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3-06-2004
Mots clés
Marques, Marketing
Société
Amériques

La bataille des hamburgers

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A la façon d'un Michael Moore, le film Super Size Me du jeune réalisateur Morgan Spurlock s'en prend à l'icône McDonalds, symbole d'une société américaine malade de sa surconsommation alimentaire. Mc Do feint l'indifférence, mais ses afficionados contre-attaquent.
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C’est une farce jouée par trois acteurs et quelques figurants, plus ou moins bien intentionnés. Premier entré en scène, Morgan Spurlock, 33 ans, est en fait réalisateur. Son premier long métrage, Super Size Me, a été primé au dernier festival de Sundance, la grand-messe américaine du film indépendant. Super Size Me est une charge contre l’entreprise McDonalds, taxée d’irresponsabilité sociale pour sa "malbouffe". Pendant 30 jours, Morgan Spurlock s’est invité à la table de la plus grande chaîne de hamburgers du monde en se fixant une règle : ne se nourrir, matin, midi et soir, que des produits servis par ses établissements.

Mc Do coupable

En s’inspirant ouvertement des méthodes du réalisateur bedonnant Michael Moore, Morgan Spurlock a fixé sur la pellicule ces heures passées à ingurgiter sandwichs, confiseries et sodas. De vomissements, en chute de libido, cette croisade à 5000 calories par jour, s’achève sur un bilan de santé calamiteux. 11 kilos en un mois et un taux de cholestérol perché à 230 (contre 165). En 1h38, Super Size Me scelle le sort de Mc Do, désigné comme co-responsable de l’obésité chronique de la population américaine.

"30 ans en 30 jours"

"Ce film sur 30 jours est un condensé de ce que les Américains vivent en 30 ans, insiste Morgan Spurlock, en se défendant de toute manoeuvre sensationnaliste. Je ne dis pas que les Américains font comme moi dans le film. Je dis que le mode de vie de beaucoup d’entre eux s’en approche : Mc Do le matin, Taco Bell le midi, pizza le soir". Et de préciser : "Contrairement à ce que les gens pensent, ce n’est pas une attaque contre Mc Do. C’est une attaque contre notre mode de consommation, dont Mc Do est l’icône, et qui fait que la population américaine est en surpoids".

Responsabiliser l’Amérique

Morgan Spurlock affirme ne rien vouloir que "responsabiliser à la fois les consommateurs et les entreprises agroalimentaires". Car un tiers des Américains accusent un surpoids, un autres tiers sont obèses. Les frais médicaux liés à cette épidémie ont été estimés à 75 milliards de dollars (1) pour l’année 2003. Au passage, Morgan Spurlock égratigne l’influence néfaste du marketing sur les petites têtes blondes. "Rendez-vous compte que les enfants que nous avons interrogés connaissent tous Ronald Mc Donald, alors qu’ils ne savent même pas qui est Jésus..."

L’entrée en scène de Soso Whaley

Soso Whaley n’aime pas Morgan Spurlock. Educatrice de formation, dresseuse d’animaux, cette mère de famille de 49 ans collabore bénévolement au Competitive Enterprise Institute (CEI). Ce think tank sis à Washington - capitale des lobbyists - défend l’entreprise privée et la dérégulation des marchés. Ses ennemis : l’Etat, l’impôt et la protection de l’environnement, sujets sur lesquels le CEI publie régulièrement des études aux accents douteux (2).

Régime Weight-Mc Do

C’est en visionnant une émission de télévision traitant de Super Size Me, que Soso Whaley a entamé sa carrière d’actrice. "Spurlock nous prend pour des idiots et ne fait que mener une charge anti-entreprises", résume-t-elle. Ni une, ni deux. Soso Whaley a décidé, le 1er avril de prendre à son compte la recette de Spurlock, mais en choisissant scrupuleusement ses ingrédients : salades, jus de fruits, hamburgers parfois. Son credo : l’entreprise n’est pas responsable de l’obésité des consommateurs, qui peuvent résoudre eux-mêmes le problème puisqu’ils peuvent librement choisir ce qu’ils mangent. 30 jours de son "régime Mc Do" à 2000 calories par jour lui ont fait perdre 4,5 kilos et chuter le taux de cholestérol de 237 à 197. Le tout, sous le regard bienveillant des dirigeants du CEI, qui publient sur leur site Internet, le journal intime de cette aventure cocasse (3). Un contre-documentaire, actuellement en montage, est déjà annoncé.

Consommateurs-acteurs

L’entreprise Mc Do, est donc le troisième acteur - involontaire - de cette comédie. Son porte-parole Walt Ricker, balance entre l’indifférence et une irrépressible envie de trancher dans le lard : "Notre film, ce sont nos clients qui le font. Cette année, ils sont en moyenne 2,3 millions de plus que l’année dernière. En fait, Super Size Me n’est qu’un cartoon consacré à l’irresponsabilité. C’est tout simplement inexact, fallacieux et cela ne prouve rien." Sans surprise, le contre-feu allumé par Soso Whaley trouve en revanche grâce à ses yeux. Mais Walt Ricker s’empresse de préciser que la multinationale n’est liée ni de près ni de loin à la réalisatrice en herbe, pas plus qu’au CEI (4).

La "loi cheeseburger"

Du reste, souligne Walt Ricker, Mc Do n’a attendu ni Spurlock ni Whaley pour offrir des repas sains à ses clients. Vrai. L’entreprise a annoncé en mars - quelques semaines avant la sortie en salles de Super Size Me... - le retrait des versions géantes de ses burgers et portions de frites (vendues sous le nom Super Size). Les 13000 établissements américains cesseront de les vendre avant la fin de l’année. Surtout, depuis quelques mois la chaîne de fast-food a bien entamé un changement de cap : fruits, eaux, yaourts... Objectif : repeindre la carte aux couleurs de l’alimentation saine et équilibrée. Un programme "Mangez intelligent et bougez" est relayé à coups de prospectus distribués aux clients. Rien d’altruiste là-dedans : il s’agit en fait de désamorcer les menaces de procès - qui avaient coûté des milliards de dollars aux cigarettiers. Du reste, contrairement à ces derniers, les industries agroalimentaires ont un atout dans leur jeu : la loi "cheeseburger", déjà adoptée dans une vingtaine d’Etats, qui empêcherait les poursuites mettant en cause leur responsabilité dans des cas d’obésité ou de diabète.

Pirouette, cacahuètes

Face à un tel arsenal, la pirouette cinématographique de Morgan Spurlock ne vaut sans doute que quelques cacahuètes. Diffusé dans 148 salles (contre 4163 pour Shrek 2) Super Size Me a tout de même rapporté plus de 3,5 millions de dollars en trois semaines d’exploitation. Sortie en France annoncée pour la fin juin... Quelques jours avant Fahrenheit 9/11, le brûlot de Michael Moore.

(1) Source : Centers for Disease Control and Prevention.

(2) Une liste d’études du CEI, parmi lesquelles des charges virulentes contre le Protocole de Kyoto : http://www.cei.org/sections/section1.cfm

(3) Le journal intime de Soso Whaley : http://www.cei.org/pages/debunk/deb...

(4) Le CEI gravite en fait au sein d’une galaxie d’officines qui, sous couvert d’indépendance, défendent les intérêts de l’industrie agroalimentaire (Center for Consumer Freedom et Tech Central Station, entre autres).

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