"Je suis très honorée de remettre le prix de la “sirène en colère” à… Monsanto". Avec calme, une touche de solennité et beaucoup d’ironie, la journaliste et militante Naomi Klein a remis à Monsanto, le 15 décembre, le prix de l’industriel exerçant le plus de pressions sur les négociations climatiques. La firme spécialisée dans les organismes génétiquement modifiés est arrivée largement en tête des votes des 10000 internautes [1] : elle a recueilli 37% du total des voix devant Shell (18%), le géant de l’industrie pétrolière, et l’Institut Américain du Pétrole (14%).
Première cause de déforestation
Pour devancer les rois de l’or noir, Monsanto a sorti son plus beau costume de lobbyiste. Et celui-ci commence à éblouir l’Organisation des nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), ainsi que la Convention des Nations unies sur le changement climatique (UNFCCC) actuellement réunie à Copenhague. La multinationale tente de les convaincre que les cultures de soja OGM mondiales peuvent bénéficier de crédits carbone. Comment ? Elle met en avant la technique de "semis direct" de cette plante. Non labouré, le sol retiendrait plus de dioxyde de carbone. Le soja OGM, est présent dans 70% de la production mondiale selon le WWF, avec des pics de production dans certains pays comme l’Argentine (95% d’OGM) ou les Etats-Unis (91% d’OGM). Cette culture, majoritairement utilisée pour nourrir les animaux d’élevage, est la première cause de déforestation en Amazonie. En outre, le soja transgénique est cultivé avec force épandage du désherbant Round Up produit par Monsanto."Absurde et aveugle"
"Monsanto est devenu un artiste de la mise en invisibilité. Il réussit à faire oublier la déforestation, la dégradation des sols ou l’utilisation du glyphosate en mettant en avant la conservation des sols", décrypte Frédéric Goulet, sociologue au CIRAD et auteur d’une thèse sur les cultures sans labour. "Or le semis direct est tout sauf une technique agricole ancestrale comme essaye de le présenter Monsanto. Cette technique, inventée dans les années 1970 aux Etats-Unis, au Brésil et en Argentine, a permis d’intensifier la production, tout en réduisant les coûts de main d’oeuvre", poursuit le spécialiste. En réussissant à faire entrer le semis direct dans la catégorie d’"agriculture de conservation", Monsanto prétend aujourd’hui à l’obtention de crédits carbone. Pour les ONG, l’entrée des cultures de soja OGM dans les mécanismes de crédits carbone représenterait un soutien économique massif pour ces monocultures en Amériques du Nord et du Sud. "Labelliser cette agriculture comme « durable », simplement parce qu’elle implique moins de labourage, c’est tomber dans un réductionnisme absurde et aveugle. Il s’agit manifestement d’une "offensive climatique » de l’agrobusiness", souligne GM Watch, organisme de surveillance des OGM.A lire aussi sur terraeco.net :
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