrolières et qui sont tres differents les uns des autres ?

    5.05 à 19h46 - Répondre - Alerter
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