publicité
haut
Accueil du site > Actu > Enquêtes > Frontière mexicaine : voyage au bout de la mondialisation
Article Abonné

Frontière mexicaine : voyage au bout de la mondialisation

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
 
Bienvenue à Tijuana et Ciudad Juarez, frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Ici, deux cultures, deux économies coexistent : la zone de libre-échange Mexique-Amérique du Nord (ALENA) vient de fêter ses dix ans. Mais si les capitaux et les marchandises circulent, les hommes du sud n'ont d'autre horizon que travailler dans les maquiladoras, des usines plantées à cheval sur la frontière. Et encore... Depuis peu, celles-ci ferment les unes après les autres, pour délocaliser leur production en Asie. Alors, les candidats à l'émigration sont légion, qui espèrent améliorer leur sort en traversant le désert, dernier obstacle avant le "rêve américain". Reportage.
SUR LE MÊME SUJET

Nogales d’un côté, Nogales de l’autre. Cette ville d’Arizona est jumelée à elle-même et enjambe la frontière. Mais lorsque l’on passe du hamburger ou pays du taco, c’est à peine si l’on peut s’apercevoir du changement. C’est toujours le désert, les cactus. Et les mêmes enseignes McDonalds, Taco Bell et Pizza Hut, qui défilent le long des routes.

Voilà une situation absolument inédite sur la planète, l’unique frontière terrestre entre l’un des pays les plus riches du monde et un immense pays en développement où les salaires ouvriers demeurent quatre à cinq fois plus bas. Cette zone, l’Amexica, ou la Mexamérique est une étrange région hybride. 800000 personnes la franchissent chaque jour légalement et 7000 illégalement. "Nulle part ailleurs un tel choc économique n’existe et ne génère de tels flux migratoires", note Isabelle Vagnoux dans son ouvrage Les Etats-Unis et le Mexique.

JPEG - 72.1 ko

Réservoir de main d’oeuvre

Douze millions de personnes vivent sur la Linea, la majorité se concentrant dans les quatorze villes jumelles qui bordent la frontière. Ils génèrent un PIB estimé à 20 milliards de dollars. Une grande partie d’entre eux travaillent dans des maquiladoras, ces "usines-tournevis", dans des conditions déplorables. Ou plutôt travaillaient... Car pour la première fois depuis 1980, les exportations mexicaines stagnent de façon prolongée, et 200000 ouvriers ont été licenciés depuis l’an dernier.

Alors que l’Accord de Libre-échange nord-américain (ALENA) entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis a fêté son dixième anniversaire le 1er janvier 2004, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les promesses non tenues. Certes le PIB du Mexique a été multiplié par deux. Le revenu par tête avoisine désormais 6000 dollars par an. Mais cela reste peu en comparaison des performances du puissant voisins : 37000 dollars par an et par habitant, en moyenne.

Paysans à genoux

"Le bilan de ces accords de libre-échange n’est pas du tout à la hauteur des promesses qu’ils contenaient", rappelle Janette Habel, historienne à l’Institut des Hauts Etudes d’Amérique Latine (IHEAL). Le traité a placé sur le même plan les trois pays sans prendre en compte le fait que le Mexique était un pays en voie de développement et devait donc bénéficier d’un tarif préférentiel. L’Alena a donc eu un effet destructeur sur l’économie paysanne : selon le quotidien économique mexicain El Financiero, la valeur des importations agroalimentaires a augmenté de 73% entre 1993 et 2002. Résultat : le pays doit maintenant lâcher 78% des revenus de ses exportations de pétrole à ce poste. L’élimination des barrières douanières a précipité les petits paysans dans une impasse et en particulier mis à genoux les producteurs de maïs.
JPEG - 35.7 ko
La frontière, à Tijuana. Crédit : Louba Nachba.

A la frontière se sont développées des mégapoles, laboratoires grandeur nature d’une économie mondialisée. Une partie importante de la population qui travaille à San Diego habite à Tijuana, où les loyers sont moins élevés. Le flux incessant des camions, des conteneurs et des marchandises qui traversent témoignent de l’intégration économique. Tout comme les usines jumelles qui ont été construites à cheval sur la frontière : aux Américains la gestion, la recherche-développement et l’encadrement, aux Mexicains la production à moindre coût dans des unités de sous-traitance.

Le Mexique intégré... sans les Mexicains

Dans le même temps, la libéralisation des échanges a comme contrepartie un discours ultra-sécuritaire. Les accords impliquent la libre circulation des marchandises et des produits financiers, mais pas celle des hommes. Et le phénomène s’est aggravé depuis le 11 septembre 2001. La militarisation de la frontière - sur laquelle se déploie la fameuse police des frontières amricaine, la border patrol - se renforce chaque jour. Du reste, la surveillance accrue ne décourage pas l’immigration illégale. En revanche, elle a provoqué une augmentation du prix exigé par les passeurs. Mises bout à bout, ces sommes atteignent un milliard de dollars par an : un véritable investissement en faveur des Etats-Unis.
JPEG - 21 ko
La Border Patrol. Crédit : Louba Nachba.

L’oncle Sam renvoie chaque année 1,5 million de personnes vers la frontière sud, soit plus de 4000 personnes par jour, l’équivalent d’un petit village mexicain. 405 cadavres ont retrouvés l’an dernier dans les déserts des Etats frontaliers de Chihuahua et Sonora. D’ailleurs les Etats-Unis ont déjà été mis en cause par l’ONU pour "atteinte aux droits de l’homme". Preuve que cette mondialisation-là laisse de côté les hommes. En fait, les ouvriers mexicains fabriquent des voitures et des vêtements qu’ils ne verront jamais achevés. Les propriétaires étrangers des usines rapatrient leurs bénéfices sans les réinvestir dans le développement de la région, encore moins en formation de la main d’œuvre - majoritairement féminine - qu’ils emploient.

Le tiers-monde aux portes de l’hyperpuissance

Les maquiladoras constituent l’une des pièces maîtresses de ce dispositif. Il y a trente ans, ces usines de sous-traitance sont nées de la volonté de délocaliser au nord et de créer de l’emploi au sud. Du fait de leur implantation en zones franches, ces usines de sous-traitance bénéficient d’énormes avantages fiscaux et ne sont pas soumises aux lois sur les normes du travail. Elles peuvent importer sans droits de douane des machines, matières premières et pièces détachées pour assembler les produits ensuite destinés à l’exportation. Résultat : des coûts de fabrication jusqu’à dix fois inférieurs à ceux des Etats-Unis. La main d’œuvre est corvéable à merci et totalement flexible, puisque susceptible d’être licenciée du jour au lendemain. Les propriétaires des usines savent qu’ils trouveront à la porte autant de candidats à l’embauche. Ceux-ci sont attirés par une rémunération deux fois supérieure au "smic" mexicain, même s’ils savent que le coût de la vie est aussi bien plus élevé, du fait de la proximité avec les Etats-Unis.
JPEG - 15.3 ko
Pour certains candidats à l’exil, la route s’achève en plein désert. Crédit : Louba Nachba.

Egout à ciel ouvert

Dans ces maquiladoras, les seuls syndicats qui ont réussi à s’imposer ne sont que des "courroies de transmission" des dirigeants, souligne Janette Habel. Dans une grande entreprise européenne, les ouvrières reçoivent des décharges électriques pour diriger leurs mouvements et optimiser leur efficacité. Ailleurs, on leur demande de présenter leurs serviettes hygiéniques souillées. Certaines firmes seraient allées jusqu’à stériliser leurs salariées. Enfin la pollution chronique qu’engendre l’activité économique des usines fait de la frontière un égout à ciel ouvert.

...LIRE LA SUITE DE L’ARTICLE

Article lié :
Débauche sans ordonnance

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas